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Quoi de neuf dans la prise en charge de l’hypertension artérielle ?
Julien MALLART-RIANCHO, Laurence AMAR, Centre de soins, de recherche et enseignement en hypertension artérielle, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris ; Université de Paris ; Centre de référence en maladies rares de la surrénale

Les 44es Journées de l’hypertension artérielle (HTA), organisées par la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie, ont eu lieu à Paris les 19 et 20 décembre derniers. Cet événement scientifique a été l’occasion d’explorer des thématiques essentielles, notamment à travers les nouvelles thérapeutiques dans la prise en charge de l’HTA.
Hommage aux Prs M. Safar et P. Fesler Ces journées ont en premier lieu permis de rendre hommage aux Prs Michel Safar et Pierre Fesler, deux figures majeures dans le domaine de l’hypertension artérielle et de la médecine cardiovasculaire. Le Pr Michel Safar a profondément influencé la recherche sur la rigidité artérielle et son rôle dans les maladies cardiovasculaires, contribuant à une meilleure prise en charge des patients hypertendus. Le Pr Pierre Fesler, spécialiste reconnu de l’hypertension, a apporté des avancées significatives dans l’évaluation et la gestion du risque cardiovasculaire, notamment par ses travaux sur la mesure de la pression artérielle et les approches thérapeutiques adaptées aux patients hypertendus. Recommandations sur la prise en charge de l’hypertension artérielle ESH 2023 vs ESC 2024, deux approches différentes pour un même objectif La publication des nouvelles recommandations de l’ESC 2024, survenue peu après celles de l’ESH 2023, a suscité un vif intérêt et nourri de nombreux débats parmi les experts. Leur sortie rapprochée a mis en lumière certaines différences d’approche dans la prise en charge de l’hypertension artérielle, en particulier sur les objectifs tensionnels et les stratégies thérapeutiques. Face à ces évolutions, une grande session commune SFHTA/ESH a été organisée pour examiner en détail ces nouvelles recommandations, en analyser les implications pratiques et évaluer leur impact sur les stratégies thérapeutiques à venir. Les Prs Reinhold Kreutz, Sofie Brouwers et Atul Pathak ont ainsi présenté et comparé les approches respectives de l’ESH 2023 et de l’ESC 2024, mettant en lumière les différences structurelles entre ces recommandations et leurs convergences essentielles. Malgré certaines différences stratégiques, ces deux ensembles de recommandations partagent un objectif commun : permettre un diagnostic plus précis et instaurer un traitement plus efficace, adapté au profil du patient, pour réduire la mortalité cardiovasculaire associée à l’HTA. Une refonte de la classification de la pression artérielle dans l’ESC 2024 L’un des changements majeurs des guidelines de l’ESC 2024 réside dans la modification de la classification de la pression artérielle. En effet les recommandations de l’ESC ne se focalisent plus uniquement sur l’hypertension artérielle (HTA), mais élargissent leur champ d’action à la notion plus globale de pression artérielle augmentée. Cette approche introduit une nouvelle catégorie intermédiaire, définissant des patients dont la pression artérielle est comprise entre 120/70 mmHg et 139/89 mmHg, leur conférant un statut à risque qui nécessite un suivi renforcé et une prise en charge préventive ciblée, en fonction du profil cardiovasculaire global adoptant une approche plus progressive pour mieux identifier les patients à risque, permettant ainsi une prise en charge plus précoce, notamment pour ceux ayant un profil cardiovasculaire à haut risque. Contrairement à l’ESH 2023, qui conserve la classification traditionnelle en grades d’HTA (grade 1, 2 et 3, basée sur les seuils ≥140/90 mmHg), l’ESC 2024 propose une classification simplifiée en trois catégories : – pression artérielle non élevée : 120/70 mmHg ; – pression artérielle élevée : 120/70 mmHg - 140/90 mmHg ; – hypertension artérielle (HTA) : ≥ 140/90 mmHg. D’un autre côté, le maintien des grades d’HTA permet de ne pas perdre de vue que ces classifications reflètent le degré de sévérité de l’hypertension, rappelant ainsi qu’une HTA de grade 3 impose une prise en charge plus rapide et intensive qu’une HTA de grade 1, afin de prévenir les complications cardiovasculaires graves. Dépistage et diagnostic : vers une standardisation et une meilleure évaluation du risque cardiovasculaire Les deux recommandations insistent sur l’importance de la standardisation de la mesure de la pression artérielle (PA), en excluant l’utilisation des appareils sans brassard (« cuffless »), jugés insuffisamment validés. L’ESC 2024 propose le dosage de l’aldostérone et de la rénine dans les conditions standardisées pour tous les patients hypertendus confirmés, afin de mieux détecter les patients atteints d’hyperaldostéronisme primaire, dont la prévalence est souvent sous-estimée. Cette stratégie bien qu’ambitieuse, soulève le défi du dépistage massif, notamment en termes de coût, de faisabilité des prélèvements dans des conditions standardisées et de la capacité des laboratoires à absorber un volume accru de prélèvements. L’un des points communs majeurs des recommandations ESH 2023 et ESC 2024 est l’importance accordée à l’évaluation du risque cardiovasculaire global, considéré comme l’étape clé pour aller plus loin dans la prise en charge de l’HTA. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la PA, les nouvelles guidelines encouragent une stratification plus fine du risque, intégrant : – les atteintes d’organes cibles (cœur, reins, cerveau, artères périphériques) ; – les marqueurs biologiques (albuminurie, rigidité artérielle, calcifications coronaires) ; – le SCORE-2 et ses variantes (SCORE-2 OP pour les personnes âgées, SCORE-2 Diabetes pour les diabétiques). Cibles et stratégies de traitement : des objectifs différents ? Les deux recommandations s’accordent sur une stratégie médicamenteuse basée sur une bithérapie initiale, en combinant : – un inhibiteur du SRAA (IEC ou ARA2) ; – un inhibiteur calcique ou un diurétique. Une nouveauté des recommandations ESC 2024 est l’introduction de la trithérapie à faible dose en seconde intention, après l’échec d’une bithérapie à faible dose. Cette approche vise à optimiser la réduction de la pression artérielle tout en limitant les effets secondaires. L’association de trois antihypertenseurs de classes différentes permet d’agir sur plusieurs mécanismes physiopathologiques, garantissant une efficacité supérieure à l’augmentation de la dose d’un seul agent. De plus, l’utilisation de doses plus faibles pour chaque médicament améliore la tolérance et réduit le risque d’effets indésirables, renforçant ainsi l’adhésion des patients au traitement. Cette stratégie est d’autant plus encouragée par la disponibilité de comprimés à doses fixes combinant trois agents, simplifiant la prise et favorisant une meilleure observance thérapeutique. L’ESH fixe un objectif de pression artérielle à 140/90 mmHg, avec une cible idéale à 130/80 mmHg. En revanche, l’ESC adopte désormais une approche plus stricte, visant systématiquement une pression artérielle de 120-129/70-79 mmHg, avec un objectif optimal de 120/70 mmHg si le traitement est bien toléré. L’ESH et l’ESC divergent sur l’objectif de pression artérielle à 120/70 mmHg en raison de leurs interprétations différentes des bénéfices et des risques associés à une réduction intensive de la pression artérielle. L’ESH considère qu’abaisser la pression artérielle en dessous de ce seuil n’apporte qu’un gain clinique marginal à mesure que la pression diminue en dessous de 120/70 mmHg et expose les patients à un risque accru d’effets secondaires, notamment des arrêts de traitement pouvant entraîner un rebond du risque cardiovasculaire. À l’inverse, l’ESC estime que viser un objectif plus important permet une réduction optimale du risque cardiovasculaire, tant que le traitement est bien toléré et afin d’éviter l’inertie thérapeutique et garantir une prise en charge plus stricte. De plus, l’ESC introduit la possibilité de débuter un traitement antihypertenseur chez les patients à haut ou très haut risque cardiovasculaire présentant une pression artérielle élevée (PAS entre 130 et 139 mmHg ou PAD entre 80 et 89 mmHg), si cette élévation persiste malgré trois mois d’optimisation des mesures hygiéno-diététiques. Cette approche vise à prévenir plus efficacement les complications cardiovasculaires en intervenant précocement chez les patients les plus vulnérables. Bien que l’ESH 2023 et l’ESC 2024 adoptent des approches légèrement différentes, elles s’accordent sur une prise en charge de plus en plus personnalisée, intégrant l’évaluation du risque cardiovasculaire global et des stratégies thérapeutiques plus ciblées. Ces évolutions marquent une étape décisive vers un contrôle tensionnel plus strict et une prévention cardiovasculaire optimisée, dans l’objectif final de réduire la mortalité et les complications associées à l’HTA. Consensus français sur la dénervation rénale Un intérêt particulier a été apporté à la dénervation rénale (DR) à la suite de la sortie du consensus français d’experts sur la DR. Pour rappel, la DR est une approche thérapeutique innovante qui s’est imposée ces dernières années comme une alternative dans la prise en charge de l’HTA résistante. Cette technique repose sur une ablation ciblée des fibres nerveuses sympathiques entourant les artères rénales par radiofréquence, ultrasons focalisés ou injection d’éthanol, dans le but de réduire l’hyperactivité du système nerveux sympathique. La dénervation rénale fait désormais partie des nouvelles recommandations ESH 2023 et ESC 2024. Sur le plan clinique, la DR a montré une réduction significative et durable de la pression artérielle, avec une baisse moyenne de 5 à 10 mmHg sur la PAS mesurée en MAPA 24 h, et des bénéfices persistant plusieurs mois après l’intervention. Un registre national français (France-RDN) a été mis en place afin d’assurer un suivi systématique des patients traités par DR, permettant ainsi d’évaluer son impact sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire à long terme et d’affiner les critères de sélection des patients les plus susceptibles d’en bénéficier. Les indications validées par ce consensus français pour la dénervation rénale concernent les adultes atteints : – d’une HTA résistante confirmée par une PA ≥ 140/90 mmHg en mesure clinique ou confirmée par une mesure ambulatoire sur 24 heures (MAPA) avec une PA systolique ≥ 130 mmHg ou diurne ≥ 135 mmHg ou par une automesure avec une PA ≥ 135/85 mmHg ; – malgré un traitement optimisé comprenant au moins trois
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