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Contraceptions orales et risque cardiovasculaire - Quels conseils donner au cardiologue ?
C. MOUNIER-VEHIER1, B. LETOMBE1, J. CONARD2. 1. CHU Lille ; 2. Hotel-Dieu Cochin, Paris.

Journées européennes de la SFC (I)
Les XXIIe Journées européennes de la Société française de cardiologie ont permis de faire le point sur les risques cardiovasculaires des nouvelles contraceptions et les traitements hormonaux de la ménopause avec les communications de Jacqueline Conard (Paris), Gabriel André (Strasbourg) - Brigitte Letombe (Lille) et Claire Mounier-Vehier (Lille). Une certaine méfiance persiste vis-à-vis de ces traitements hormonaux, justifiée par l’épidémiologie du risque cardiovasculaire (RCV) de la femme
Avant toute prescription hormonale, évaluer précisément le risque cardio-vasculaire de la jeune fille et de la femme ! Dans les pays industrialisés, les maladies cardiovasculaires (MCV) tuent encore 7 fois plus que le cancer du sein. Elles sont la première cause de décès chez la femme après 55 ans, devant le cancer (1-2). Le RCV a des spécificités féminines liées à son statut hormonal, qui ont conduit l’American Heart Association à proposer une stratification du risque réajustée (3,4) : une femme est soit à risque CV (2 niveaux de risque) ; soit en situation optimale de santé si elle ne présente aucun facteur de risque et si elle a une hygiène de vie parfaite. Pour les nouvelles générations de femmes, l’effet protecteur des estrogènes pourrait être contrebalancé par la progression du syndrome métabolique (20 % des femmes), le tabagisme précoce, le stress, la précarité et la sédentarité. La mortalité CV progresse chez la femme plus jeune, bien avant la ménopause (1,4). Chez la femme, les MCV sont diagnostiquées et prises en charge trop tardivement chez la femme et les facteurs de RCV évoluent avec l’âge (2-4). Certains facteurs de risque sont aussi plus délétères chez ell (3,4) : c’est le cas du tabac, de l’hypertension artérielle (HTA) et du diabète. Une consommation de 3 à 4 cigarettes par jour multiplie par 3 le risque relatif d’accident CV. Avant 50 ans, plus d’un infarctus sur deux chez la femme est lié au tabac. L’arrêt total de tabac permet au contraire de réduire ce risque d’un tiers à deux ans. Le diabète a un impact CV plus puissant chez la femme car il réduit l’effet protecteur des estrogènes naturels. À la ménopause, les femmes sont très sensibles aux facteurs de risque environnementaux. L’HTA concerne une femme sur deux après 65 ans en raison d’une synergie de facteurs favorisants : rigidité artérielle, obésité, sédentarité, etc. La survenue d’une ménopause précoce ( 40 ans) raccourcit aussi l’espérance de vie de 2 ans comparativement aux femmes ayant une ménopause normale ou tardive car les estrogènes naturels ont bien un effet métabolique favorable, des effets anti-inflammatoires, un effet favorable sur la coagulation et un effet vasodilatateur. Les facteurs psychologiques et la précarité sont des situations à RCV plus puissantes chez la femme par leur impact sur le système nerveux autonome et l’hygiène de vie (2,3). L. Mosca souligne dans ses dernières recommandations ACC/AHA qu’un certain nombre de thérapeutiques sont inutiles, voire délétères pour la prévention de la maladie CV de la femme. Il s’agit des traitements hormonaux et des modulateurs sélectifs de récepteurs aux estrogènes (SERMSs), des suppléments anti-oxydants (vitamine C, vitamine E, bêta-carotène), de l’acide folique, et de l’aspirine administré quotidiennement pour prévenir l’infarctus du myocarde chez la femme de moins de 65 ans (4). Toutefois, l’actualité sur le traitement hormonal de la ménopause (THM) pourrait faire revoir les recommandations chez la femme en prévention primaire. Nous aborderons uniquement dans cet article les risques cardiovasculaires associés à la contraception. Bien connaitre les différentes contraceptions hormonales Depuis les années 1960, date d’apparition des premières contraceptions estroprogestatives (COP) en Europe, les contraceptifs oraux (CO) ont évolué pour améliorer la sécurité d’emploi, réduire leurs effets indésirables, utiliser leurs propriétés additionnelles non contraceptives, proposer un vaste choix pour adapter la contraception à chaque patiente et favoriser l’observance. Il s’agit toujours de la première méthode contraceptive avant 40 ans, d’où l’importance d’une bonne prévention. Depuis, se sont aussi développées les contraceptions par anneau vaginal ou en patch. La COP se compose d’éthinyl-estradiol (EE) 15 à 50 µg ou encore d’estradiol (valérate, 17 β) pour la dernière génération, et d’un progestatif de 2e ou 3e génération ou encore d’acétate de cyprotérone ou de drospirénone. La voie d’administration est orale, en patch, ou anneau vaginal. Le recul nous a montré que, contrairement aux contraceptions progestatives pures, les COP ont un double risque thrombotique : veineux et artériel, en raison d’une action procoagulante, liée au métabolisme hépatique de l’éthinylestradiol (à cause de son radical éthinyl, l’EE subit plusieurs passages hépatiques). Ce risque thrombotique est majoré chez la femme tabagique. Il augmente aussi avec l’âge (> 35 ans) et en cas d’antécédents familiaux de thrombophilie. Contrairement à l’EE, le 17 β-estradiol (E2) contenu dans les pilules de dernière génération (Qlaira ®, Zoely ®) entraîne une moindre exposition estrogénique hépatique et par conséquent induit une stimulation minimale des protéines hépatiques sensibles aux estrogènes (angiotensinogène, protéines porteuses des stéroïdes sexuels (SHBG) et facteurs de la coagulation). Cette dernière génération de COP, bien que non remboursée, est porteuse d’espoir sur la réduction des risques CV associés. L’information des jeunes filles et des femmes sur les risques potentiels de la COP est donc fondamentale, de même que la formation des médecins généralistes, des angiologues et des cardiologues pour réduire la morbi-mortalité vasculaire associée à la COP. Connaitre et bien évaluer le risque veineux de la contraception La thrombose veineuse est rare chez le sujet jeune de 0,5/1 000/an entre 20 et 39 ans (5). La COP est associée à une augmentation du risque veineux, plus élevé la 1re année, avec un odds ratio (OR) de 7,0 (5,1-9,6), un OR de 3,6 (2,7-4,8) entre 1 et 5 ans, et un OR de 3,1 (2,5-3,8) au-delà de la 5 e année de prescription (6-8). L’impact de la dose d’éthinylestradiol est important à prendre en compte, avec un risque x 2,2 pour les doses de 50 µg/j (figure 1) (9). Le type de progestatif associé a aussi un impact délétère sur le risque d’accident veineux, pouvant multiplier jusqu’à 7 fois le risque avec la drospirénone (7) (figure 2). Figure 1. Risque de maladie veineuse thromoembolique (MTEV) et contraception estroprogestative : impact de la dose d’éthinylestradiol. Figure 2. Risque de MTEV et contraception estroprogestative : impact du progestatif. Le risque d’accidents veineux (x 3-4 fois) de la COP est identique quelle que soit la voie d’administration : orale, patch ou anneau (7-9) en raison de son action procoagulante avec une diminution de l’antithrombine III, une diminution de la protéine S et une baisse de la résistance à la protéine C activée. La maladie thromboembolique veineuse (MTVE) est multifactorielle avec une intrication forte de facteurs génétiques, de facteurs environnementaux et de facteurs déclenchants. Le risque de MTVE sous COP augmente avec l’âge, avec une incidence chez les utilisatrices pour 10 000 femmes-années, qui va passer de 3,7 avant 30 ans à 13,3 entre 40 et 50 ans, soit respectivement un risque multiplié par 6 et 3, comparativement aux non-utilisatrices du même âge (9). D’autres facteurs vont interférer avec le risque de MTVE de la COP. Il s’agit : d’un antécédent personnel de MTEV avec un risque de récidive de 28,0 pour 1 000/année s’il y a reprise d’une COP vs 12,9 ; de l’existence d’une thrombophilie biologique (déficit en antithrombine, déficits en protéine C, protéine S, de la présence d’un facteur V Leiden ou d’un facteur II 20210A ; de la présence d’un syndrome des antiphospholipides) qui multiplie le risque de 5 à 16. L’interrogatoire est fondamental dans la prévention de tels accidents TEV en sachant que le bilan de thombophilie ne doit pas être systématique avant la première prescription. On retiendra aussi le long voyage avec un OR 13,9 (1,7-117,5) (10), un antécédent familial grave, l’obésité, et le post-partum. En ce qui concerne les estrogènes naturels (17β-estradiol : E2) des nouvelles contraceptions, on ne dispose que de peu d’informations. En revanche, la contraception progestative pure n’a pas d’effets délétères sur la coagulation (7) quel que soit son mode d’administration (voie orale, implant, stérilet). Le risque veineux des progestatifs est surtout lié à leur association à l’éthinylestradiol. Le service des recommandations professionnelles de l’ANAES en décembre 2004 stipulait que : « L’augmentation des risques cancéreux et cardiovasculaires avec l’âge et la pré-ménopause doivent amener à réévaluer l’adéquation de la méthode contraceptive utilisée) à partir de 35-40 ans… » (niveau de preuve 2, grade B) (www.anaes.fr). Connaitre et bien évaluer le risque artériel de la contraception La Royal College of General Practitioners’ Oral Contraception Study est une étude prospective randomisée riche d’enseignements. Cette étude a permis de suivre, sur une très longue période (1968-2007), deux cohortes de 23 000 femmes dans chaque groupe (sous COP et sans COP) avec des publications dans le Lancet en 1977 et 1981, dans le BMJ en 1999 sur le recul à 25 ans, et récemment les résultats sur la mortalité dans le BMJ en 2010 (11). La plupart des décès en excès chez les utilisatrices de pilules sont des décès d’origine vasculaire : 2/3 par infarctus du myocarde et hémorragie sous-arachnoïdienne. Certains éléments de preuve montrent que le RCV de la COP augmente avec l’âge, le tabagisme et la durée d’utilisation. Il n’y a pas de preuve de l’impact de la durée d’utilisation. Dans cette cohorte, les utilisatrices « actuelles » et « récentes » de COP ont un risque accru de décès circulatoire (RR : 0,86 avec un intervalle de confiance (IC) à 95 % (0,77-0,96). Le risque absolu reste néanmoins très faible avec 99 décès CV sur 819 175 femmes-années d’observation. La plupart des risques semblent être liés aux caractéristiques de l’utilisatrice (âge, tabagisme, hypertension) plutôt qu’à la pilule elle-même. Mais pour en finir, les utilisatrices de COP n’ont pas un risque accru de mortalité à distance de l’arrêt de la COP (11). La mortalité CV de la COP augmente significativement avec l’âge chez la non-fumeuse (12) avec un risque multiplié par plus de 2 après 35 ans. Avant
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