P. AUBRY, Centre Hospitalier Bichat-Claude Bernard, Paris B. GÉRARDIN, Clinique Ambroise Paré, Neuilly sur Seine
Comme lors des éditions précédentes, le Groupe de réflexion sur la cardiologie interventionnelle (GRCI) 2009 s’est déroulé dans un espace de discussion ouvert à tous, avec des objectifs prédéfinis et un programme éducationnel varié (retransmissions en direct, sessions scientifiques et ateliers pratiques) qui ont permis à chacun de situer ses pratiques. Les journées des 3 et 4 décembre 2009 à Paris ont réuni 520 participants (420 congressistes et 110 industriels). Le GRCI 2009, accrédité par la Société Française de Cardiologie, a participé au programme de formation médicale continue (FMC) qui a pour objectif le perfectionnement des connaissances et l’amélioration de la qualité des soins (Code de la santé publique).
Le BOOK La troisième édition du Book du GRCI (version 2009-2010) a été remise aux participants. Cet ouvrage de 600 pages constitue un outil référentiel destiné à faciliter la recherche des points de repère essentiels à la pratique quotidienne des cardiologues interventionnels. Il regroupe ainsi des textes législatifs liés à l’activité de la cardiologie interventionnelle, des documents de l’HAS, la Classification commune des actes médicaux (CCAM), les recommandations et les rapports d’experts les plus récents émanant des sociétés savantes, des documents sur l’information des patients, des fiches pratiques sur la prévention des risques encourus par les patients et les soignants, les scores pronostiques, les classifications et les définitions les plus utilisés dans notre spécialité. Il sera possible prochainement de télécharger sur le site du GRCI (ww.grci.fr) les différents documents répertoriés dans le BOOK du GRCI 2009-2010. Parmi les nombreuses sessions scientifiques du GRCI 2009, nous avons choisi de présenter celle sur l’implantation transcathéter de valves aortiques et celle sur les accidents cardiaques survenant lors des courses d’endurance. Implantations transcathéter de valves aortiques Deux experts dans ce domaine, une cardiologue interventionnelle, H. Eltchaninoff (Rouen), et un chirurgien cardiovasculaire, J.-F. Obadia (Lyon), ont accepté de répondre à une dizaine de questions. H. Eltchaninoff répondra pour la prothèse Edwards-SapienTM (Edwards) et J.-F. Obadia répondra pour la CorevalveTM (Medtronic). Question 1 : quel est le programme actuel d’implantation transcathéter de valves aortiques ? H. Eltchaninoff : La valve Edwards-SapienTM (figure 1) a obtenu le marquage CE en 2007. Son remboursement est actuellement en attente. Ce dernier sera possible dans le cadre d’un GHS d’environ 23 000 euros. Ainsi, les implantations sont limitées en cette fin d’année 2009. Quatre centres français participent à l’étude européenne PREVAIL en utilisant une nouvelle génération de valve Edwards-SapienTM avec un stent cobalt-chrome utilisant des introducteurs 18F (au lieu de 22F). Certains établissements publics ou privés agréés peuvent acheter des prothèses (18 500 euros HT) en utilisant leurs fonds propres. Figure 1. Valve Edwards SapienTM (Edwards). J.-F. Obadia : Environ 5 000 prothèses (toutes marques confondues) ont été implantées en Europe en 2009 avec une progression attendue de ce chiffre dans les années à venir (environ 17 000 prothèses prévues en 2012). Comme pour la valve Edwards-SapienTM, l’absence de remboursement actuel de la prothèse CorevalveTM (figure 2) est un frein à son développement en France. Figure 2. CorevalveTM (Medtronic). Question 2 : quelle est la place actuelle des différentes voies d’abord (apicale, fémorale, sous-clavière) ? H. Eltchaninoff : La voie fémorale doit être la voie de première intention. Ses contre-indications actuelles de la valve Edwards-SapienTM sont essentiellement des calcifications iliofémorales massives et des diamètres iliofémoraux trop petits ( 7 mm pour la valve de 23 mm et 8 mm pour la valve de 26 mm). La voie apicale est alors discutée. J.-F. Obadia : Le concept de la CorevalveTM n’est pas adapté à la voie apicale. La voie fémorale est, bien entendu, la plus utilisée. Mais en cas de contre-indication à cette dernière (diamètre iliofémoral 6 mm), la procédure peut être réalisée par voie sous-clavière (12 cas rapportés dans le registre FRANCE présenté par H. Eltchaninoff à l’AHA 2009 avec 244 implantations françaises). Dans l’activité européenne globale (toutes prothèses confondues), la voie fémorale est utilisée dans 74 % des cas, la voie apicale dans 25 % des cas et la voie sous-clavière dans 1 % des cas. Question 3 : quels scores sont utilisés pour la sélection des patients ? H. Eltchaninoff : L’implantation percutanée d’une valve aortique est proposée en cas de contre-indication chirurgicale (sternotomie délicate, aorte porcelaine) ou de haut risque chirurgical. Les scores de risque les plus utilisés sont l’Euroscore logistique (score ≥ 20 % définissant un haut risque) et le score de la Society of Thoracic Surgeons (STS score ? 10 % définissant un haut risque). J.-F. Obadia : Nous utilisons les mêmes scores construits pour évaluer le risque d’une chirurgie conventionnelle. Il est important aussi d’utiliser chez les patients particulièrement âgés un score tel que le MMS (Mini Mental Score) si l’on suspecte une démence. Il faut garder à l’esprit que le jugement clinique reste primordial dans la décision finale. De plus, certains éléments comme la notion de « médiastin hostile » tels que les antécédents de radiothérapie, de médiastinite ou l’existence de pontages coronariens perméables ne sont pas pris en compte dans les scores de gravité alors qu’ils représentent pourtant des facteurs de risque majeurs. Ces situations font pourtant partie des meilleures indications actuelles de ce type de procédure alors même que les chiffres donnés par les scores ne sont pas forcément très élevés. Question 4 : quelle est la place de l’échographie transoesophagienne (ETO) lors des procédures ? H. Eltchaninoff : L’ETO n’est pas indispensable pour toutes les procédures. Elle est utile pour dépister et comprendre certaines complications, en particulier en cas de fuite aortique résiduelle importante après implantation. L’ETO n’est pas possible lors des procédures fémorales réalisées sans anesthésie générale. J.-F. Obadia : L’ETO n’est pas utilisée dans notre centre en cas d’utilisation de la CorevalveTM. En revanche, une échographie transthoracique est systématique en fin de procédure, ne serait-ce que pour évaluer une éventuelle fuite paravalvulaire et vérifier l’absence d’épanchement péricardique avant le retour du patient en unité postopératoire. Question 5 : comment prévenir les complications au niveau des accès percutanés ? H. Eltchaninoff : L’évaluation préalable des axes iliofémoraux et de l’aorte est indispensable dans le choix de la voie d’abord afin de limiter les risques traumatiques. Cette évaluation est réalisée par l’angiographie conventionnelle et surtout par l’angioscanner (figure 3). La voie apicale doit être privilégiée dans les cas limites. Le rôle des deux techniques fémorales (ouverture et fermeture chirurgicales ou ponction et fermeture percutanées) n’est pas encore bien évalué dans ce domaine. Une angiographie finale est importante pour dépister une complication locale. Figure 3. Scanner aorto-iliaque. J.-F. Obadia : Dans notre expérience, nous avons choisi de réaliser en première intention toutes les approches par voie percutanée pure (fermeture par système ProstarTM) et sous anesthésie locale, ce qui était sans doute ambitieux, mais qui s’est accompagné de complications inattendues parfois sévères avec, en particulier, un décès postopératoire par hématome rétropéritonéal méconnu et une reconstruction chirurgicale du trépied fémoral difficile avec réinterventions itératives prolongeant l’hospitalisation. Au terme de notre expérience, nous pensons que les approches percutanées sont une option élégante et logique lorsque l’on développe des techniques innovantes. Néanmoins, la plus grande prudence doit être recommandée pour diminuer un taux non négligeable de complications parfois sévères en particulier lors de la phase d’apprentissage. Questions 6 : quels sont les facteurs prédictifs de mortalité à court et moyen terme après succès d’implantation ? H. Eltchaninoff : Dans le registre FRANCE, les deux seuls prédicteurs de mortalité à 30 jours après une implantation percutanée de valve aortique étaient, en analyse multivariée, un Euroscore logistique ≥ 25 % et un antécédent de chirurgie coronaire. J.-F. Obadia : Il faut également souligner une surmortalité dans le groupe avec voie apicale comparativement aux groupes avec voies fémorale ou sous-clavière. Néanmoins, le groupe «ns doute les patients les plus sévères avec un biais statistique évident. Question 7 : une salle hybride est-elle nécessaire en 2010 ? H. Eltchaninoff : Une salle hybride n’est pas actuellement nécessaire. On souhaiterait bien entendu disposer de l’imagerie optimale d’une salle de cathétérisme dans un environnement de salle d’opération. Le prix actuel d’une salle hybride va certainement en limiter sa diffusion. Une question subsidiaire reste en suspens : où faudra-t-il l’implanter ? J.-F. Obadia : Dans le registre FRANCE, l’implantation s’est déroulée dans une salle hybride dans 12 % des cas seulement. Ce constat répond déjà partiellement à la question et, en pratique, il faudra éviter d’enfermer ces procédures dans d’éventuelles régulations contraignantes qui pourraient en limiter la diffusion. Toutefois, idéalement une salle hybride est souhaitable, ne serait-ce que parce que d’autres techniques innovantes hybrides vont probablement émerger (réparation mitrale, traitement de la fibrillation auriculaire, etc.). Question 8 : quel est le bilan minimal à réaliser avant de proposer un patient à un centre agréé ? H. Eltchaninoff : Il faut s’assurer que la sténose aortique calcifiée soit serrée (surface 1,0 cm 2 ou 0,6 cm 2/m 2) et symptomatique, que le patient ait été récusé pour une chirurgie classique de remplacement valvulaire ou qu’il soit à un haut risque chirurgical comme défini précédemment à partir des scores de risque, qu’il ne présente pas de lésion significative du tronc commun et que son espérance de vie soit supérieure à un an (en dehors de sa pathologie valvulaire). Enfin, il faut que le diamètre de l’anneau aortique (figure 4) soit compris entre 18 et 24 mm en échographie pour l’implantation d’une valve Edwards-SapienTM. J.-F. Obadia : Les critères échographiques sont un peu différents pour la Corevalve avec une taille d’anneau aortique requis comprise entre 20 et 27 mm. L’Euroscore logistique est facile à calculer et permet de réaliser une première sélection avant d’envisager une implantation transcathéter d’une valve aortique. Il est inutile de multiplier les évaluations
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