Coronaires
Publié le
30 jan 2025
Lecture 13 mins
L’ischémie myocardique en dépistage de maladie coronaire chez le patient vasculaire
Ali SHARAREH, Clinique Saint-Joseph, Angers, à partir des communications du Pr Meyer Elbaz, du Dr Serge Kownator et du Pr Nicolas Danchin, CNCF 2024
Les pathologies vasculaires périphériques sont fréquentes. Elles regroupent les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs (AOMI), des sténoses carotidiennes, des sténoses des artères rénales, digestives ainsi que les maladies vasculaires aortiques de type anévrismal.
Ces pathologies sont associées à une majoration conséquente du risque cardiaque et aussi vasculaire multiplié par 4 à 5. De ce fait des stratégies préventives intensives sont nécessaires, et ce, d’autant plus que ces pathologies sont souvent sous-diagnostiquées et donc sous-traitées(1) . De plus, il existe une longue phase de latence importante caractérisée par une ischémie silencieuse.
Chez qui rechercher l’ischémie ? Hertzer (2) dans son étude réalisée en 1984, a trouvé un taux important de coronaropathie significative en réalisant une coronarographie systématique en pré opératoire d’une chirurgie vasculaire. Des données plus récentes de la CNAM (figure 1) montrent, en France, un taux élevé de syndrome coronaire chronique (SCC) de 30 % chez les patients atteints d’une AOMI. Figure 1. Comorbidités chez les patients atteints d’une AOMI. Le patient présentant une sténose carotidienne a un risque d’atteinte coronaire significative entre 39 et 60 %. Ce taux varie de 25 à 70 % en cas d’AOMI (3). Autrement dit, presque un patient vasculaire sur deux est un coronarien d’après Serge Kownator. La figure 2 illustre la prévalence des différentes pathologies chez le polyvasculaire. Figure 2. Caractéristiques des patients polyvasculaires. D’après Aboyans V et al. Eur Heart J 2018. ©ESC 2017. Les facteurs de risque sont multiples et similaires à ceux de la maladie coronaire, représentés surtout par le tabagisme et le diabète. Certaines caractéristiques augmentent encore le niveau du risque, telles qu’un niveau social défavorisé et/ou une atteinte psychologique. L’artériopathie oblitérante périphérique est répandue dans le monde et touche 113 millions de personnes âgées de 40 ans et plus, dont 42,6 % dans les pays ayant un indice sociodémographique faible à moyen (1). La prévalence mondiale est de 1,52 %. Elle augmente avec l’âge (14,91 % chez les 80-84 ans) et dans la même tranche d’âge plus élevée chez les femmes à 18,03 % versus 10,56 % chez les hommes (1). Les différentes études ont montré un pronostic péjoratif chez les patients polyvasculaires. Ainsi, dans le registre Reach (4) un patient avec AOMI et une atteinte coronaire a un risque d’événement cardiovasculaire de plus de 23 % à un an. Ce risque se majore à plus de 26 % en cas d’attente cérébrovasculaire associée. Le constat est le même dans l’essai Euclid (5). La population atteinte d’une sténose carotidienne décède par ailleurs le plus souvent de la maladie coronaire ; Serge Kownator conclut que la sténose carotidienne est un marqueur de risque coronaire. La prévalence des patients avec anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) et une maladie coronaire est de 40 %. Il s’agit souvent de patients asymptomatiques avec un risque deux fois plus élevé par rapport aux patients sans AAA (6). Nous savons donc que presque un patient vasculaire sur deux est un patient polyvasculaire dont le risque se majore en fonction du nombre de lits artériels atteints (1). On rencontre ces patients soit au cours de leur suivi habituel, soit en préopératoire d’une chirurgie non cardiaque. Faut-il rechercher une coronaropathie surtout en préopératoire d’une chirurgie vasculaire ? Les recommandations préconisent cette recherche, si le patient est symptomatique ou instable (classe I C) en appuyant sur l’optimisation de la prise en charge. Mais la recherche systématique de la maladie coronaire n’est pas recommandée (classe III C). L’indication d’une coronarographie ou de revascularisation en préopératoire suit les mêmes règles qu’en dehors du contexte chirurgical (IC) ; basée sur les lignes directrices des recommandations de l’ESC 2022 (tableau 1) sur la prise en charge des patients subissant une chirurgie non cardiaque (1). Faut-il rechercher une atteinte coronaire chez les patients devant être opérés d’un AAA ? L’étude CARP a montré que, chez ces patients, la revascularisation n’améliorait pas le pronostic (7). Les recommandations précisent que, chez les patients devant être opérés d’une endartériectomie carotidienne, la recherche de la coronaropathie, y compris par une coronarographie, pourrait être envisagée (IIb-B). Le calendrier de la revascularisation est discuté en fonction de la clinique et la gravité de l’atteinte de chaque territoire. La revascularisation myocardique est généralement prioritaire, sauf en cas d’événement neurologique récent ou présence de symptômes jugés instables (1). Environ 25 % des patients atteints d’une AOMI décèdent dans les cinq ans, souvent d’une atteinte cardiaque ; d’où l’importance de la recherche de l’Ischémie myocardique. Étant donné les taux élevés d’événements coronariens chez les patients atteints d’AOMI, le dépistage peut être utile pour optimiser la prise en charge globale et n’a pas pour but d’augmenter le taux de revascularisation (1). Cette démarche a pour but de dépister l’ischémie et prévenir les événements cardiovasculaires. Il n’y a pas, en revanche, à ce jour de recommandations précises quant aux modalités et au moment pour entamer une telle démarche. De plus, certaines comorbidités, comme l’insuffisance rénale et une bronchite chronique, limitent l’accès aux examens complémentaires. Comment rechercher l’ischémie ? Les patients atteints d’un SCC forment une population hétérogène. Certains sont symptomatiques en lien avec l’existence d’une lésion significative ; d’autres peuvent avoir une anomalie spastique ou de la microcirculation dont nous pouvons désormais en évaluer l’existence lors d’une coronarographie. Il est à noter que cet examen n’explore que 5 % de la circulation coronaire totale, comme le précise Meyer Elbaz. Figure 3 Atteinte microcirculatoire et vasospasme fréquent. La coronarographie n’explore que 5 % de la circulation totale Figure 3. Circulation coronaire. Dans sa méta-analyse, Mileva (8) trouve environ 40 % d’anomalie de la microcirculation et 41 % de spasme chez des patients symptomatiques présentant un angor. Les modalités de la recherche d’une ischémie myocardique sont les mêmes chez le patient sans atteinte vasculaire ou en présence d’une maladie artérielle périphérique. Les recommandations de l’ESC montrent des différentes étapes de la recherche d’une coronaropathie chez le patient symptomatique passant par une phase clinique d’évaluation des symptômes et les FDR, l’ECG et la biologie, puis évaluation de la probabilité pré-test de la maladie coronaire, ensuite choix de l’examen paraclinique pour rechercher l’ischémie et déterminer le risque d’événements cardiovasculaires. Il faudra ajuster cette estimation pré-test en prenant en compte également la survenue de troubles de rythme ventriculaire, l’existence d’une maladie artérielle périphérique ou par la réalisation d’un score calcique chez les patients à risque intermédiaire. Le score calcique est bien corrélé à la survenue des événements cardiovasculaires. Il faut se rappeler que la probabilité pré-test de la maladie coronaire chez le patient artériel est élevée. Les renseignements fournis par des tests morphologiques et des tests fonctionnels d’évaluation d’ischémies sont complémentaires. Dans l’essai ISCHEMIA (8), il n’y avait que deux tiers de la population de l’étude qui présentaient à la fois une lésion coronaire significative et une ischémie démontrée. Le coroscanner est proposé en cas de test de dépistage douteux ou lorsque le test d’ischémie est difficile à réaliser chez des patients à probabilité intermédiaire de la maladie coronaire. L’étude TRIAL CRESCENT (9) compare le scanner coronaire au test d’ischémie et montre que le scanner coronaire (précédée d’un score calcique dans cette étude) prédit mieux la probabilité de la survenue d’un IDM. Le résultat de l’étude multicentrique SCOT HEART (4 146 patients avec une douleur thoracique stable) comparant une stratégie diagnostique standard versus cette stratégie avec coroscanner corrobore ce constat (10). Le Promise Trial confrontant le test ischémie et le scanner, montre aussi que le scanner coronaire fait mieux en termes de prédiction de la survenue des événements ischémiques (11). Ces études récentes placent le coroscanner comme une bonne stratégie alternative au test d’ischémie. Cela n’est pas forcément confirmé par les métaanalyses (12), car la spécificité du scanner est inférieure à celle des tests d’ischémie d’après Meyer Elbaz. Que disent les recommandations ? Chez le patient symptomatique, avec une probabilité pré-test faible ou modérée ; les recommandations préconisent la réalisation d’un score calcique suivi éventuellement d’une injection coronaire. Plus la probabilité pré-test augmente, plus la balance de l’ischémie par rapport à la survenue d’événements aigus augmente. Dans ce cas, une imagerie fonctionnelle peut être proposée. Le recours à la coronarographie (combinée à l’évaluation fonctionnelle per procédure) est conseillé en cas : – d’une probabilité pré-test supérieure à 85 % ; – de la mise en évidence d’une ischémie étendue ; – ou en cas d’atteinte du tronc commun coronaire gauche (TCCG) et/ou de l’IVA proximale à l’imagerie. Il est à noter que le choix du test d’ischémie, basé sur la clinique et la probabilité pré-test, est conditionné en réalité également par la disponibilité et l’expertise locale ainsi que par les caractéristiques du patient. Chez le patient vasculaire, les comorbidités, telles que l’insuffisance rénale et les calcifications coronaires peuvent limiter le recours aux examens utilisant les produits de contraste ainsi que leur performance. L’atteinte parenchymateuse pulmonaire pourrait rendre difficile l’interprétation d’un test de stress échographique. Le scanner paraît actuellement être un outil non invasif prometteur. Il combine l’imagerie (avec possibilité d’évaluation des composants de la plaque athéromateuse), et une approche fonctionnelle complémentaire. La question de l’évaluation d’un patient atteint d’une pathologie vasculaire et donc à très haut risque, mais asymptomatique sur le plan coronaire, n’a pour le moment pas de réponse, conclut Meyer Elbaz. Que faut-il faire en présence de l’ischémie ? Il n’y a pas de recommandation spécifique dédiée aux patients vasculaires. La conduite à tenir en cas de présence d’ischémie serait la même que chez le patient indemne de pathologie vasculaire périphérique. Les objectifs de la prise en charge d’un SCC consistent à soulager les symptômes, améliorer l’espérance et la qualité de vie et diminuer le risque d’IDM
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