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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 11 mins

Conduite à tenir devant une suspicion d’endocardite infectieuse sur pacemakers ou défibrillateurs

A. DA COSTA, C. ROMEYER-BOUCHARD, L. BISCH, A. GATE-MARTINET, A. NADROUSS, K. ISAAZ, CHU de Saint-Etienne

Les infections secondaires à la mise en place d’un pacemaker (PM) ou d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) sont peu fréquentes, mais constituent une complication redoutée et grave. Les infections localisées au site d’implantation d’un dispositif implantable (DI) sont rapportées dans 0,5 à 5 % des cas selon les séries les plus récentes, avec une moyenne avoisinant 2 %. La prévalence des septicémies et des endocardites infectieuses (EI) est plus faible, de 0,1% à 1 % des implantations selon les études, mais en fréquence croissante. Si des avancées considérables ont été réalisées en matière d’épidémiologie, d’identification bactériologique et d’imagerie diagnostique dans cette entité particulière, la prise en charge thérapeutique a fait, elle aussi, l’objet d’une prise en charge plus méthodique.

Épidémiologie L’émergence des cas d’EI sur sondes de PM ou de DAI est sans doute générée par l’accroissement du nombre de ces procédures invasives. On estime que l’incidence des complications infectieuses varie de 0,13 % à 7 %, avec environ 1 % d’EI sur sondes de PM (encadré). Cependant, et même s’il apparaît que l’incidence de ces EI est rare, il n’en reste pas moins que leur taux de mortalité demeure élevé, de l’ordre de 20 à 25 % de mortalité globale. On peut estimer, dans les séries sur les infections de DI, que l’EI représente 10 % des cas. Si le délai moyen de survenue des infections locales est de 2,5 semaines, à l’opposé, les infections sur sondes surviennent en moyenne au moins 6 mois à 1 an après l’implantation (Klug et al. Circulation 1997), voire plusieurs années selon le germe impliqué (encadré). Mécanismes Du point de vue physiopathologique, les mécanismes impliqués dans la genèse des infections après implantation d’un DI sont supposés être au nombre de trois. Sur la base de preuves scientifiques, la contamination locale au cours de l’implantation représente la cause principale de ces infections de DI. Dans une étude prospective, nous avions montré une relation directe entre les germes retrouvés lors des prélèvements pré- et postopératoires et les infections de DI. Nous avions pratiqué un typage des germes par biologie moléculaire au moment de l’intervention, puis au cours de l’infection. Sur un suivi de 16,5 mois, le risque infectieux était de 3,9 % avec des germes identiques pour les patients infectés avec des germes locaux retrouvés au moment de l’implantation (Da Costa et al. Circulation 1998). Beaucoup plus rarement, la colonisation bactérienne de la sonde du stimulateur peut se faire par voie hématogène à partir d’un foyer infectieux distant, cette deuxième voie de contamination présumée est moins documentée dans la littérature, mais paraît plus plausible pour expliquer certains cas d’endocardites très tardives non précédés d’une manipulation de sonde ou du boîtier. Un troisième mécanisme faisant intervenir l’érosion cutanée en regard du boîtier comme source de contamination a été proposé par certains auteurs, mais reste controversé et non reconnu par beaucoup d’autres qui considèrent que l’érosion (avec ou sans extériorisation du boîtier) est la conséquence de l’infection préalable et méconnue du matériel et non sa cause (Da Costa et al. Circulation 1998). Caractéristiques Les caractéristiques microbiologiques des ces infections sont actuellement bien définies ; le germe le plus fréquemment retrouvé est le staphylocoque (72 à 92 % des cas). Le Staphylocoque aureus est la bactérie préd ominante en cas d’infection aiguë, la porte d’entrée étant cutanée. Comme nous l’avions mis en évidence, le Staphylocoque schleiferi apparaitrait comme un germe particulièrement impliqué dans les infections de matériel étranger. Lors des infections tardives, ce sont les Staphylocoques epidermidis qui sont en cause, peu virulents, mais responsables d’infections latentes. Les infections peuvent se manifester plusieurs années après l’implantation, jusqu’à 4 ans voire plus. D’autres bactéries peuvent être en cause comme les entérocoques, les streptocoques, le proteus, Escherichia coli, Klebsiella, Pseudomonas aeruginosa, micrococcus, serratia marcesens, salmonelles ou encore mycobactéries. Quelques cas anecdotiques avec les levures ont été mentionnés, Candida, Aspergillus ou Actinobacillus (figure 1). Figure 1. Microbiologie des infections de PM/DAI (n = 189) (d’après Baddour LM et al. Circulation 2010 ; 121 : 458-77). Facteurs favorisants De nombreux facteurs favorisants ont été mentionnés dans la littérature, qui seraient liés à un terrain d’immunodépression comme le diabète, l’existence d’une néoplasie sous-jacente, de maladies cutanées ou encore la dénutrition. Ces facteurs favorisants potentiels, même s’ils sont incriminés dans la littérature, n’ont jamais été prouvés scientifiquement. Il en est de même pour certains médicaments comme les corticoïdes, les agents immunodépresseurs ou les antivitamines K. Sur la base de données les plus récentes représentées par l’étude PEOPLE (Klug et al. Circulation 2007), les facteurs favorisants des infections de DI étaient au nombre de 5, la présence d’une sonde d’entraînement temporaire, la fièvre dans les 24 heures qui précédent l’implantation, les reprises chirurgicales précoces, les changements de boîtiers, et l’absence d’antibioprophylaxie. Nous avons plus récemment mis en évidence que le risque infectieux était plus élevé avec les dispositifs de resynchronisation (CRT), de l’ordre de 1,7 %/an. Ce chiffre est également retrouvé dans l’étude PEOPLE lors de l’analyse du sous-groupe avec CRT. Dans notre étude sur le CRT, les facteurs identifiés comme prédisposant à une infection lors de l’analyse multivariée étaient l’insuffisance rénale chronique dialysée, une reprise chirurgicale, le type de dispositif (DAI vs PM) et le temps de procédure (Da Costa et al. Eur Heart J 2010). Il est évident que l’expérience de l’opérateur joue un rôle prépondérant puisque le temps opératoire est associé au risque infectieux. Une majoration du risque infectieux dans les suites d’implantation d’un DAI, par rapport à un pacemaker, a été aussi relevée par certains auteurs et attribuée à une comorbidité plus importante parmi les patients recevant un défibrillateur, à une différence dans les propriétés physiques des sondes, mais surtout, comme nous l’avons montré récemment, à la taille du boîtier et donc probablement par la taille de l’incision (encadré). Diagnostic L’infection de la loge du boîtier est l’expression clinique la plus habituelle, inflammation locale, abcès, mais d’autres manifestations peuvent se rencontrer comme une fièvre isolée traînante, septicémie ou encore EI du cœur droit. De manière plus exceptionnelle, des cas de thrombophlébites suppurées, d’insuffisance tricuspidienne organique ou d’embolies septiques pulmonaires responsables de pneumopathies récidivantes peuvent constituer le mode de révélation de l’EI. Sur le plan clinique, la symptomatologie est habituellement atypique et insidieuse, se limitant souvent à une fièvre prolongée et isolée ou parfois associée à d’autres signes généraux. Les EI méritent d’être individualisées, car les infections possèdent des caractéristiques propres, notamment liées aux difficultés diagnostiques en cas d’hémocultures négatives et donc associées à un pronostic plus sombre. Ainsi, les auteurs et les recommandations actuelles se basent sur les critères de Duke modifiés (Klug et al. Circulation 2007 ; Baddour LM Circulation 2010) pour établir le diagnostic (encadré). Le diagnostic d’EI est formel, possible ou absent d’EI en fonction de critères cliniques, biologiques, bactériologiques et échographiques. Des cas moins fréquents d’EI sur sondes sont révélés par des arthrites, spondylodiscites, méningites ou embolies systémiques ou pulmonaires. Klug et coll. ont démontré qu’une embolie pulmonaire était présente dans 40 % des cas d’EI du cœur droit sur sondes de DI (Eur Heart J 1995). Le diagnostic repose donc sur l’anamnèse d’un patient porteur d’un DI, sur l’examen clinique local au niveau de la loge, associés à des prélèvements bactériologiques, sur la recherche d’un foyer infectieux à distance. Les hémocultures répétées, car positives de manière intermittente et/ou des végétations visualisées en échographie transthoracique (ETT) ou transœsophagienne (ETO) en sont les éléments clés. L’ETO multiplan constitue actuellement le meilleur examen pour établir la présence de végétation, et dans les séries d’EI sur sondes de DI, la présence des végétations varie de 89 % à 94,7 % (Vilacosta et al. Circulation 1994). Des difficultés d’interprétation sous la forme d’images concernent des filaments de fibrine appendus au niveau de la sonde dont le caractère stérile ou infecté est indiscernable. La certitude diagnostique d’une infection liée au matériel est établie formellement par la mise en évidence du germe à l’examen direct ou en culture sur le boîtier ou sur la sonde. Elle est établie dès lors que la guérison du syndrome infectieux est obtenue de manière définitive après arrêt de l’antibiothérapie. Pronostic Lorsque l’infection est purement locale, limitée à la zone cicatricielle, le pronostic n’apparaît pas particulièrement altéré à la double condition que le matériel soit enlevé et qu’une antibiothérapie prolongée soit respectée. Une réserve doit être émise sur les infections tardives mêmes locales, car le pronostic, dans ce cas, sera lié à l’ancienneté des sondes et donc des conditions d’extraction du matériel qui peuvent aggraver le pronostic. À l’opposé, le pronostic des septicémies et des EI est grevé d’une lourde mortalité malgré l’ablation du matériel qui est une condition indispensable à toutes les infections sur DI. La mortalité peut atteindre 30 à 33 %, ce d’autant qu’une thoracotomie est nécessaire, rejoignant ainsi le pronostic habituel des ces affections. Les facteurs de comorbidités vont être, bien sûr, les facteurs aggravants du pronostic à court terme. La prise en charge thérapeutique Le traitement curatif repose sur une antibiothérapie double, bactéricide, prolongée de 4 à 12 semaines suivant l’importance de la scène clinique et la nature du germe. Les schémas thérapeutiques sont maintenant standardisés (Baddour LM Circulation 2010) (figure 2). En première intention, la probabilité de la responsabilité d’un staphylocoque impose souvent l’initiation d’un traitement antibiotique empirique à visée antistaphylococcique, qui sera réajusté par la suite selon les données des hémocultures (encadré). Figure 2. Durée de l’antibiothérapie selon Baddour LM et al. Circulation 2010 ; 121 : 458-77. L’ablation de tout le matériel est indispensable. Plusieurs solutions sont techniquement possibles : - par voie haute ; d’une simple traction manuelle avec des stylets (« non locking ») sur les infections très récentes ; avec l’utilisation du

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