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Publié le  Lecture 18 mins

Conséquences de l'atteinte vasculaire silencieuse de l'hypertendu

P. BOUTOUYRIE, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Le remodelage vasculaire correspond à toute modification de structure et de fonction artérielle au cours de processus physiologiques et pathologiques. Les modifications adaptatives sur le court terme peuvent entraîner des répercussions pathologiques à long terme. Au cours de l’hypertension artérielle, les conséquences sont différentes selon que l’on s’intéresse aux petites artères de résistance ou aux artères de conduction. Dans cet article, nous nous attacherons à montrer en quoi les propriétés de grosses et des petites artères s’intègrent comme un élément clef dans la physiopathologie des complications à long terme de l’hypertension et des maladies cardio-vasculaires.

Qu’est-ce que le « remodelage » ? Le système artériel est, par définition, un acteur essentiel et primordial dans la pathogenèse des complications infracliniques et cliniques de l’hypertension. Le terme remodelage recouvre une réalité complexe. Au sens premier, remodelage avait un sens très restrictif, correspondant à la réorganisation d’une même quantité du tissu artériel autour d’un diamètre différent. Aujourd’hui, le sens est beaucoup plus large et désigne tout phénomène survenant au niveau de la paroi artérielle (de l’artériole aux artères de gros calibre), englobant toutes les modifications structurales et fonctionnelles des artères, observées au cours de processus pathologiques ou physiologiques. Le remodelage artériel implique au moins quatre processus cellulaires : croissance, migration cellulaire, production ou dégradation de la matrice extracellulaire, apoptose (mort programmée). Ces processus dépendent d’interactions dynamiques entre facteurs de croissance produits localement, substances vasoactives et stimulus hémodynamiques. Ce type de remodelage peut ainsi s’observer sur tous les sites vasculaires, qu’il s’agisse d’artérioles ou de gros troncs artériels, et non seulement au cours de l’hypertension mais aussi de l’insuffisance cardiaque, de l’athérosclérose et de la resténose après angioplastie. Plus spécifiquement, au cours de l’hypertension, le remodelage consiste en un épaississement de la paroi artérielle (de l’intima-média, c’est-à-dire les couches interne et moyenne de la paroi), que l’on suppose adaptatif et destiné à maintenir constante la contrainte pariétale. Le concept de remodelage artériel permet d’aborder, au plan physiopathologique, le problème du retentissement fonctionnel et structural de l’hypertension sur le système artériel. Les propriétés fonctionnelles doivent être envisagées en fonction du calibre de l’artère : • fonction de conduction du sang ; • fonction d’amortissement de la pulsatilité artérielle pour les artères de gros calibre ; • fonction de distribution du débit sanguin et de résistance à l’écoulement pour les petites artères et artérioles. Les propriétés structurales sont définies par la trophicité (hypertrophie, eutrophie ou hypotrophie), le caractère excentrique ou concentrique (figure 1). Gibbons, Dzau, NEMS 1994 Figure 1. Différents types de remodelage artériel, observés en pathologie. Le vaisseau A représente le remodelage hypertrophique, tel qu’il peut être observé dans l’hypertension artérielle ; B représente le remodelage eutrophique (impliquant une réduction structurale de la lumière artérielle) ; C (hypotrophique) et D (hypertrophique excentrique) représentent l’adaptation à une diminution ou une augmentation du flux artériel chronique ; E et F représentent les remodelages de l’athérosclérose, E : hyperplasie intimale (resténose postangioplastie), F : athérosclérose avérée. Remodelage artériel au cours de l’hypertension Artères de conduction et de compliance Elles présentent une structure concentrique comprenant l’intima, la média et l’adventice. La média (couche moyenne) est la plus impliquée dans les phénomènes de remodelage de l’hypertension. La média des artères élastiques présente une apposition concentrique de lames élastiques circulaires. Entre chacune d’elles se trouvent des cellules musculaires lisses, des fibres de collagène, des microfibrilles d’élastine et des glycosaminoglycanes de la substance fondamentale. L’ensemble constitue les « unités lamellaires ». La contrainte circonférentielle, calculée selon l’équation de Lamé (sq = R/h, où P = pression, R = rayon et h = épaisseur ; équation dérivée de la loi de Laplace : tension = P.R), supportée par chaque unité lamellaire est relativement constante d’une artère à l’autre (figure 2). Figure 2. Organisation tridimensionnelle de la paroi artérielle (EL : élastine, Coll : collagène, SMC : cellules musculaires lisses, D : desmosomes, Ox : fibres oxytalans) L’hypertension entraîne une augmentation de l’épaisseur de la média (h) qui permet de maintenir constante la contrainte circonférentielle malgré l’augmentation de la pression intraluminale. Au cours de l’hypertension, le nombre d’unités lamellaires reste fixe et l’augmentation de l’épaisseur pariétale est obtenue grâce aux modifications des cellules musculaires lisses et de la matrice extracellulaire. Les effets de l’hypertension diffèrent selon les territoires artériels. Les grosses artères élastiques (comme la carotide primitive) présentent une hypertrophie excentrique, alors que celles des territoires musculaires (comme l’artère radiale) sont l’objet d’un remodelage « eutrophique interne », c’est-à-dire que le calibre de l’artère est réduit, avec augmentation de l’épaisseur pariétale, mais sans augmentation de la surface de section pariétale. Chez l’homme, le développement récent des techniques d’échotracking de haute résolution et la mesure automatique de la vélocité de l’onde de pouls permettent des mesures non invasives du diamètre de l’épaisseur du complexe intima-média (l’intima et la média sont impossibles à distinguer sur le plan échographique) et de la rigidité artérielle sur de grandes séries de patients. Cela a permis de définir les caractéristiques géométriques des artères de gros et moyen calibres dans de multiples conditions physiologiques et pathologiques. L’âge et la pression artérielle sont les deux principaux déterminants du remodelage artériel. Ainsi, à âge égal, le diamètre interne de l’artère carotide commune et celui de l’aorte thoracique et abdominale sont plus grands chez le sujet atteint d’hypertension essentielle permanente que chez le sujet normotendu, tandis que celui d’artères plus musculaires et distales, comme les artères fémorale commune, humérale et radiale, reste inchangé. Nous avons mis en évidence le rôle majeur des contraintes pulsatiles dans l’épaississement de l’artère carotide primitive. En effet, la pression pulsée locale est le plus puissant déterminant de l’épaisseur intima-média. L’épaisseur de l’intima-média est accrue chez l’hypertendu, comparativement au normotendu de même âge, tendant à normaliser la contrainte circonférentielle (cf. supra). Il est cependant à noter que la normalisation de la contrainte est totale pour les artères de petit calibre, comme l’artère radiale, mais qu’elle reste incomplète pour les artères élastiques de gros calibre comme l’artère carotide. Artères résistives de petit calibre Les artères résistives sont définies par leur diamètre interne : 500 µm. La comparaison des divers modèles d’hypertension permet de conclure que l’hyperplasie (augmentation du nombre des cellules musculaires lisses) prédomine lorsque la masse vasculaire est augmentée, tandis que ni hypertrophie ni hyperplasie ne sont observées lors du remodelage, qui ne constitue qu’un réarrangement d’une même quantité de tissu autour d’une lumière plus petite. Chez l’homme, les modifications géométriques des artérioles du tissu sous-cutané peuvent s’étudier au travers de vaisseaux isolés de biopsie de graisse sous-cutanée de la fesse. Chez l’hypertendu, un remodelage pur est observé (réduction de la lumière artérielle sans augmentation de la section pariétale). L’étude ultrastructurale montre qu’il n’y a ni hypertrophie ni hyperplasie cellulaire, mais réorganisation d’une même quantité de matériau autour d’une plus petite lumière. Raréfaction capillaire L’autre hypothèse avancée pour expliquer l’augmentation chronique, fixée des résistances périphériques dans l’hypertension artérielle, est la raréfaction artériolaire et capillaire. L’observation princeps a été réalisée sur des modèles animaux hypertendus, soit génétiques, soit secondaires. Elle implique à la fois une moindre densité artériolocapillaire et une disparition de réseaux existants. Les phénomènes d’apoptose sont au premier plan de la physiopathologie de la raréfaction vasculaire. Les conséquences sont multiples : augmentation fixée des résistances, rapport perfusion/masse tissulaire défavorable, source d’ischémie, augmentation des ondes de réflexion. Chez l’homme hypertendu, de tels phénomènes existent, avec un niveau de preuve moindre que chez l’animal, mais ont pu être démontrés au niveau de la vascularisation digitale et du tissu sous cutané graisseux. Plus récemment, l’existence d’une raréfaction capillaire chez les descendants d’hypertendus essentiel montre qu’il s’agit d’un mécanisme précoce. S’ajoute à cette raréfaction du lit artériolaire, une modification de la géométrie des bifurcations, dont l’angle tend à augmenter, ce qui génère une augmentation des ondes de réflexion. Conséquences fonctionnelles du remodelage artériel au cours de l’hypertension Grosses artères Au cours de l’hypertension essentielle, les deux conséquences fonctionnelles majeures du remodelage artériel sont à court et moyen termes : la préservation des propriétés élastiques de la paroi artérielle, à long terme, la potentialisation de l’athérosclérose et l’augmentation de la morbi-mortalité cardio-vasculaire. Préservation des propriétés élastiques de la paroi artérielle. Les propriétés élastiques des gros troncs artériels jouent un rôle fondamental dans le couplage des activités du cœur et des vaisseaux et l’altération des artères de conduction conditionne l’atteinte des organes cibles : cœur, cerveau, œil et rein. Au cours de l’hypertension, l’augmentation de la rigidité des gros troncs artériels contribue à l’augmentation de la pression pulsée. Cette hyperpulsatilité est un facteur de développement de l’hypertrophie ventriculaire gauche et de l’augmentation de l’épaisseur intima-média des artères de gros calibre et artérioles. Un véritable cercle vicieux est ainsi réalisé. Le remodelage des petites artères de résistance contribue à l’augmentation des résistances périphériques, et donc de la pression artérielle moyenne. En retour, la rigidité artérielle augmente au prorata de l’augmentation de pression, et contribue à l’augmentation de la pression pulsée centrale, facteur

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