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Les antiplaquettaires dans la prévention secondaire de l’accident vasculaire cérébral ischémique
S. RICHARD*, M. TOUSSAINT-HACQUARD**, J.-C. LACOUR*, P.-A. BAILLOT***, X. DUCROCQ*, *Service de neurologie, hôpital central, CHU de Nancy, **Service d’hématologie biologique-hémostase médicale, hôpitaux de Brabois, CHU de Nancy, Vandoeuvre-les-Nancy, ***

L’emploi des antiplaquettaires est une des mesures les plus importantes dans la prévention secondaire de l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique. En inhibant l’activité plaquettaire, ils préviennent la formation du thrombus responsable de l’occlusion et de l’embolie artérielle.
L’aspirine, le clopidogrel et l’association aspirine-dipyridamole sont les seuls actuellement utilisés pour le cas particulier de la prévention secondaire de l’AVC ischémique, chacun représentant une voie différente d’inhibition plaquettaire. Des études ont comparé leur efficacité, ou même l’effet de leur association. La recherche fondamentale a montré, quant à elle, que l’inhibition plaquettaire pouvait être sujette à une variabilité interindividuelle conditionnée par des facteurs intrinsèques (polymorphisme génétique) ou extrinsèques (interactions médicamenteuses). Une revue détaillant les différentes études cliniques qui guident aujourd’hui la prescription des antiplaquettaires, leur mode d’action et les facteurs de moindre réponse plaquettaire, pourrait aider le clinicien à mieux les utiliser. Les différentes voies d’inhibition plaquettaire La rupture de la plaque athéromateuse met à nu la matrice sous-endothéliale contenant du collagène capable d’activer les plaquettes et donc de former un thrombus qui pourra soit réduire, soit occlure la lumière artérielle ou donner naissance à un embole pouvant être à l’origine d’une ischémie distale (1). L’activation plaquettaire comprend l’agrégation, mais aussi la synthèse de composés qui, en agissant sur différentes voies, l’entretiennent et la propagent (figure 1). Chacune de ces voies représente une cible pharmacologique d’inhibition (figure 2). La cible de l’aspirine est la cyclo-oxygénase (COX) 1, enzyme responsable de la production du plus puissant activateur plaquettaire : le thromboxane (TX) A2. L’activation des récepteurs P2 par l’ADP joue un rôle important dans l’activation plaquettaire. Les thiénopyridines, dont fait partie le clopidogrel, bloquent le récepteur P2Y12 de façon irréversible. Le clopidogrel est converti en métabolite actif, notamment par le cytochrome P4503A4, avant sa liaison avec P2Y12. Le dipyridamole inhibe la phosphodiestérase plaquettaire et donc la captation de l’adénosine, maintenant un taux élevé d’AMPc, avec diminution des concentrations de calcium intracellulaire et inhibition plaquettaire. Figure 1. Les différentes voies d’activation plaquettaire. Figure 2. Les différentes cibles d’inhibition plaquettaire. Chaque voie d’activation plaquettaire représente une cible pharmacologique, les antiplaquettaires ayant pour rôle l’inhibition de ces voies. Cependant, l’inhibition d’une seule voie peut-être insuffisante et l’activité plaquettaire maintenue. Les études cliniques en prévention secondaire de l’AVC ischémique Pour l’aspirine, il faut différencier deux phases dans la prévention secondaire de l’AVC ischémique. • La phase aiguë correspondant aux 7 premiers jours suivant l’AVC ischémique. L’aspirine est actuellement le seul antiplaquettaire utilisé à cette phase. Deux grandes études s’y sont intéressées : IST (2) et CAST (3) durant les 48 heures qui suivent l’événement, pour des doses de 160 et 300 mg d’aspirine. Ces études ont regroupé 60 000 patients et montré que l’administration d’aspirine pendant cette phase permet d’éviter 9 AVC ischémiques et décès pour 1 000 patients traités durant le premier mois. • Pour la prévention dite « au long terme », une métaanalyse (4) regroupant plus de 287 essais cliniques a montré que les antiplaquettaires (la majorité des patients étaient traités par aspirine) réduisaient approximativement de 23 % le risque relatif d’AVC ischémique, d’infarctus du myocarde et de mort vasculaire pour des patients atteints de maladies cardio- et cérébrovasculaires. Pour les thiénopyridines, le clopidogrel a succédé à la ticlopidine dont la tolérance hématologique a limité la prescription. L’étude CAPRIE (5) a comparé l’effet de clopidogrel (75 mg/j) à celui de l’aspirine (325 mg/j) en prévention secondaire d’un événement artériel ischémique chez près de 20 000 patients. Ceux traités par clopidogrel ont présenté un taux d’événements ischémiques (AVC ischémiques, infarctus du myocarde et mort vasculaires) de 5,32 % par an, contre 5,83 % par an pour les patients traités par aspirine. Le risque hémorragique (9,2 %) est le même que celui de l’aspirine, mais avec une meilleure tolérance digestive. Même si cette différence est significative, le bénéfice décrit dans cette étude avec clopidogrel reste modeste en comparaison de celui obtenu avec l’aspirine. Pour le dipyridamole, l’étude ESPS 2 (6) a comparé l’effet de l’aspirine seule (50 mg/j) au dipyridamole seul (400 mg/j) et à l’association de ces 2 molécules versus placebo, en prévention secondaire de l’AVC ischémique, avec une durée moyenne de suivi proche de 2 ans. Le risque de récidive ischémique cérébrale et de mort vasculaire a été réduit de 13 % dans le groupe de patients traités par aspirine, de 15 % pour ceux traités par dipyridamole, mais surtout de 24 % pour ceux traités par l’association en comparaison au placebo. Ces résultats ont permis de montrer l’efficacité, en prévention secondaire de l’AVC ischémique, du dipyridamole, mais surtout d’une meilleure protection lorsqu’il est associé à l’aspirine. Ces conclusions ont été confirmées par l’étude ESPRIT (7) qui a comparé, en prévention secondaire de l’accident ischémique transitoire et de l’AVC ischémique mineur, l’effet de l’association de l’aspirine (75 mg/j) au dipyridamole (200 mg x 2/j) à celui de l’aspirine seule. Pour une durée moyenne de suivi de 3,5 ans, une diminution du risque absolu de 1 % par an du critère combiné mort vasculaire, AVC ischémique, infarctus du myocarde et complications hémorragiques majeures a été constatée pour l’association (13 % d’événements) comparativement au traitement par aspirine seul (16 % d’événements). Cependant, les abandons de traitement ont été plus fréquents dans le groupe traité par l’association en raison de la survenue de céphalées. L’effet du clopidogrel (75 mg/j) et de l’association aspirine (25 mg x 2/j) et du dipyridamole (200 mg x 2/j) a été comparé par l’étude PROFESS (8), qui a inclus plus de 20 000 patients. Il n’y a pas eu de différence significative pour les récidives d’AVC ischémiques, avec une fréquence de 9 % dans les deux groupes, ni pour le pronostic fonctionnel et l’impact cognitif après ces récurrences. L’effet de l’association du clopidogrel (75 mg/j) à l’aspirine (75 mg/j) a été comparé à du clopidogrel seul dans l’étude MATCH (9), qui a inclus plus de 7 500 patients après un événement cérébral ischémique. Après un suivi moyen de 18 mois, 15,7 % des patients traités par l’association ont présenté une récidive d’AVC ischémique, un infarctus du myocarde ou un décès d’origine vasculaire contre 16,7 % des patients traités par clopidogrel seul. Cette différence en faveur d’une meilleure protection par l’association, n’était pas statistiquement significative. De plus, ce léger bénéfice était annulé par une augmentation du nombre de saignements engageant le pronostic vital dans le groupe traité par l’association (2,6 %) en comparaison au groupe traité par clopidogrel seul (1,3 %). L’association est, en revanche, utilisée de façon courante dans le domaine cardiovasculaire en prévention des thromboses des stents coronariens et donc, par prolongation, dans le domaine neurovasculaire pour les traitements interventionnels des troncs supra-aortiques et des artères intracrâniennes où elle encadre le geste pendant plusieurs mois. Elle pourrait également être étudiée dans des cas très précis, comme pour les sténoses athéromateuses (10) ou, sur une durée limitée, à la phase aiguë de l’AVC ischémique. L’effet d’un antagoniste spécifique des récepteurs du TXA2, appelé S18886 ou terutroban, a été comparé à celui de l’aspirine seule, en prévention secondaire de l’AVC ischémique et de l’AIT, chez près de 20 000 patients dans l’étude PERFORM (11). Malheureusement, le terutroban n’a pas montré de supériorité par rapport à l’aspirine, avec 11 % de récidives d’AVC ischémiques, d’infarctus du myocarde et de mort vasculaire pour les deux groupes. Cependant, l’analyse des sous-groupes a montré que la survenue d’événements ischémiques artériels était significativement moins fréquente avec le terutroban pour des patients ayant présenté l’événement qualifiant sous aspirine. Cette molécule semblait donc utile pour des patients en « échec clinique de l’aspirine ». Tests d’exploration des fonctions plaquettaires Les nombreuses études citées ci-dessus ont montré que les récidives ischémiques sous antiplaquettaires après un AVC ischémique ne sont pas rares. Ceci a fait naître la notion de « résistance clinique aux antiplaquettaires ». Afin de comprendre les mécanismes de moindre réponse, l’étude de l’effet biologique des antiplaquettaires a été développée. Différents tests existent, mais sont encore peu utilisés dans la pratique courante, surtout neurovasculaires. La corrélation avec la clinique et entre les résultats des différents tests est encore mal établie. L’utilisation de ces méthodes de mesure de l’activité plaquettaire et de l’effet de l’inhibition des antiplaquettaires a permis de mettre en évidence une variabilité de réponse interindividuelle non dichotomique entre les patients, c’est pourquoi le terme « variabilité de réponse plaquettaire » doit être préféré à celui de « résistance » aux antiplaquettaires. L’agrégation photométrique par variation de transmission lumineuse est un test réalisé dans les laboratoires spécialisés, qui permet d’explorer le fonctionnement plaquettaire avec un plasma riche en plaquettes, anticoagulé avec du citrate, puis stimulé par différents agonistes (collagène, ADP, acide arachidonique). L’agrégation est mesurée par variation de transmission lumineuse et exprimée en pourcentage par rapport à un plasma pauvre en plaquettes. Les principaux antiplaquettaires induisent une thrombopathie caractéristique. L’aspirine inhibe fortement l’agrégation induite par l’acide arachidonique (figure 3) et l’agrégation dite secondaire (dépendant de la synthèse du TX par les plaquettes activées par l’ADP ou le collagène à faible concentration). La réponse aux
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