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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 27 mins

ARA II et antialdostérones : comment choisir ?

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Les IEC ont chronologiquement été la première classe thérapeutique à avoir démontré leur capacité à prolonger la survie dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée, quel que soit le stade NYHA des patients pris en charge. Ce bénéfice, mis en regard des échecs enregistrés avec les inotropes et les vasodilatateurs à améliorer le pronostic de l’insuffisance cardiaque, a progressivement entraîné la validation du concept du blocage des effecteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA). Ainsi, deux autres classes thérapeutiques agissant contre ce système ont été évaluées quant à leur bénéfice potentiel dans l’insuffisance cardiaque : les antagonistes des récepteurs à l’angiotensine II (ARA II) et les antagonistes des récepteurs à l’aldostérone (antialdostérones).

L'apport des différentes classes thérapeutiques agissant contre le SRAA et les critères de choix des molécules les constituant ne peuvent résulter que de la connaissance et de l’analyse de leurs essais d’évaluation. Le bénéfice et les modalités pratiques d’utilisation des IEC sont rapportés au chapitre précédent de cette intégrale. Principes des essais Une fois le bénéfice des IEC établi, plusieurs des molécules de cette classe sont devenues des traitements indispensables de l’insuffisance cardiaque. Cela a laissé aux autres classes thérapeutiques agissant contre le SRAA trois types de possibilités pour conduire une évaluation dans l’insuffisance cardiaque : • être évaluées contre placebo chez des patients intolérants aux IEC, permettant ainsi d’évaluer leur apport intrinsèque ; • être évaluées comparativement aux IEC, permettant d’évaluer leur apport respectif ; • être évaluées contre placebo et en association aux IEC, permettant d’évaluer leur apport complémentaire. Par ailleurs, en considérant le domaine de l’insuffisance cardiaque pris au sens large, les IEC ont été évalués dans l’insuffisance cardiaque chronique à tous ses stades mais aussi dans le post-infarctus du myocarde (post-IDM) précoce chez des patients ayant ou une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche et dans l’infarctus du myocarde (IDM) en phase aiguë. En prenant les situations cliniques potentielles et les types d’évaluation, il existait donc plusieurs possibilités de conduire des essais thérapeutiques et la plupart ont été exploitées permettant de juger des rapports bénéfice/risque de plusieurs stratégies de blocage du SRAA (tableau 1). Dans cet article seront abordés plus spécifiquement les études effectuées dans l’insuffisance cardiaque chronique. Le tableau 1 permet de constater que : • les antialdostérones n’ont été évalués qu’en association aux IEC et non comparativement aux IEC ou isolément. Leur apport n’est donc connu que chez les patients recevant déjà un IEC et, plus modestement, voire symboliquement, par des analyses en sous-groupe, chez les quelques patients n’ayant pas reçu d’IEC dans ces études (soit 5 % des patients dans l’étude RALES et 13 % dans l’étude EPHESUS). Par ailleurs, l’effet clinique et la tolérance d’une association d’un antialdostérone et d’un ARA II n’ont pas été spécifiquement évalués dans un essai comparatif ; • ni les ARA II, ni les antialdostérones n’ont été évalués dans l’IDM en phase aiguë. La raison possible est que le bénéfice des IEC est relativement modeste en valeur relative dans cette situation clinique (diminution de 7 % de la mortalité totale) et que ce bénéfice n’existe pas en cas d’hypotension artérielle (dans ce cas, la mortalité a même été augmentée dans l’essai CONSENSUS II). De ce fait, la probabilité de mettre en évidence un bénéfice avec l’une de ces classes est faible, ou nécessiterait un essai incluant un nombre important de patients intolérants ou ayant une contre-indication aux IEC pour une raison autre qu’une hypotension ; • le rapport bénéfice/risque de la triple association IEC-ARA II- antialdostérone n’a jamais été évalué comparativement à l’utilisation d’une seule ou de deux de ces classes thérapeutiques ; • deux situations cliniques ont été étudiées dans CHARM et VALIANT. Dans le cas de CHARM, le développement d’un ARA II, le candésartan, a été conçu selon un programme de trois études : l’une chez les patients intolérants aux IEC ( CHARM-Alternative), une autre chez les patients ayant déjà un IEC ( CHARM-Added), une troisième chez des patients ayant une insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection préservée ( CHARM-Preserved). Une analyse globale de ces trois études était par ailleurs prévue (étude CHARM-Overall) et une analyse conjointe des deux essais conduits chez les patients ayant une fraction d’éjection altérée ( CHARM-Alternative et CHARM-Added) a été publiée en 2004, les résultats des études princeps ayant été publiés en 2003. Dans le cas de VALIANT, il s’agit d’un même essai comportant trois branches : l’une constituée des patients recevant le traitement comparateur de référence (un IEC), une autre ne recevant pas ce traitement de référence, mais le traitement évalué, le valsartan, et une autre recevant le traitement de référence et le traitement évalué, ce qui permettait en un même essai d’évaluer deux questions différentes. Les ARA II Les ARA II sans les IEC Aborder l’apport des ARA II chez des patients ne recevant pas d’IEC revient à connaître la réponse à deux questions : • les ARA II apportent-ils un bénéfice spécifique et sont-ils bien tolérés chez les patients ne recevant pas d’IEC du fait d’une intolérance ? Ce qui revient à connaître leur effet intrinsèque et la possibilité de les utiliser comme alternative chez les patients intolérants aux IEC ; • les ARA II ont-il un rapport bénéfice/risque différent des IEC ? Ce qui revient à connaître leur place dans la stratégie par rapport aux IEC : faut-il les utiliser avant et à la place des IEC, ou uniquement comme alternative ? La question d’une association de ces deux classes est un autre enjeu. Effet bénéfique intrinsèque des ARA II Le bénéfice intrinsèque potentiel des ARA II dans l’insuffisance cardiaque a été spécifiquement évalué dans l’étude CHARM-Alternative, dont les résultats sont parus en 2003. Cet essai a été conduit chez 2 028 patients ayant une insuffisance cardiaque symptomatique et une FEVG ≤ 40 %. Le suivi moyen a été de 33,7 mois. En termes de bénéfice, les résultats de cette étude sont favorables puisqu’ils montrent qu’à une posologie cible de 32 mg/j, le candésartan permet de réduire significativement : • les décès cardiovasculaires et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (RR : 0,77 ; IC 95 % : 0,67-0,89 ; p = 0,0004) ; • les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (RR : 0,68 ; IC 95 % : 0,57-0,81 ; p 0,0001) ; • les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et les IDM (RR : 0,78 ; IC 95 % : 0,68-0,90 ; p = 0,0007) ; • les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les IDM et les AVC (RR : 0,80 ; IC 95 % : 0,69-0,91 ; p = 0,001) ; • les décès cardiovasculaires, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les IDM, les AVC et les procédures de revascularisation coronaire (RR : 0,81 ; IC 95 % : 0,71-0,92 ; p = 0,002). Il n’y a pas eu de modification significative de la mortalité totale et de la mortalité cardiovasculaire. Auparavant, en 2001, l’effet bénéfique intrinsèque des ARA II chez les patients ne recevant pas d’IEC avait été conforté par une analyse en sous-groupe de l’étude Val-HeFT. Cette analyse était très favorable puisqu’elle montrait une réduction de la mortalité totale de 30 % (p = 0,01) mais ne prenait en compte que 7 % des patients inclus (soit 366 parmi 5 010). En 2004 est parue une métaanalyse des essais d’ampleur et de suivis divers et ayant comparé des ARA II (chez 2 821 patients ayant totalisé 299 décès) au placebo (chez 1 802 patients ayant totalisé 319 décès) chez des patients ne recevant pas d’IEC, dont l’étude CHARM-Alternative. Dans ce travail, il a été mis en évidence une réduction juste significative de la mortalité totale sous ARA II (RR : 0,83 ; IC 95 % : 0,69-1,00 ; p = 0,05). Ces données rappellent les limites des analyses en sous-groupe : • dans un sous-groupe représentant 7 % des patients inclus dans un grand essai (étude Val-HeFT), il est mis en évidence une réduction importante (30 %) et significative (p = 0,01) de la mortalité totale ; • dans un essai spécifique et de grande ampleur (étude CHARM-Alternative), et bien que cet élément ne soit pas un critère primaire de l’étude, il n’est pas mis en évidence de diminution significative de la mortalité totale ; • dans une métaanalyse spécifique, il est mis en évidence une réduction modérée et à peine significative de la mortalité totale. Tolérance intrinsèque des ARA II La tolérance intrinsèque des ARA II dans l’insuffisance cardiaque a aussi été appréciée grâce à l’étude CHARM-Alternative. Dans cet essai, le taux d’arrêt du traitement n’a pas été significativement différent de celui du taux d’arrêt du placebo. Parmi les causes d’arrêt du traitement par candésartan et par rapport au placebo, il y a eu significativement plus d’hypotension (3,7 vs 0,9 %), plus d’élévation de la créatininémie (6,1 vs 2,7 %) et plus d’hyperkaliémie (1,9 vs 0,3 %). Les ARA II sans IEC en association aux autres traitements de l’IC L’effet des ARA II en association aux autres traitements de l’insuffisance cardiaque est aussi apprécié par l’étude CHARM-Alternative. Rappelons qu’avant cette étude, il existait un doute sur l’efficacité des ARA II chez des patients recevant des bêtabloquants. Ce doute avait été entretenu par une autre analyse en sous-groupe de l’étude Val-HeFT qui avait montré que, chez les 1 606 patients de l’étude (parmi 5 010, soit 32 %), recevant un bêtabloquant, il y avait une tendance à une augmentation de la mortalité totale lorsqu’était ajouté un ARA II (RR : 1,18 ; IC 95 % : 0,96-1,45). Les résultats de l’étude CHARM-Alternative auraient dû spécifiquement permettre d’approcher l’effet d’un ARA II et son profil de tolérance en association aux autres traitements de l’insuffisance cardiaque chez des insuffisants cardiaques ne recevant pas d’IEC. Dans cette étude, la moitié des patients recevait un bêtabloquant et un quart de la spironolactone. L’effet du candésartan chez ces patients n’a toutefois pas été précisé dans la publication des résultats de l’étude, mais l’analyse globale des trois études du programme CHARM n’a pas montré d’efficacité significativement différente chez les patients recevant ou non des bêtabloquants, et recevant ou non de la spironolactone. La tolérance globale de ces associations n’a pas été précisée. Pour la pratique : les ARA II sans les IEC Les données disponibles indiquent que les ARA II, tout du moins le candésartan à une posologie cible de 32 mg/j est une alternative à un

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