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La myocardite aiguë : état des lieux
Mathieu KERNEIS et coll.*, Institut de Cardiologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP), Paris

La myocardite aiguë est une maladie inflammatoire du muscle cardiaque, définie par la présence d’un infiltrat inflammatoire et d’une nécrose myocytaire d’origine non ischémique. Pour autant, la nature de l’infiltrat permet de distinguer différentes typologies de myocardites : lymphocytaire (la plus classique, souvent virale), à éosinophiles (dans le cadre de maladie de système ou de toxicité médicamenteuse), à cellules géantes (toujours grave) et granulomateuse (sarcoïdose cardiaque).
• Définition, épidémiologie et étiologies (figure 1) La myocardite aiguë est une maladie inflammatoire du muscle cardiaque, définie par la présence d’un infiltrat inflammatoire et d’une nécrose myocytaire d’origine non ischémique. Pour autant, la nature de l’infiltrat permet de distinguer différentes typologies de myocardites : lymphocytaire (la plus classique, souvent virale), à éosinophiles (dans le cadre de maladie de système ou de toxicité médicamenteuse), à cellules géantes (toujours grave) et granulomateuse (sarcoïdose cardiaque). L’incidence de la myocardite est difficile à établir. D’une part, parce que les présentations cliniques variées peuvent rendre le diagnostic difficile, d’autre part, parce que le diagnostic de certitude est historiquement basé sur l’étude anatomopathologique, dépendant donc de la réalisation de biopsies myocardiques, souvent réservées aux formes sévères. Avec ces réserves, on estimait, en 2013, l’incidence de la myocardite à 22/100 000 (1). À l’échelle d’une ville comme Paris, 500 patients sont pris en charge chaque année pour une myocardite aiguë. En Europe et en Amérique du Nord, l’étiologie virale est de loin la plus fréquente (> 90 %). Grâce aux progrès de la biologie moléculaire, le nombre de virus décrits comme ayant un tropisme cardiaque a considérablement augmenté, le type d’agent rencontré dépendant de la situation géographique. Les données les plus récentes suggèrent que le parvovirus B19 et les virus herpès (principalement HHV-6) sont plus fréquents que les adénovirus et les entérovirus, contrairement à ce qui avait été rapporté précédemment ( 2,3). Les causes bactériennes sont rares et les causes parasitaires essentiellement représentées par les trypanosomiases. Au-delà des infections, elle peut également être d’origine médicamenteuse, la clozapine (et les antipsychotiques au sens large) étant responsable de la grande majorité de ces myocardites dites toxiques. Enfin, certaines maladies de système peuvent entraîner une myocardite, et notamment le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. On peut y associer les myocardites à cellules géantes, où une atteinte dysimmunitaire est parfois mise en évidence. Alors que les causes de myocardites sont extrêmement nombreuses, il est remarquable de noter que les bilans étiologiques restent souvent négatifs, et le diagnostic de myocardite aiguë virale souvent porté a posteriori sur un faisceau d’arguments cliniques. • Physiopathologie Dans des modèles murins de myocardites à entérovirus, il a été démontré que le virus peut pénétrer dans les cardiomyocytes par des récepteurs spécifiques et induire une nécrose cellulaire ou une apoptose par l’activation de mécanismes de signalisation. On retrouve alors le génome viral au niveau myocardique. Pour autant, ce mécanisme n’est pas la règle dans la plupart des myocardites virales. En effet, la réponse inflammatoire et immunitaire contribuant à la destruction des agents pathogènes et des cellules infectées peut également entraîner la destruction de cardiomyocytes sains. Cette réponse immunitaire entraîne l’activation de lymphocytes T auto-réactifs via des mécanismes de mimétisme moléculaire entre des antigènes viraux et des antigènes myocardiques. Ainsi dans la myocardite virale, la réaction immunitaire reste la principale cause du dommage myocardique et le génome viral peut ne pas être retrouvé au niveau myocardique. Les processus de réparation peuvent aboutir à une réparation tissulaire complète, à de la fibrose cicatricielle ou le plus souvent à une combinaison de ces deux processus, dont dépendra en partie l’étendue de la dysfonction cardiaque séquellaire. Chez certains patients, la réponse inflammatoire persiste car l’agent pathogène persiste, parfois de façon partielle, ou parce que la présence persistante d’autoanticorps entretient le processus inflammatoire. Cette inflammation chronique favorise la nécrose myocardique, la fibrose, le remodelage myocardique et l’évolution vers une cardiomyopathie dilatée (4). Enfin, des données suggèrent que des anomalies génétiques peuvent moduler la vulnérabilité myocardique, pouvant entraîner une résistance marquée ou au contraire une grande susceptibilité aux myocardites induites par les virus ou d’origine auto-immune. Enfin, et à titre d’exemple dans la dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA), un tableau de myocardite aiguë peut être une expression de la maladie, illustrant le lien encore mal compris, entre génétique et myocardite (5). • Diagnostic de myocardite La présentation clinique est extrêmement large, classiquement précédée d’un syndrome infectieux et pouvant se révéler par des douleurs thoraciques, une dyspnée, des troubles du rythmes, des troubles conductifs, un choc cardiogénique ou bien une simple asthénie. La forme virale non compliquée (sans dysfonction VG, état de choc, trouble du rythme) se présente volontiers sous la forme dite « STEMI- like » avec douleur thoracique prolongée et susdécalage sans miroir. La myocardite reste une maladie du sujet jeune. Les formes non compliquées virales touchent plus souvent les hommes. La Société européenne de cardiologie (ESC), sur la base d’un consensus d’experts, a établi des critères cliniques permettant de définir une myocardite dite « cliniquement suspectée » (6). Cependant, aucun de ces critères n’est spécifique. Ainsi, les recommandations d’experts proposent de réaliser une biopsie pour toute myocardite suspectée. Ce n’est pourtant pas souhaitable dans les formes non compliquées. Son utilité perçue est, à juste titre, faible, et son caractère invasif associé à de possibles complications a limité l’adhésion de la communauté médicale à ces recommandations. Elle est, de fait, rarement utilisée en France chez les patients hémodynamiquement stables qui représentent la très grande majorité des formes cliniques. Seuls 4 % des patients ayant une myocardite sont biopsiés aux États-Unis. Sa place est donc réservée aux formes fulminantes, complexes, récidivantes, ou liées aux IPCI ( immune checkpoint inhibitors). Il est important de noter que de grands progrès ont toutefois été faits dans ce domaine et que sa place est amenée à évoluer dans l’algorithme décisionnel, la biopsie pouvant être guidée par l’imagerie, l’électrophysiologie avec des systèmes de cartographie et l’analyse des fragments pouvant désormais faire appel à des techniques de séquençage ARN, et des outils immunologiques permettant de caractériser avec précision les lymphocytes présents dans le tissu myocardique. L’imagerie par résonance magnétique (IRM), grâce à sa précision dans l’évaluation des volumes, de la fonction ventriculaire et sa capacité unique à visualiser l’oedème myocardique, les cicatrices fibreuses et les autres anomalies tissulaires, a émergé comme l’outil diagnostique non invasif de choix dans la myocardite aiguë. En 2009, le groupe consensus de Lake Louise a recommandé l’utilisation d’un protocole standard pour mieux identifier l’inflammation myocardique en IRM basée sur les séquences pondérées T1 et T2 et l’analyse du rehaussement tardif (7). Les cibles des trois critères diagnostiques de Lake louise étaient l’œdème, l’hyperhémie et une anomalie du rehaussement tardif de topographie non ischémique (figure 2). La présence de deux critères sur trois permet un diagnostic de myocardite correct dans 80 % des cas avec une sensibilité de 67 % et une spécificité de 91 % (7). En 2018, un groupe d’experts a recommandé l’utilisation de critères de Lake Louise dits « modifiés » afin d’en améliorer la spécificité. Ces critères consistent en l’association d’un œdème myocardique sur un critère T2 (séquence pondérée T2 ou cartographie [mapping] T2) et d’un dommage myocardique d’origine non ischémique caractérisé par une anomalie T1 (cartographie T1, ECV ou rehaussement tardif) (8). La spécificité et la sensibilité de ces nouveaux critères sont supérieures à 90 % et fait, de facto, de l’IRM la méthode de choix du diagnostic de myocardite dans les formes non compliquées. • Traitement de la myocardite aiguë (hors myocardite fulminante et myocardite induite aux IPCI) Le traitement des myocardites n’est pas un sujet consensuel. Il n’est pas basé sur un niveau de preuve important, puisque seules 7 études randomisées ont évalué différentes stratégies antiinflammatoires ou immunosuppressives sur de petits effectifs (n 110) sans efficacité sur des critères cliniques durs (tableau 1) et incluant des populations hétérogènes, dont la plupart étaient déjà au stade de cardiomyopathie dilatée. On peut retenir qu’une hospitalisation est recommandée dans une unité de soins intensifs avec monitoring cardiaque, car la situation peut évoluer rapidement de façon défavorable, même chez les patients présentant une fraction d’éjection préservée à l’admission. Chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche sans état de choc, il est conseillé d’introduire un traitement de l’insuffisance cardiaque par inhibiteur de l’enzyme de conversion et par diurétique. L’ajout d’un agoniste de l’aldostérone peut être discuté. Aucun essai chez l’homme n’a évalué le traitement de l’insuffisance cardiaque dans la myocardite aiguë, seules des études chez des modèles murins ont été réalisées, dans lesquelles les IEC et ARA II diminuaient fortement l’inflammation, la nécrose et la fibrose myocardique (9). L’intérêt de ses traitements dans les formes sans dysfonction VG est discutable et en cours d’évaluation. L’introduction des bêtabloquants doit être différée de la phase initiale, car elle peut altérer l’état hémodynamique des patients. Ils présentent néanmoins dans les données de registre un intérêt dans la prevention des troubles du rythme ventriculaire. La durée de ce traitement pour les formes non compliquées ou avec récupération ad integrum de 6 mois de traitement, ou jusqu’à réévaluation IRM, semble la durée la mieux adaptée. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens utilisés dans le traitement de la péricardite aiguë n’ont pas pour l
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