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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 19 mins

Bêtabloquants : il faut augmenter leur prescription

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Les bêtabloquants sont un traitement majeur et indispensable de l’insuffisance cardiaque associée à une fraction d’éjection < 40 %. Dans toutes les recommandations pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, tant en Amérique du Nord qu’en Europe, l’utilisation de cette classe pharmacologique est une recommandation de classe 1 et de niveau de preuve A. Les recommandations européennes de 2005 précisent que : « Les bêtabloquants sont recommandés chez tous les patients (classe II à IV NYHA) en insuffisance cardiaque stable légère, modérée ou sévère, ischémique ou non, avec diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche sous traitement standard, y compris par des diurétiques et des IEC, à moins qu’il n’existe une contre-indication (Classe de recommandation I, niveau de preuve A). »

Bénéfice global des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque Une histoire en 5 phases Le bénéfice des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque a été largement démontré par plusieurs essais cliniques et plusieurs métaanalyses. Il est en effet possible de distinguer 5 périodes dans l’histoire de l’utilisation des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque : - la première phase est celle où ils ont été strictement contre-indiqués dans l’insuffisance cardiaque, même en cas d’hypertension artérielle et d’angor (années 60) ; - la seconde phase est celle où, au milieu des années 1970, des chercheurs scandinaves indiquent, en s’appuyant sur quelques cas cliniques et des séries non contrôlées, que les bêtabloquants pourraient être bénéfiques chez les patients ayant une insuffisance cardiaque ; - la troisième phase va du milieu des années 1980 au milieu des années 1990, période où ont été conduits de nombreux essais contrôlés et randomisés, mais, de petite taille, de suivi court, évaluant des critères intermédiaires et utilisant parfois des posologies d’emblée élevées de bêtabloquant. Ces essais ont eu des résultats contrastés mais ont permis d’envisager l’existence d’un bénéfice et ont orienté la réflexion concernant le mode d’utilisation de ces molécules, notamment en termes de titration ; - la quatrième phase va du milieu des années 1990 au début des années 2000, et est caractérisée par les résultats d’essais cliniques pertinents et de puissance suffisante pour affirmer le bénéfice clinique net des bêtabloquants chez les insuffisants cardiaques à fraction d’éjection altérée ; - enfin, la dernière phase est celle de la période actuelle, caractérisée par la nécessité d’augmenter le taux de prescription des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque et ce, jusqu’aux posologies optimales. Une des conséquences paradoxales de cette histoire est qu’en termes d’AMM (autorisation de mise sur le marché), certains bêtabloquants, sous un nom commercial donné, ont une indication spécifique dans l’insuffisance cardiaque et, sous un autre nom commercial, ont une indication dans l’hypertension et/ou dans l’angor et une contre-indication dans l’insuffisance cardiaque, alors qu’il s’agit de la même molécule (cas du bisoprolol et du métoprolol). Un bénéfice affirmé À partir de la seconde moitié des années 1990, plusieurs essais thérapeutiques, randomisés et contrôlés, conduits en double aveugle contre placebo, et des métaanalyses de ces essais, ont permis de démontrer le bénéfice des bêtabloquants chez des patients ayant une insuffisance cardiaque de stade NYHA II à IV et une fraction d’éjection altérée, c'est-à-dire 40 %. Dans ces essais, tous les patients les tolérant, recevaient des IEC et, bien qu’un essai clinique récent, l’étude CIBIS III ( Cardiac Insufficiency Bisoprolol Study III), indique que les bêtabloquants pourraient être proposés avant les IEC, ce sont les IEC qui sont reconnus comme le traitement de première intention, les bêtabloquants leur étant secondairement ajoutés. Les essais cliniques pertinents ont montré que, dans l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée et de stade NYHA II à IV, les bêtabloquants : - réduisent en moyenne de 33 % à 1 an, le risque de décès toutes causes ; - réduisent en moyenne de 33 % à 1 an, le risque de décès de cause cardiovasculaire ; - réduisent la mortalité par progression de l’insuffisance cardiaque ; - réduisent la mortalité subite ; - réduisent de plus de 30 % le risque d’hospitalisation (de toutes causes, de causes cardiovasculaires et pour insuffisance cardiaque) ; - améliorent la classe fonctionnelle ; - ralentissent l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Autre paradoxe de l’histoire du traitement de l’insuffisance cardiaque, les bêtabloquants sont les seuls médicaments de l’insuffisance cardiaque qui améliorent de façon importante la FEVG chez des patients ayant une insuffisance cardiaque d’origine ischémique ou non. Mais cette amélioration de la fonction systolique n’est pas systématiquement associée à une amélioration de la capacité à l’effort. Principales questions posées Le bénéfice global des bêtabloquants, démontré dans plusieurs essais cliniques pertinents, a généré plusieurs questions relatives à leur potentiel d’utilisation dans la pratique quotidienne. Plusieurs questions seront abordées dans ce sous-chapitre mais il en est une qui ne connaît paradoxalement pas de réponse précise : quel est le bénéfice effectif des bêtabloquants à long terme dans l’insuffisance cardiaque ? En effet, les essais cliniques ayant établi le bénéfice des bêtabloquants ont, pour la plupart, eu un suivi moyen d’un an, ayant dû être arrêtés prématurément du fait d’un bénéfice significatif constaté sur la mortalité totale. Les raisons du bénéfice La première de ces questions est celle du mécanisme par lequel les bêtabloquants exercent leur effet bénéfique et notamment par lequel ils permettent une amélioration de la fonction cardiaque. Ce bénéfice est-il principalement la résultante de leur action sur le système sympathique ? Ou plus modestement est-il une conséquence du ralentissement de la fréquence cardiaque… ? Voire, ce bénéfice résulte-t-il d’un autre mécanisme ? Il existe plusieurs théories et de nombreuses inconnues dans ce domaine. Le modèle neuro-humoral de l’insuffisance cardiaque plaide pour un bénéfice en rapport avec un effet dirigé contre le système sympathique, les effets délétères de ce système sur la fonction cardiomyocytaire étant reconnus. Cependant, un essai conduit avec une molécule non bêtabloquante, la moxonidine dans l’étude MOXCON ( MOXonidine CONgestive Heart Failure trial), qui permet de diminuer les taux sanguins de noradrénaline, a mis en évidence une augmentation de mortalité précoce avec cette molécule et suggère certaines limites au modèle neuro-humoral. D’autres théories sont plus en faveur de l’effet bradycardisant. Ainsi, une métaanalyse parue fin 2007, conduite à partir d’essais effectués dans le postinfarctus du myocarde suggère qu’à toute réduction de 10 battements par minute est associée une réduction relative du risque de décès cardiaque de 30 %. L’évaluation en cours d’un bradycardisant pur (l’ivabradine, qui n’est pas un bêtabloquant) dans les études SHIFT, conduite dans l’insuffisance cardiaque chez 5 500 patients, et BEAUTIFUL, conduite dans la dysfonction ventriculaire gauche ischémique chez 9 650 patients, devraient nous indiquer prochainement le crédit à accorder à cette hypothèse. Enfin, parmi les diverses théories, il existe un modèle faisant des bêtabloquants des épargneurs énergétiques, ce qui permettrait une protection cardiaque spécifique. L’effet dans divers sous-groupes C’est une question classique et légitime que de savoir quel est l’effet d’un traitement chez divers types de patients lorsqu’un bénéfice global a été mis en évidence dans des essais cliniques. Aussi est-il souhaitable de connaître l’efficacité et la tolérance des bêtabloquants dans divers sous-groupes pour pouvoir les utiliser largement. L’état des connaissances, fruit d’analyses en sous-groupes et de métaanalyses conduites à partir des essais cliniques disponibles est que le bénéfice des bêtabloquants a été mis en évidence dans tous les sous-groupes de patients sélectionnés selon l’âge, le sexe, la classe fonctionnelle (entre II et IV), la valeur de la fraction d’éjection du ventricule gauche, et l’étiologie ischémique ou non de l’insuffisance cardiaque. Chez le sujet âgé > 70 ans, un essai clinique spécifique, l’étude SENIORS ( study of the effects of nebivolol intervention on outcomes and rehospitalization in seniors with heart failure), a montré un bénéfice clinique, en termes de réduction du critère combiné « hospitalisation pour insuffisance cardiaque et mortalité totale », sans bénéfice significatif sur la mortalité totale, mais il a été admis que l’étude manquait de puissance pour évaluer pertinemment ce critère. Quoiqu’il en soit, chez ces patients > 70 ans, le bêtabloquant évalué, le nébivolol, a été correctement toléré à une posologie correspondant au double de celle préconisée dans l’hypertension artérielle et a permis une amélioration significative du pronostic. Enfin, il est possible qu’au-delà de catégories de patients considérés de façon large, le bénéfice des bêtabloquants à l’échelle individuelle ne soit pas équivalent pour chaque patient. Plusieurs études indiquent, en effet, que le polymorphisme génétique du récepteur adrénergique bêta 1 pourrait influer sur l’effet des bêtabloquants. Ainsi, dans une analyse complémentaire de l’étude BEST ( Beta-blocker Evaluation of Survival Trial), il a été montré que les patients arg289 homozygotes avaient une survie augmentée lorsqu’ils recevaient un bêtabloquant alors que cette même molécule n’avait pas d’effet sur la survie des patients gly289 homozygotes. Parmi les sous-groupes dans lesquels l’effet des bêtabloquants n’est pas connu figurent les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique, ceux ayant une insuffisance cardiaque décompensée et ceux ayant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Concernant ce dernier sous-groupe, les données apportées par l’étude SENIORS sont trop faibles pour établir qu’il existe un bénéfice chez ce type de patients pour deux raisons : la taille de la population ayant une fraction d’éjection préservée dans cette étude a été faible et, surtout, le critère indiquant une préservation de la fraction d’éjection était une valeur > 35 %. Enfin, les questions relatives à l’effet classe, à la posologie nécessaire et à l’effet dans le postinfarctus précoce fera l’objet des deux sous-chapitres suivants. Probablement pas d’effet classe Parmi les essais cliniques pertinents, deux ont indiqué qu’il n’y a potentiellement pas d’effet classe des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque. Un premier essai, l’étude BEST, a évalué le bucindolol. Un second essai, l’étude COMET, a comparé deux bêtabloquants différents (le tartrate de

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