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Explorations-Imagerie

Publié le  Lecture 19 mins

Angioscanner coronaire : une nouvelle prise en charge de la maladie coronaire ?

J.-M. PERNES, P. DUPOUY, V. HUART, G. SHOUKROUN, G. HAQUIN, E. APTECAR, M. AUGUSTE, P.-F. LESAULT, R. LABBE, et J.-C. GAUX, hôpital privé d’Antony

Pourquoi l’angioscanner coronaire va modifier nos habitudes dans le diagnostic et la prise en charge de l’angor d’effort ?
L’opportunité de visualiser de manière non invasive la lumière artérielle coronaire, par simple injection intraveineuse d’un produit de contraste iodé, est le rationnel fondamental de l’intérêt que manifeste aujourd’hui la communauté médicale à l’égard du scanner cardiaque ou plus exactement de l’angioscanner coronaire. Toute la question est de savoir quelle place réserver à cette nouvelle technique dans la stratégie diagnostique de la maladie coronaire.

Reconstruction 3D. Les enjeux Une métaanalyse récente regroupant plus de 800 patients a montré une amélioration significative en termes de précision diagnostique pour la détection des sténoses coronaires avec les systèmes utilisant 64 détecteurs comparés aux premières générations de scanner, avec une sensibilité autour de 93 % et une spécificité de 96 %, ainsi que des valeurs prédictives positives (VPP) et négatives respectivement de 78 et 98 %. Le dénominateur commun de toutes ces études est le caractère constant des chiffres très élevés de valeur prédictive négative, ce qui suggère que la technique pourrait être d’une grande efficacité pour exclure la présence de lésions obstructives « significatives ». Les limites actuelles, liées aux caractéristiques intrinsèques de résolution temporelle et spatiale encore inférieures à celles de l’angiocoronarographie, rendent délicate et inappropriée la quantification de la sévérité des lésions coronaires détectées, avec une tendance à surestimer le degré de rétrécissement luminal par comparaison à l’angiographie invasive, particulièrement en cas de calcifications associées. Cela explique les chiffres plus modestes de VPP ainsi que la faible valeur prédictive de détection d’une ischémie myocardique (29 à 44 %) comparée à la méthode d’imagerie de perfusion myocardique de référence (TEP ou scintigraphie), en cas de sténose détectée au scanner 16 ou 64 détecteurs (figure 1). La quantification du degré de sténose reste une limite importante, inhérente aux capacités technologiques contemporaines de la tomographie par rayons X. Figure 1. VPP ET VPN du scanner dans la détection d’une ischémie myocardique comparée à la référence scintigraphique (d’après Hachamovitch. J Nucl Cardiol 2007 ; 14 : 634-44). Alors qu’un « match » semblait donc plutôt s’engager sur le thème : « le scanner va-t-il remplacer la coronarographie ? », le débat s’est progressivement déplacé sur le positionnement de l’angioscanner vis-à-vis des tests non invasifs, principalement l’épreuve d’effort et la scintigraphie de perfusion. En effet, alors que les discussions contradictoires sur la prise en charge optimale du coronarien semblaient être closes, au profit des zélateurs des tests ischémiants non invasifs et au détriment de l’approche anatomique directe, celles-ci se sont à nouveau acutisées à la lecture du constat des excellentes performances et de la dissémination rapide du scanner, amalgamé à une coronarographie non invasive. Dès lors, certains cliniciens et imageurs n’hésitent plus à proposer qu’il se substitue aux tests traditionnels d’ischémie dans un certain nombre de scénarios cliniques, dont celui de gate-keeper de la coronarographie ! La discussion sous-jacente est axée sur les risques d’une utilisation sans discernement de la technique mais également sur sa valeur ajoutée et discriminante par rapport aux tests reconnus, avec les implications pragmatiques potentielles que cela suppose dans notre pratique clinique quotidienne de détection de la maladie coronaire. Stratégie contemporaine de la prise en charge de « la maladie coronaire » La recherche de lésions coronaires s’effectue dans deux situations cliniques différentes : la douleur thoracique aiguë et les syndromes thoraciques douloureux, chroniques, vaste constellation de symptômes que le médecin suspecte d’être en relation avec une ischémie myocardique. Concernant la douleur aiguë, la stratégie de la prise en charge vise à éliminer au sein d’autres diagnostics d’urgence, celui de syndrome coronarien aigu, soit à type d’angor instable, soit d’infarctus du myocarde, sans sus-décalage (SCA-ST-) ou avec sus-décalage de ST (SCA-ST+). Cette stratégie vise à établir une stratification du risque immédiat pour juger de l’opportunité d’une revascularisation coronaire urgente, stratégie actuelle au sein de laquelle l’angioscanner n’a, a priori et dans l’état actuel des choses, pas de place. Les syndromes thoraciques douloureux chroniques, qui sont l’objet de notre réflexion, concernent le diagnostic d’angor stable, défini comme un syndrome clinique caractérisé par une gêne thoracique sus-sternale, survenant électivement à l’effort ou au stress émotionnel et calmée par le repos ou les dérivés nitrés. Il est actuellement admis de retenir ce terme dans les situations où ce syndrome peut être attribué à une ischémie myocardique, dont la cause presque exclusive est représentée par l’athérosclérose obstructive des gros vaisseaux coronariens épicardiques et la conséquence d’un déséquilibre entre l’apport en oxygène et les besoins énergétiques du myocarde. Une réduction du débit coronaire à l’effort ou aux émotions à l’origine d’une ischémie s’observe pour des lésions coronaires supérieures à 50 %. On conçoit qu’existent deux types d’approche de détection de la maladie coronaire : - une approche dite anatomique, liée au pourcentage d’obstruction vasculaire (réduction géométrique de diamètre ou de surface luminale résiduelle), - l’autre dite physiologique, visant à authentifier la présence d’une ischémie myocardique. Cette dernière approche fonctionnelle de la détection à l’avantage d’intégrer simultanément la stratification pronostique du risque vital cardiovasculaire, basée sur des critères bien établis de sévérité de l’ischémie, accessibles concomitamment à l’évaluation diagnostique (classification en sous-groupes à risque : bas, intermédiaire ou haut). La finalité est de réserver au groupe à haut risque (> 2 % mortalité annuelle cardiovasculaire) une stratégie « agressive », visant à promouvoir le bénéfice d’une revascularisation, endovasculaire ou chirurgicale. La philosophie cardiologique actuelle en matière d’angor stable, synthétisée dans le dernier document des recommandations européennes de 2006, est de proposer des investigations diagnostiques et pronostiques en tandem, plutôt que séparément, tout en stigmatisant l’importance du bilan clinique dans l’évaluation de la probabilité de maladie coronaire chez un patient donné (dénommée probabilité pré-test) avant un test diagnostique, quel qu’il soit. Il est ainsi classique, à l’aune de travaux déjà anciens, de séparer d’emblée, sur les critères de prévalence de la maladie liée au sexe, à l’âge, aux facteurs de risque et aux caractéristiques de type et de fréquence de la douleur thoracique (typique, atypique, non coronaire), les patients à probabilité faible, intermédiaire ou élevée ( 10 %, entre 10 et 90 %, > 90 % de probabilité). Ces données reposent sur des abaques obtenues à partir de bases de données issues de populations anglo-saxonnes, établies principalement dans la problématique du test d’effort et ne sont peut-être pas exactement représentatives des populations françaises à moindre prévalence (tableau 1). Des seuils différents de discrimination des sous-groupes (probabilité faible 30 %, intermédiaire entre 31 et 70 %, élevée > 71 %) ont été proposés. En pratique clinique, l’estimation de cette probabilité est fondée sur l’expérience clinique individuelle du médecin qui demeure l’un des piliers robustes de la médecine basée sur les preuves. Ainsi, avant de réaliser un test diagnostique, le contexte clinique permet d’établir une probabilité d’existence de la maladie (probabilité pré-test). Un test positif augmente la probabilité d’existence de la maladie, un test négatif la diminue. La probabilité post-test représente la situation après le test. Parfois, celle-ci est de 100 % si le test n’a aucun faux positif. Ce test est très spécifique. Parfois, la probabilité post-test est nulle et le test n’a aucun faux négatif. Cet examen est alors très sensible. Les tests diagnostiques qui montrent les plus grandes différences entre les probabilités pré- et post-test sont les plus utiles dans la pratique. Cette approche, dérivée du théorème de Bayes, est appliquée, en ce qui concerne la détection de la maladie coronaire, à la totalité des tests fonctionnels disponibles. L’épreuve d’effort En pratique, en 2008, la stratégie de détection (et de stratification pronostique) de la maladie coronaire, recommande l’épreuve d’effort sur bicyclette comme l’examen de première intention au vu de son rapport bénéfice/risque et coût/efficacité. • En excluant les patients avec antécédents d’infarctus, les valeurs moyennes de sensibilité (Se) et spécificité (Sp) sont, respectivement de 67 et 72 % et, en restreignant l’analyse aux travaux dont le « design » élimine les biais, les chiffres de Se et Sp atteignent 50 et 90 %. Il s’agit en l’occurrence de populations « idéales », c’est-à-dire sans modifications de l’ECG de base, et dont le test d’effort est pratiqué après interruption du traitement médical. • Le taux de faux positifs est plus élevé en cas d’anomalies électriques, d’hypertrophie ventriculaire et les chiffres de Se et Sp sont plus faibles chez la femme. • Enfin, le test est non contributif lorsque 85 % de la fréquence maximale théorique n’est pas atteinte, en présence d’un handicap physique ne permettant pas le soutien de l’effort, ou lorsque les modifications électriques sont litigieuses, situations extrêmement fréquentes dans la pratique quotidienne, soulignant le caractère opérateur- (arrêt prématuré du test par le cardiologue trop pusillanime !) et « malade »dépendant de la technique. Dans cette situation où le test est considéré comme non contributif et hormis dans le sous-groupe à faible probabilité pré-test, le consensus d’experts recommande de recourir à un test d’imagerie, utilisant soit l’effort (échographie d’effort, scintigraphie de perfusion à l’effort) soit des tests de stimulation pharmacodynamiques (échographie dobutamine, scintigraphie persantine ou adénosine). Ces tests ont en commun, de présenter une meilleure sensibilité par rapport à l’épreuve d’effort et donc une réduction du nombre de faux négatifs et de conserver une valeur prédictive négative satisfaisante (tableau 2). Stratification du pronostic Ce n’est qu’au terme de ce bilan non invasif qu’une évaluation concomitante du pronostic

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