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Cardiomyopathies : les recommandations de l’ESC 2023
Raphaël COHEN, Unité INSERM 970, interne de cardiologie, Paris

Les recommandations ESC 2023 sur les cardiomyopathies (CMP) ont été présentées fin août à Amsterdam et publiées dans l’European Heart Journal dans le même temps. En dehors de la cardiomyopathie hypertrophique (recommandations ESC 2014), ces recommandations sont les premières étudiant les cardiomyopathies dans leur ensemble (de cause génétique ou non).
Plusieurs points essentiels ont été évoqués : • Nosologie : plus que le génotype, le phénotype global (clinique, morphologie/fonction ventriculaire et génotype) permet une classification plus pertinente. • Diagnostic : en plus de la clinique, de l’ECG et de l’échocardiographie, l’imagerie en coupe (IRM cardiaque et/ou scanner cardiaque) fait une entrée fracassante, permettant l’évaluation des infiltrations cicatricielles ventriculaires (fibrotiques et/ou adipeuses). L’accent est mis sur le parcours de soins dès le plus jeune âge selon la présence ou non de symptôme ou d’un cas dans la famille en utilisant une approche multiparamétrique après une identification du phénotype pour arriver à un diagnostic étiologique. À noter une nouvelle entité : la cardiomyopathie non dilatée du ventricule gauche (CNDVG). • Génétique : ces recommandations insistent sur la nécessité de se référer rapidement à un centre expert afin d’avoir une prise en charge génétique spécialisée permettant un diagnostic et une prise en charge familiale. La prise en charge des symptômes, des troubles du rythme, et les préventions primaires et secondaires de la mort subite y sont détaillées. • Risque de mort subite : ces recommandations viennent compléter celles de 2023 sur la mort subite, insistant sur la stratification du risque nécessaire pour l’indication à la pose d’un défibrillateur, avec des stratégies différentes selon le phénotype de la CMP. Enfin, chaque cardiomyopathie est détaillée depuis son diagnostic jusqu’à sa prise en charge en insistant sur la CMH et la CMD : Dans la CMH, à noter l’entrée du mavacamten premier inhibiteur sélectif de la myosine cardiaque tandis que la place du tafamidis, un stabilisateur spécifique de la transthyrétine, est confirmée dans le traitement des formes symptomatiques de la cardiomyopathie amyloïde liée à la transthyrétine. Il est impossible de rentrer dans les détails d’un document de plus de 145 pages. Certaines parties ne seront donc pas traitées ou brièvement résumées pour ses éléments essentiels : prise en charge pédiatrique, détails précis de la prise en charge génétique, cardiomyopathie arythmogène du ventricule droit (CAVD), certaines cardiomyopathies rares d’origine métaboliques (RASopathies, myopathies spécifiques). Pour cela, nous vous renvoyons au document original. Définitions (tableau 1) Cardiomyopathie : anomalie du myocarde structurellement et fonctionnellement anormal, en l’absence de coronaropathie, d’HTA, de valvulopathie et de cardiopathie congénitale suffisantes pour être à l’origine de l’anomalie myocardique observée. Ne sont plus considérés comme des cardiomyopathies à proprement parler : la non-compaction du ventricule gauche (l’hypertrabéculation étant plutôt un trait phénotypique s’intégrant dans les différentes cardiomyopathies) et le syndrome de Tako-Tsubo. Focus Le phénotype CNDVG comprendra des individus qui, jusqu’à présent, ont été diversement décrits comme atteints de CMD (mais sans dilatation du ventricule gauche), de cardiomyopathie ventriculaire gauche arythmogène (CVGA), de CAVD à prédominance gauche ou de CMD arythmogène (mais souvent sans remplir les critères diagnostiques de la CAVD). Les patients atteints de CMP doivent être pris en charge dans leur globalité avec différents acteurs de santé afin d’assurer un parcours de soins adéquat : cardiologues spécialisés, spécialistes en imagerie cardiaque, infirmiers, psychologues cliniciens, généticiens et autres spécialités médicales en fonction des atteintes extra-cardiaques (internistes, gastro-entérologues, etc.). Prise en charge diagnostique Ces recommandations insistent sur l’approche multiparamétrique à partir de la clinique et/ou de l’histoire familiale faisant suspecter une CMP qui sera confirmée par l’imagerie multimodale (figure 1) la classant dans un ou des phénotypes suscités. Clinique et prélèvements biologiques La présentation clinique initiale est variée : – insuffisance cardiaque, arythmies, syncope, douleur thoracique mettant à contribution les soins primaires (médecins généralistes, pédiatres) ; – et/ou une histoire familiale ; – découverte fortuite. Une prise en charge systématique est donc nécessaire. Certains signes cliniques (drapeaux rouges) doivent faire évoquer une CMP génétique et/ou syndromique. (Tableau 2) Les anomalies ECGs (bloc auriculo-ventriculaire, aspect de préexcitation ventriculaire, anomalies de repolarisation et des voltages de QRS élevés ou bas) des différents phénotypes et étiologies ne sont pas détaillées ici (tableau 7 des recommandations). (Tableau 3) Pour les examens de seconde intention (IIa C), se référer au tableau 8 du document princeps. Imagerie L’échocardiographie afin d’évaluer les dimensions des cavités cardiaques ainsi que les fonctions ventriculaires gauches/droites systoliques et diastoliques VG est recommandée pour tous les patients au diagnostic et durant le suivi pour monitorer la progression et aider à la prise en charge thérapeutique et la stratification du risque (I B). (Tableau 4) L’imagerie en coupe, en particulier l’IRM cardiaque, est désormais indispensable au diagnostic ainsi qu’au suivi des CMP. En plus de communiquer des informations sur la morphologie et la fonction cardiaque, elle permet d’évaluer le rehaussement tardif correspondant à la fibrose myocardique ainsi que sa topographie. Le rehaussement tardif est un marqueur de progression de la CMP et un facteur majeur de risque de mort subite (MS). L’IRM oriente vers des étiologies plus précises avec un apport bien supérieur à l’échocardiographie : CNDVG, CAVD, myocardite, amylose cardiaque, sarcoïdose, hémochromatose (surcharge en fer) (figure 2). Un scanner cardiaque injecté doit être envisagé chez les patients suspects de CMP chez qui l’IRM est contre-indiquée (IIa) et/ou une cardiopathie congénitale ou une coronaropathie sont suspectées (IIa). Par ailleurs : – l’imagerie nucléaire utilisant un traceur osseux (biphosphonate – pyrophosphate) est recommandée chez tous les patients chez qui l’on suspecte une amylose ATTR avec atteinte cardiaque (I) ; – un PET-TDM au FDG doit être envisagé pour le diagnostic chez les patients suspects d’une sarcoïdose cardiaque (IIa). Enfin, la biopsie endomyocardique peut être envisagée pour aider au diagnostic et à la prise en charge lorsque les résultats d’autres examens cliniques suggèrent une inflammation, une infiltration ou une maladie de surcharge qui ne peut être identifiée par d’autres moyens (IIa). (Figures 1 et 2) Tests génétiques Ces recommandations insistent très fortement sur la prise en charge génétique ayant un bénéfice direct pour confirmer le diagnostic du cas index, mais aussi des apparentés, éclairer le pronostic en particulier la stratification du risque rythmique, poser l’indication d’un traitement spécifique, et aider à la procréation. L’architecture des CMP est complexe, on distingue (de manière très simplifiée) (figure 3) : – atteinte monogénique autosomique dominante avec une pénétrance incomplète et une expression clinique variable ; – atteinte oligo- ou polygénique de gravité variable selon le type et le nombre de variants mutés. Principes généraux de prise en charge des patients atteints de cardiomyopathie Insuffisance cardiaque Les recommandations pour l’insuffisance cardiaque des CMP suivent les recommandations de l’ESC 2021, mises à jour en 2023, sans réel traitement spécifique au phénotype (figure 4). Fibrillation atriale La fibrillation atriale (FA) est l’arythmie la plus fréquente de tous les phénotypes de CMP et est associée à un risque accru d’événements cardio-emboliques, d’insuffisance cardiaque et de décès. Traitement anticoagulant L’anticoagulation peut être considérée chez les patients ayant une CMR (IIa) et chez les patients ayant une CMD, une CNDVG ou une CAVD avec un score CHA 2DS 2-VASc = 1 chez les hommes ou = 2 chez les femmes (IIa). Contrôle du rythme vs contrôle de la fréquence Comme dans les recommandations ESC sur la FA, l’ablation par cathéter est en 1 re ligne. De même, l’ablation du nœud atrio-ventriculaire doit être envisagée si la stratégie de contrôle de la fréquence a été choisie, mais que la fréquence ventriculaire reste élevée avec ou sans symptômes. Arythmies ventriculaires et risque de mort subite Ces recommandations complètent celles de 2022 sur les arythmies ventriculaires et le risque de mort subite. Celles-ci préconisaient : – en cas de TV incessantes ou d’orage rythmique : une ablation par cathéter de l’arythmie, si cela a été possible ou bien une modulation du système nerveux autonome (bloc sympathique) voir une assistance mécanique ventriculaire gauche ; – en cas d’arythmies ventriculaires sur cicatrice, en plus de l’arsenal médicamenteux limité (bêta-bloquants, sotalol et amiodarone), d’avoir recours à des techniques d’ablation ou de neuromodulation spécifiques nécessitant une prise en charge dans un centre expert. Défibrillateur implantable (DAI) et risque de mort subite (tableau 5) L’évaluation du risque de mort subite est depuis quelques années bien plus précise, ceci grâce à de nouveaux scores de risque, dépendant du phénotype, mais aussi de la génétique ( Applications ESC Pocket guidelines). Ils permettent de calculer le risque de mort subite à 5 ans, avec des seuils indiquant ou non l’implantation d’un DAI. L’implantation d’un DAI est seulement recommandée si l’espérance de vie est > 1 an avec une bonne qualité de vie (I). La pose du DAI n’est pas une décision anodine (complications locales, infectieuses, chocs inappropriés, qualité de vie, conduite). Sa pose doit donc être guidée par une information éclairée du patient en prenant en considération ses convictions (I). Si l’indication est posée, il faut évaluer le bénéfice du DAI (qualité de vie, bénéfice/risque) (I). En l’absence d’indication à un pacing pour une bradycardie, un risque faible de la nécessité de pacing anti-tachycardique (ATP), et pas d’indication à une resynchronisation, un DAI sous cutané doit être envisagé à la place d’un
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