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La pathologie coronaire à l’ESC 2023
Édouard DESJOBERT, Service de cardiologie interventionnelle, HEGP, Paris

Le congrès de l’European Society of Cardiology (ESC 2023, Amsterdam) a été l’occasion de dévoiler les nouvelles recommandations européennes dans la prise en charge du syndrome coronarien aigu mais également de présenter de nombreuses études originales touchant au domaine de la maladie coronaire et susceptibles de faire évoluer nos pratiques.
ECLS-SHOCK : pas d’amélioration de la survie des patients en choc cardiogénique d’origine ischémique Les chocs cardiogéniques surviennent chez 10 % des patients avec infarctus du myocarde (IDM) et leur mortalité reste élevée avec 40 à 50 % de décès à 30 jours. Les efforts continus pour améliorer la mortalité ont conduit à une augmentation de l’utilisation de l’assistance circulatoire (ECMO veino-artérielle ou ECLS) pour obtenir une stabilisation hémodynamique avec un recours à ces techniques dix fois plus fréquent en 10 ans. L’étude ECLS-SHOCK est le premier essai randomisé s’intéressant à l’amélioration de la survie à 30 jours au moyen d’une assistance circulatoire (ECLS) chez les patients en choc cardiogénique dans les suites d’un infarctus du myocarde. Méthodes L’étude ECLS-SHOCK est un essai randomisé, prospectif, multicentrique mené en Allemagne et en Slovénie. Les patients inclus devaient avoir entre 18 et 80 ans et présenter un état de choc cardiogénique à la suite d’un IDM pour lequel une revascularisation rapide était prévue (angioplastie ou pontages). Étaient exclus de l’étude les patients ayant bénéficié d’une réanimation cardio-pulmonaire de plus de 45 minutes, chez qui une cause mécanique était à l’origine du choc cardiogénique ou présentant une artériopathie périphérique avancée. Les patients étaient randomisés en 1 pour 1 pour recevoir une ECLS en plus du traitement médical habituel (groupe ECLS) ou un traitement médical seul (groupe témoin). Le critère d’évaluation principal était le décès toutes causes à 30 jours. Les critères d’évaluation secondaires comprenaient la durée de la ventilation mécanique, le temps nécessaire à la stabilisation hémodynamique, la nécessité d’une épuration extra-rénale, les saignements modérés ou sévères et les complications vasculaires périphériques nécessitant une intervention. Résultats De juin 2019 à novembre 2022, 420 patients ont été inclus dans 44 centres d’Allemagne et Slovénie avec 209 patients dans le groupe ECLS et 208 dans le groupe témoin (3 retraits de consentement). Les deux groupes étaient comparables avec un âge médian de 63 ans, une majorité d’homme (81,3 %) et une maladie coronaire pluritronculaire dans 2 cas sur 3. Deux tiers des patients présentaient un infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST et l’artère interventriculaire gauche (IVA) était la lésion coupable dans presque la moitié des cas (47,6 %). L’ECLS n’a pas été initiée chez 17 patients dans le groupe ECLS (8,1 %) et 26 patients du groupe témoin (12,5 %) ont finalement bénéficié d’une ECLS. Au total, 417 patients ont été inclus dans les analyses finales. Au terme de ce suivi, l’utilisation d’une ECLS n’a pas permis d’améliorer la mortalité à 30 jours par rapport au traitement médical seul avec 100 décès sur les 209 patients (47,8 %) du groupe ECLS et 102 décès sur les 208 patients (49,0 %) du groupe témoin soit une différence non significative avec HR = 0,98 (IC95% = 0,80 à 1,19 ; p = 0,81) (figure 1). Figure 1. Décès entre la randomisation et J30 dans le groupe traitement médical optimal seul (bleu pointillé) et ECLS (rouge). ECLS : extracorporeal life support De plus, la durée médiane de ventilation mécanique était plus longue dans le groupe ECLS (7 jours contre 5 dans le groupe témoin) et le délai de stabilisation hémodynamique ainsi que le recours à une épuration extra-rénale étaient similaires dans les deux groupes. En revanche, on remarque une augmentation significative des saignements modérés ou sévères avec 23,4 % des patients du groupe ECLS contre 9,6 % du groupe témoin (RR = 2,44 ; IC95% : 1,50 à 3,95), ainsi que des complications vasculaires avec 11,0 % des patients du groupe ECLS contre 3,8 % des patients du groupe témoin (RR = 2,86 ; IC95% : 1,31 à 6,25). FLOWER-MI : absence de bénéfice de la FFR pour guider la revascularisation des lésions non coupables dans l’IDM Deux grandes études, FRAME-AMI et FLOWER-MI, se sont intéressées aux bénéfices potentiels de la FFR pour guider la stratégie de revascularisation des lésions associées dans un IDM avec des résultats discordants. D’une part, FRAME-AMI a montré la supériorité de la FFR par rapport à l’angiographie seule sur un critère composite associant les décès, les IDM et les revascularisations dans une population de STEMI et NSTEMI. D’autre part, l’étude FLOWER-MI menée sur une population de STEMI uniquement n’a pas retrouvé de bénéfice à la revascularisation guidée par la FFR. Ces résultats ont été confirmés à 3 ans. Méthodes L’étude FLOWER-MI est un essai randomisé, prospectif, multicentrique chez des patients présentant un STEMI avec un suc- cès de revascularisation de la lésion coupable et au moins une autre lésion de plus de 50 % accessible à un traitement percutané. Les patients en choc cardiogénique, avec une revascularisation chirurgicale envisagée ou une forte probabilité d’échec de FFR ou d’angioplastie (tortuosités majeures, CTO) étaient exclus. Les patients étaient randomisés en 1 pour 1 pour bénéficier, en plus d’un traitement médical optimal, d’une revascularisation guidée par angiographie uniquement (groupe angiographie) ou guidée par le résultat de la FFR (groupe FFR). Le critère de jugement principal était un critère composite associant les décès toutes causes, les IDM et les revascularisations en urgence, évalué à 1 et 3 ans. Résultats Au total, 1 163 patients ont été inclus avec 586 patients dans le groupe FFR et 577 dans le groupe angiographie seule. Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 62 ans, une prédominance masculine (83 % d’hommes) et plus de 70 % de lésions bitronculaires. Au terme d’un suivi de 3 ans, l’utilisation de la FFR pour les lésions associées dans le STEMI par rapport à l’angiographie seule n’a pas permis d’améliorer la mortalité, les IDM et les revascularisations urgentes avec un taux de survenue du critère de jugement principal de 7,6 % dans le groupe angiographie seule et de 8,9 % dans le groupe FFR soit une différence non significative avec HR = 1,19 (IC95% : 0,79 à 1,77 ; p = 0,41) (figure 2). Figure 2. Survie à 3 ans sans événement dans le groupe angiographie seule (bleu) et FFR (rouge). Figure 3. Analyse rassemblant les données de FRAME-MI et FLOWER-MI à 3 ans évaluant le bénéfice de la FFR pour guider la revascularisation versus l’angiographie seule. FIRE : la revascularisation par FFR supérieure au traitement médical La revascularisation coronaire complète guidée par la FFR après un IDM chez les patients pluritronculaires de plus de 75 ans coronaires est supérieure au traitement médical seul. Les patients les plus âgés sont moins bien représentés dans les essais randomisés et le bénéfice d’une revascularisation complète des lésions non coupables après un infarctus du myocarde est incertain. L’étude FIRE s’est intéressée aux bénéfices éventuels de l’utilisation de la FFR pour guider la revascularisation de ces lésions associées par rapport à un traitement médical seul. Méthodes L’étude FIRE est un essai randomisé, prospectif, multicentrique (Italie, Espagne et Pologne) chez des patients âgés de plus de 75 ans présentant un syndrome coronarien aigu avec un succès de revascularisation de la lésion coupable et au moins une autre lésion significative accessible à un traitement percutané. Les patients avec une sténose du tronc commun, avec une revascularisation chirurgicale envisagée ou une espérance de vie attendue de moins d’un an étaient exclus. Les patients étaient randomisés en 1:1 pour bénéficier d’une revascularisation guidée par FFR des lésions non coupables (groupe FFR) ou d’un traitement médical seul (groupe témoin). Le critère d’évaluation principal était un critère composite associant les décès toutes causes, les IDM, les AVC et les revascularisations en urgence à 1, 3 et 5 ans. Résultats Au total, 1 898 patients ont été inclus avec 720 patients dans le groupe FFR et 725 dans le groupe traitement médical. Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 80 ans, une prédominance masculine (64 % d’hommes) et un ratio de 1/3 de STEMI contre 2/3 de NSTEMI. Au terme d’un suivi de 1 an, la revascularisation guidée par FFR pour les lésions associées par rapport au traitement médical seul a permis d’apporter une réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs avec 21,0 % d’événements dans le groupe traitement médical seul contre 15,7 % dans le groupe FFR soit une réduction significative avec HR = 0,73 (IC95% : 0,57 à 0,93 ; p = 0,01) (figure 4). Figure 4. Incidence cumulée à 1 an (décès toutes causes, IDM, AVC et revascularisation en urgence) dans le groupe FFR (bleu) et traitement médical (rouge). STOPDAPT-3 : les limites de la désescalade des antiagrégants plaquettaires De nombreuses études se sont efforcées d’évaluer les bénéfices-risques d’une durée réduite de double antiagrégation plaquettaire (DAPT) à la suite d’une angioplastie coronaire. Une durée réduite de DAPT (1 à 3 mois) suivie d’une monothérapie par un P2Y12 a montré une réduction de 40 % des saignements sans augmenter le risque CV. L’étude STOPDAPT-3 s’intéresse au rôle de l’aspirine dans cette DAPT et évalue notamment une stratégie antithrombotique sans aspirine chez les patients à haut risque hémorragique après une angioplastie coronaire. Méthodes L’étude STOPDAPT-3 est un essai randomisé, multicentrique et en ouvert mené chez des patients japonais ayant bénéficié d’une angioplastie par des stents actifs dans un contexte de SCA ou présentant un haut risque hémorragique. Les patients étaient randomisés en 1 pour 1 avant l’angioplastie pour recevoir une DAPT associant prasugrel 3,75 mg/j et aspirine 80-100 mg/j (groupe DAPT) ou une monothérapie par prasugrel 3,75/j (groupe sans aspirine) pour une durée de 1 mois (figure 5). Le critère de jugement principal était un critère composite évaluant à 1 mois : – le risque hémorragique (supériorité) : saignements de la classe BARC 3 à 5 ; – le risque ischémique (non- infériorité) : décès d’origine CV, IDM, AVC
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