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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 16 mins

Myocardites aiguës

A. COMBES, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

Le terme « myocardite » signifie inflammation du muscle cardiaque avec, à l’examen histologique, un infiltrat de cellules inflammatoires et des signes de nécrose myocytaire. Le diagnostic de myocardite aiguë doit être évoqué chez un malade pour lequel sont apparus récemment des signes d’insuffisance cardiaque, en l’absence de maladie coronarienne ou valvulaire évolutive. Une forme fulminante de la maladie, le plus souvent en rapport avec une infection par un virus à tropisme cardiaque, tels le parvovirus B19, le virus herpès de type 6, les coxsackies et les adénovirus, doit être envisagée si les premiers signes cliniques sont apparus très récemment (quelques jours), faisant suite à un épisode pseudo-grippal. Les années qui viennent permettront peut-être d’établir de nouvelles stratégies thérapeutiques spécifiques agissant sur le système immunitaire en fonction de la phase de la maladie.

Lorsqu’une forme fulminante de la maladie est suspectée, il faut rapidement prendre contact avec un centre médicochirurgical ayant la capacité de mettre en place une ECMO, le plus souvent en ayant recours à une unité mobile d’assistance circulatoire, compte tenu des risques d’aggravation extrêmement rapide de la maladie et du pronostic péjoratif si des défaillances viscérales ou un arrêt cardiaque surviennent avant la mise en place du dispositif. Définition Le terme « myocardite » signifie inflammation du muscle cardiaque, avec à l’examen histologique du myocarde un infiltrat de cellules inflammatoires et des signes de nécrose myocytaire (1,2). Le diagnostic de myocardite aiguë doit être évoqué chez un malade pour lequel sont apparus récemment des signes d’insuffisance cardiaque, en l’absence de maladie coronarienne ou valvulaire évolutive. Une forme fulminante de la maladie doit être envisagée si les premiers signes cliniques sont apparus très récemment (quelques jours), faisant suite le plus souvent à un épisode pseudo grippal, et si l’on observe une évolution rapide vers le choc cardiogénique (3,4). Étiologies - Épidémiologie Étiologies Les myocardites aiguës peuvent être secondaires à une atteinte cardiaque infectieuse, toxique, allergique ou être associées à une maladie de système (1,2). Les étiologies infectieuses (bactérienne, virale, fungique ou parasitaire) sont les plus fréquentes. En Europe et aux USA, ce sont les étiologies virales qui prédominent très largement. Si les virus du groupe coxsackie et les adénovirus étaient le plus fréquemment en cause jusqu’à la fin des années 1990, les études les plus récentes de fragments biopsiques révèlent que ce sont le parvovirus B19 et le virus herpès du groupe 6 et à un moindre degré le virus de l’hépatite C, le virus d’Epstein-Barr virus, le cytomégalovirus, le virus HIV et les virus grippaux qui sont maintenant le plus fréquemment en cause (5-8). Parmi les atteintes toxiques, le plus souvent dose-dépendantes, il faut citer l’alcool, les catécholamines, la cocaïne, les anthracyclines, certains antirétroviraux (ddI, ddC, AZT) et des venins de serpent ou scorpions (2). Les myocardites immunoallergiques surviennent dans un contexte de fièvre avec hyperéosinophilie, signes cutanés et articulaires, sans relation avec la dose de médicament ingéré. Les substances le plus souvent en cause sont les bêtalactamines, les thiazidiques, les sulfonamides et les antidépresseurs tricycliques (2). Certaines maladies de système peuvent s’accompagner de myocardite, par exemple les connectivites (périartérite noueuse, maladie de Wegener, dermatopolymyosite, lupus érythémateux disséminé) et tout particulièrement la sarcoïdose. On peut y associer les myocardites à cellules géantes, où une atteinte dysimmunitaire est parfois mise en évidence (2). Enfin, la myocardite du péripartum est une entité particulière, combinant des désordres immunitaires liés et la grossesse à une possible atteinte virale (2). Épidémiologie Il est difficile d’estimer l’incidence réelle des myocardites. Les formes fulminantes sont exceptionnelles (5 à 10 cas par million d’habitant et par an) et leur incidence semble stable depuis plusieurs décennies (3). En revanche, les progrès des techniques d’investigation moléculaire ont permis d’incriminer certains virus dans la genèse de myocardiopathies dilatées d’apparence idiopathique ou de complications survenant dans les suites d’une transplantation cardiaque (9). Par ailleurs, les séries autopsiques évaluant les causes de décès de sujets jeunes jusque-là en bonne santé ont fréquemment mis en évidence des stigmates histologiques de myocardite. Ainsi, dans une très large série reprenant sur 25 ans tous les cas de mort subite pour une cohorte de plus de 6 millions de jeunes militaires américains âgés de 18 à 35 ans, plus de 10 % des 126 individus décédés présentaient une myocardite histologique (10). Données physiopathologiques récentes Les techniques de biologie moléculaire ont permis dans les dernières années de mieux comprendre la physiopathologie des myocardites, en particulier des myocardites d’origine virale. Trois phases successives de la maladie peuvent être définies, avec des périodes de transition plus ou moins longues les séparant. La reconnaissance de la phase de la maladie en cours va avoir un impact déterminant sur la compréhension de son mécanisme physiopathologique, sur les techniques diagnostiques à mettre en œuvre et sur le traitement à administrer au malade (11). Phase de l’invasion virale (durée : quelques jours) Lors de l’infection virale, les premiers effecteurs de la réponse de l’hôte sont les acteurs de la réponse immunitaire innée. Les récepteurs Toll et les récepteurs PARP ( pattern-recognition receptors) reconnaissent certaines protéines virales et activent ensuite des signaux intracellulaires responsables de la synthèse rapide de cytokines de type Th1 et Th2, d’interférons et de grandes quantités de monoxyde d’azote (12). Les cytokines pro-inflammatoires vont ensuite, d’une part, attirer de nombreuses cellules immunitaires vers le site de l’agression virale et, d’autre part, être directement responsables de lésions cardiomyocytaires (hypocontractilité, apoptose) (13). Ces effecteurs de la réponse immune innée ont été récemment mis en évidence au niveau du myocyte cardiaque (12). Par ailleurs, le tropisme cardiaque des coxsackievirus et des adénovirus est maintenant bien expliqué par la présence d’un récepteur commun (« Coxsackie- Adenoviral Receptor », ou CAR) présent à la surface des myocytes cardiaques. Ce récepteur, appartenant à la superfamille des immunoglobulines, permet l’internalisation du virus à l’intérieur de la cellule, ce qui représente l’étape critique de l’invasion virale (11). Phase « auto-immunitaire » (durée : quelques semaines à plusieurs années) L’activation du système immunitaire initiée lors de la phase 1 se poursuit par la mise en jeu du système de l’immunité cellulaire spécifique T et B. Les particules virales sont recyclées par l’appareil de Golgi, puis présentées à la surface de la cellule infectée dans le contexte de restriction par les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité. Les cellules T spécifiques reconnaissant l’antigène viral dans ce contexte vont tenter de détruire la cellule infectée par la production de cytokines ou de perforines (11). L’amplification de ce phénomène peut conduire à une destruction massive de cardiomyocytes. L’importante activation de la sécrétion des cytokines pro-inflammatoires (IL1, IL6, TNF-alpha) est également responsable d’un effet délétère propre sur la fonction contractile myocytaire (13). Par ailleurs, l’expansion de clones B et la production d’anticorps dirigés contre certains antigènes cardiaques (myosine, laminine, récepteur bêta) présentant des similitudes avec les antigènes viraux sont responsables d’une atteinte auto-immunitaire, majorant et pérennisant les destructions d’unités contractiles (14). Enfin, il faut signaler que certains virus tels les entérovirus peuvent entraîner des lésions des cellules myocardiques indépendantes de toute réaction immune, la protéase 2A entérovirale clivant en particulier la dystrophine, une protéine d’ancrage du cytosquelette. Phase tardive : évolution vers la cardiomyopathie dilatée Chez la plupart des malades, le virus responsable de la myocardite disparait en quelques jours ou quelques semaines et les séquelles restent minimes à modérées. Cependant, d’autres patients peuvent souffrir d’une persistance virale (15) pérennisant les lésions inflammatoires directes et auto-immunitaires, pouvant conduire à la constitution d’une cardiopathie dilatée associée à une fibrose diffuse. Diagnostic clinique et biologique Manifestations cliniques Les signes cliniques de myocardite aiguë sont multiples et peu spécifiques. Il faut évoquer de principe le diagnostic devant la découverte récente de signes d’insuffisance cardiaque ou de troubles du rythme supraventriculaire ou ventriculaire, en l’absence de pathologie coronarienne ou valvulaire. Un épisode pseudo grippal survenu dans les jours précédant le diagnostic est fréquemment retrouvé en cas de myocardite fulminante. Lors du diagnostic, le patient peut présenter des douleurs thoraciques, pouvant être évocatrices de syndrome coronarien aigu, des arthralgies, de la fièvre ou une sensation de malaise général. Les signes d’insuffisance cardiaque peuvent être discrets ou au contraire au premier plan, la maladie évoluant bruyamment en quelques heures vers un état de choc cardiogénique réfractaire en cas de myocardite fulminante. Parfois, le patient consulte pour des douleurs abdominales avec des perturbations importantes du bilan hépatique (en fait dues au foie de choc) et évoquant une hépatite fulminante. L’électrocardiogramme peut montrer des troubles du rythme à tous les étages, des troubles de conduction intraventriculaire ou auriculo-ventriculaire. Parfois, il existe des troubles systématisés de la repolarisation, compatibles avec le diagnostic d’infarctus du myocarde et conduisant à discuter à tort une revascularisation en urgence (16-19). Bilan biologique usuel Le taux sérique des enzymes cardiaques, en particulier la troponine Ic, est fréquemment augmenté, et ce proportionnellement à la sévérité de la maladie (20,21). On observe parfois une hyperleucocytose (ou une leucopénie), une hyperéosinophilie (évocatrice de myocardite immunoallergique), une élévation des taux sériques de CRP et de la VS. Dans un contexte clinique évocateur, il faut pratiquer un bilan biologique des maladies inflammatoires ou systémiques pouvant se compliquer de myocardite (collagénoses, sarcoïdose). Enfin, en cas de choc cardiogénique, il peut exister des stigmates biologiques de défaillance multiviscérale (cytolyse majeure, hyperlactatémie, insuffisance rénale aiguë, chute du TP et des facteurs de la coagulation). Bilan biologique spécifique Le bilan biologique étiologique des myocardites, surtout dans leur

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