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Thérapeutique

Publié le  Lecture 13 mins

Thérapeutiques immunomodulatrices dans le post-infarctus du myocarde : mythe ou réalité ?

Raphaël COHEN, Hafid AÏT-OUFELLA INSERM U970, Paris Cardiovascular Research Centre (PARCC)

La survie précoce au décours d’un infarctus du myocarde (IDM) s'est considérablement améliorée au cours des dernières décennies grâce à l’avènement de l’angioplastie percutanée primaire associée aux traitements antiagrégants(1). Cependant, le traitement médical a un effet limité sur la stabilité des plaques d’athérosclérose et sur les conséquences cardiaques de l’ischémie-reperfusion, responsable d’un remodelage myocardique délétère. Ainsi, l’insuffisance cardiaque post-ischémique et la mortalité tardive à l’issue d’un infarctus restent un problème de santé publique(2).

La prise en charge thérapeutique au décours de l’infarctus du myocarde vise à prévenir la récidive d’événements athéro-thrombotiques en corrigeant les facteurs de risque cardiovasculaires via des mesures hygiéno-diététiques et différents traitements incluant les hypolipémiants (statines, inhibiteurs de l’absorption intestinale de cholestérol, anti-PCSK9). Le traitement vise également à limiter le remodelage cardiaque délétère en inhibant deux systèmes neuro-hormonaux pathogènes : le système sympathique via les bêtabloquants et le système rénine-angiotensine-aldostérone via les IEC ou les ARA2 et les antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (et bêtabloquants). En revanche, aucun traitement ciblant spécifiquement l’inflammation n’est actuellement recommandé. Pourtant, la réponse immuno-inflammatoire joue un rôle crucial dans le développement et les complications de la maladie athéromateuse. D’ailleurs, chez les patients ayant une polyarthrite rhumatoïde ou un psoriasis, deux pathologies inflammatoires associées à un risque accru d’événements cardiovasculaires, les traitements immunomodulateurs baissent de manière drastique la morbimorbidité cardiovasculaire (3,4). L’étude CANTOS est également la preuve de l’implication de la réponse immune dans la récidive d’événements athérothrombotiques. Parallèlement, la réaction inflammatoire dans le myocarde ischémié participe au remodelage cardiaque délétère et favorise le développement d’une insuffisance cardiaque. Athérosclérose, maladie inflammatoire et approches thérapeutiques Mécanismes immuno-inflammatoires de l’athérosclérose Les travaux chez l’animal et chez l’homme ont clairement mis en évidence l’implication de la réponse immuno-inflammatoire dans la physiopathologie de l’athérosclérose. L’accumulation de LDL (lipoprotéine de basse densité)-cholestérol (LDL-C) dans l’espace sous-intimal, secondairement oxydé au contact de la matrice extracellulaire, constitue un des signaux d’initiation de l’athérosclérose (5). Les LDL oxydés induisent l’activation de l’endothélium qui favorise le recrutement de cellules immunitaires, en exprimant des molécules d’adhérence comme ICAM-1 et libérant des chimiokines chémo-attractantes comme CCL2 (5). Les cellules de l’immunité innée, principalement les monocytes, sont les premières à infiltrer la paroi vasculaire. Après leur diapédèse, les monocytes se différencient en macrophages puis en cellules spumeuses riches en lipides. Sous l’effet de différents facteurs métaboliques et inflammatoires, ces macrophages meurent et participent à la croissance du noyau nécrotique, facteur de vulnérabilité de la plaque d’athérosclérose (5). Ces macrophages activés sécrètent de nombreuses cytokines proinflammatoires telles que le TNFa, l’IL-1b ainsi que des dérivés actifs de l’oxygène pérennisant l’activation pathogène des cellules vasculaires et inflammatoires (6). La surcharge lipidique des macrophages, leur sécrétion de cytokines pro-inflammatoires, d’espèces radicalaires dérivées de l’oxygène et enfin leur mort participent à la croissance de la plaque d’athérosclérose ainsi qu’à sa vulnérabilité (6). Parallèlement, les macrophages interagissent avec d’autres cellules immunitaires recrutées localement, les lymphocytes T CD4+, et sont impliqués dans leur activation et leur polarisation via la présentation d’antigènes couplée au CMHII (complexe majeur d’histocompatibilité), l’expression de molécule de co-stimulation et la production de cytokines comme l’IL-12. Différentes sous-populations lymphocytaires T ont été décrites dans la physiopathologie de l’athérosclérose et ne seront que brièvement évoquées dans cette revue. On peut citer les LyT auxiliaires de type 1 (Th1) qui favorisent la progression athéromateuse via la sécrétion d’interféron (IFN) gamma, de tumor necrosis factor (TNF)-alpha et d’IL-2 ou encore les lymphocytes T régulateurs (Tregs) athéroprotecteurs, via la sécrétion, entre autres de molécules anti-inflammatoires tels que l’IL-10 et de transforming growth factor (TGF)-bêta (6,7). Enfin, les lymphocytes B sont également impliqués dans le développement de l’athérosclérose. Les lymphocytes de type B1 sont plutôt protecteurs en produisant des anticorps anti-LDLox de type IgM alors que les lymphocytes de type B2 sont plutôt pathogènes en activant et polarisant la réponse T CD4+ (8). Événements athérothrombotiques et approches anti-inflammatoires Au lit du malade, lors d’un événement athéro-thrombotique, cette réponse inflammatoire peut être mise en évidence cliniquement (fièvre via la sécrétion d’IL-6), et biologiquement avec une hyperleucocytose directement associée à la mortalité (9) et une élévation de la CRP et du fibrinogène. De nombreuses études ont d’ailleurs montré que le taux de CRP ultrasensible (hsCRP) est un facteur prédictif indépendant de récidive ischémique (10). Bien qu’aucun traitement immunomodulateur ne soit actuellement recommandé en post-infarctus, certains des traitements utilisés en routine ont une activité anti-inflammatoire. Les statines, indépendamment de leur rôle hypolipémiant, via une amélioration de la fonction endothéliale et une diminution de la signalisation, exercent une action anti-inflammatoire locale (vasculaire) et systémique (baisse de la CRP) (11). Les anti-PCSK9, désormais prescrits en 3 e ligne hypolipémiante ou en cas d’intolérance aux statines-ézétimibe, pourraient exercer une activité anti-inflammatoire (12). De même l’inhibition du SRAA, via l’activation de lymphocytes T régulateurs et la baisse de l’activation des voies Th1 et Th17 pourraient avoir un rôle athéroprotecteur (13). Enfin, les bêta bloquants en bloquant les récepteurs b1 adrénergiques à la surface des polynucléaires neutrophiles, pourraient limiter leur dégranulation et de la libération de dérivés réactifs de l’oxygène (14). Étude CANTOS, bloquer l’IL-1b diminuerait la survenue d’événements cardiovasculaires (15) L’IL-1b, libérée secondairement à la sécrétion de TNFa exerce un rôle pro-athérogène dans des modèles murins et porcins (16). Elle pourrait donc constituer une cible thérapeutique chez l’homme pour limiter les événements cardiovasculaires. C’est cette hypothèse qu’a testé CANTOS, une étude de phase III randomisée, multicentrique, internationale (1 000 centres dans 39 pays) menée en double aveugle, qui a comparé le canakinumab (anticorps anti-IL-1b neutralisant) à un placebo associé à un traitement médical optimal. La population cible était les patients ayant un antécédent d’IDM de moins de 30 jours et un taux de hsCRP > 2 mg/L. Le canakimumab est actuellement prescrit dans le traitement de certaines maladies auto-inflammatoires telles que la maladie périodique (fièvre méditerranéenne familiale) ou la maladie de Still. Cette étude a inclus 10 061 patients randomisés pour recevoir un placebo ou l’une des 3 doses de canakinumab (50, 150 ou 300 mg), administrée par voie sous-cutanée tous les 3 mois. À 48 mois, le canakinumab ne réduisait pas le taux plasmatique de LDL-C, mais réduisait significativement la hsCRP de manière dose-dépendante. Le critère de jugement principal était un composite d’IDM, d’AVC et de mortalité cardiovasculaire. À l’issue d’un suivi médian de 3,7 ans, la dose de 150 mg réduisait significativement le critère de jugement principal de 15 % (HR = 0,85 ; IC95% : 0,74-0,98 ; p = 0,007). Le critère de jugement secondaire qui comprenait le critère de jugement principal associé aux angors instables (nécessitant une revascularisation en urgence) était également significatif avec une réduction de 17 % (HR = 0,83 ; IC95% : 0,73- 0,95 ; p = 0,005). Néanmoins, il n’y avait aucun impact sur la mortalité toutes causes, quelle que soit la dose utilisée (HR = 0,94 ; IC95% : 0,83-1,06 ; p = 0,31). Une étude ancillaire parue secondairement a mis en évidence une diminution significative de la mortalité par cancer dans le bras canakinumab 300 mg (HR = 0,49 ; IC95% : 0,31-0,75 ; p = 0,0009) et plus particulièrement la mortalité liée au cancer du poumon, soutenant ainsi l’idée du rôle important de l’inflammation dans la tumorogenèse et l’émergence de métastases dans certaines néoplasies (17). Concernant la tolérance, le canakinumab est associé à une augmentation non significative du nombre d’infections fatales ou de sepsis. L’incidence est de 0,31 % dans le groupe 150 mg versus 0,18 % dans le groupe placebo (p = 0,06). Étude CIRT, échec du méthotrexate faible dose dans la diminution des événements cardiovasculaires (18) L’étude CIRT a étudié l’effet athéroprotecteur du méthotrexate à faible dose (15 ou 20 mg par semaine). Le méthotrexate est un immunomodulateur largement prescrit dans la polyarthrite rhumatoïde ainsi que dans le rhumatisme psoriasique. Dans plusieurs études de cohorte ayant inclus des patients avec rhumatismes inflammatoires, le méthotrexate réduisait la survenue des événements cardiovasculaires (18). Les mécanismes anti-inflammatoires sont mal connus. CIRT est une étude contrôlée randomisée ayant inclus 4 786 patients ayant un ATCD d’IDM une maladie coronaire multivasculaire, un diabète de type 2 ou un syndrome métabolique. Après un suivi médian de 2,3 ans, le critère d’évaluation principal final — un composite d’infarctus du myocarde non mortel, d’accident vasculaire cérébral non mortel, de décès cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour angor instable ayant conduit à une revascularisation urgente — est survenu chez 201 patients du groupe méthotrexate contre 207 patients du groupe placebo (HR = 0,96 ; IC95% : 0,79-1,16). Comment expliquer l’échec de cette approche immunomodulatrice dans le post-infarctus ? Une des hypothèses mises en avant est le fait que, contrairement à l’étude CANTOS, les patients n’ont pas été sélectionnés sur l’existence d’une inflammation persistante. D’ailleurs leur niveau basal de hsCRP est 3,5 fois plus bas que celui des patients de l’étude CANTOS (1,2 versus 4,2 mg/L en médiane). Ceci explique également pourquoi le méthotrexate n’a aucun effet sur les taux

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