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Thérapeutique

Publié le  Lecture 15 mins

Demain : les greffes cellulaires

P. MENASCHÉ, département de chirurgie cardiovasculaire, HEGP, Paris

Six ans après le début des études cliniques de transplantation cellulaire dans le cœur, il est possible de faire un premier bilan et de tirer les enseignements qui ouvrent autant de perspectives pour l’amélioration de cette nouvelle approche thérapeutique.

Bilan des essais cliniques Il convient d’abord de bien distinguer les trois indications cliniques de la thérapie cellulaire en cardiologie car chacune pose des problèmes spécifiques et ne relève pas nécessairement du même type cellulaire. Chronologiquement, les premières greffes de cellules ont été faites dans le contexte de l’insuffisance cardiaque chronique. L’insuffisance cardiaque Myoblastes La plupart des essais ont utilisé des myoblastes squelettiques autologues expandus en culture puis réinjectés dans la cicatrice d’infarctus et à sa périphérie au cours de pontages aortocoronaires. À ce jour, 4 essais chirurgicaux totalisant 56 patients ont été publiés. Leurs résultats établissent la faisabilité de la technique et, globalement, sa tolérance sous réserve d’un risque de troubles du rythme ventriculaire, dont il est encore difficile d’affirmer qu’il est spécifiquement lié à la greffe des myoblastes compte tenu de la fréquence des arythmies dans l’insuffisance cardiaque. Parallèlement, trois essais ont comporté une administration de myoblastes par cathéter soit endoventriculaire gauche, soit par la voie du sinus coronaire (et dans ces situations, sans revascularisation associée). Les principales conclusions que l’on peut en tirer se résument à une démonstration de la faisabilité technique de ces procédures. En revanche, la petite taille de ces études, chirurgicales ou non, l’absence de groupes témoins et le caractère confondant des revascularisations habituellement associées, rendent impossible toute conclusion pertinente quant à l’efficacité fonctionnelle de ces transplantations de myoblastes. C’est la raison pour laquelle a été entreprise une étude multicentrique, randomisée, contrôlée en double aveugle (MAGIC [ Myoblast Autologous Grafting in Ischemic cardiomyopathy]) qui a inclus 97 patients traités. Les résultats, communiqués à l’AHA devraient permettre une appréciation plus rigoureuse du bénéfice fonctionnel éventuel ainsi que du risque d’arythmies ventriculaires (cf le prochain numéro de Cardiologie Pratique). En effet, un défibrillateur automatique a été implanté chez tous les patients et la comparaison des tracés électrocardiographiques fournira une comparaison objective du risque rythmique entre les patients greffés et ceux assignés au groupe placebo. Cellules de moelle Enfin, dans le cadre de l’insuffisance cardiaque, deux études randomisées utilisant des cellules de la moelle ont été rapportées. Dans l’une d’entre elles, l’administration des cellules s’est faite au cours de pontages coronaires, selon un protocole très proche de celui de l’essai MAGIC (la différence principale étant le type de cellules utilisées) ; cet essai est négatif. La deuxième étude a comporté une administration intracoronaire des cellules médullaires selon un schéma méthodologique de type « cross-over » assez compliqué, mais le résultat est positif. Cette dernière étude provient de l’équipe allemande de Zeiher qui est la seule à ce jour à avoir observé des effets très positifs de ces injections intracoronaires de cellules médullaires qu’il s’agisse, comme on vient de le voir, d’une ischémie cardiaque chronique ou de l’infarctus du myocarde. L’infarctus aigu La deuxième indication majeure de la thérapie cellulaire est l’infarctus du myocarde au stade aigu. Dans ce cas, seules des cellules autologues de la moelle sanguine ont été utilisées. Les protocoles, bien standardisés, peuvent se résumer ainsi : • les patients ont dans un premier temps été revascularisés de façon conventionnelle par une angioplastie complétée par la mise en place d’une endoprothèse coronaire ; • puis une biopsie de la crête iliaque a été pratiquée et les cellules mononuclées de la moelle ont été réinjectées dans l’artère précédemment réouverte dans des délais variables mais qui varient habituellement entre 3 et 8 jours après l’infarctus. Toutes les études de phase I ont initialement rapporté des résultats très positifs en termes d’amélioration de la fonction ventriculaire, de la perfusion myocardique et de la viabilité métabolique ; cet enthousiasme a été quelque peu nuancé par les résultats des premières études randomisées et contrôlées. À ce jour, quatre d’entre elles ont été rapportées qui totalisent 426 patients. Sur la base du critère principal de jugement (amélioration de la fraction d’éjection du ventricule gauche), trois d’entre elles sont négatives. Le seul essai positif, que l’on doit à l’équipe de Zeiher à Francfort, rapporte une amélioration de la fraction d’éjection de 2,5 % comparativement au groupe placebo. Plus récemment, la même équipe a publié ses résultats à un an qui indiquent un effet favorable sur des critères purement cliniques (mortalité, insuffisance cardiaque, récidive d’infarctus et nécessité de revascularisation). Les raisons de la discordance entre les observations de l’équipe de Francfort et celles rapportées par ailleurs dans la littérature, ne sont pas clairement élucidées et plusieurs facteurs interviennent sans doute, notamment : • les caractéristiques initiales des patients, • le moment de l’injection des cellules médullaires (le bénéfice paraît surtout net lorsqu’elle est différée au delà du 5e jour après l’infarctus), • le mode de préparation des cellules et la puissance de l’analyse statistique. Il semble, en revanche, que le nombre absolu de cellules injectées n’ait pas un rôle déterminant et que le résultat dépende davantage de leur fonctionnalité. Enfin, chacun s’accorde à reconnaître que la tolérance de ces injections intracoronaires de cellules médullaires paraît excellente, tant à court qu’à moyen terme. Il appartient désormais aux études randomisées et contrôlées, en cours ou à venir, de conforter ou non les résultats encourageants publiés par Zeiher et ses collaborateurs. En marge de ces injections de moelle non fractionnées, deux autres approches ont été testées, toujours dans le cadre de l’infarctus du myocarde : • l’une a consisté à mobiliser les cellules souches médullaires par l’administration de G-CSF selon des protocoles très proches de ceux utilisés en hématologie. Les résultats sont à ce jour décevants puisque, sur trois essais randomisés, deux sont négatifs sur le critère principal de jugement (amélioration de la fonction ventriculaire gauche) ; • la seconde approche a testé l’administration intracoronaire directe de populations sélectionnées (cellules souches mésenchymateuses ou progéniteurs hématopoïétiques CD133). Dans le premier cas, il n’existe qu’une seule étude clinique chinoise, randomisée et contrôlée, qui a rapporté des résultats positifs mais soulève un certain scepticisme : • ces résultats n’ont à ce jour pas été reproduits ; • la taille même des cellules souches mésenchymateuses peut faire légitimement craindre des phénomènes d’obstruction microvasculaire, comme cela a été rapporté chez l’animal. Pour cette raison, une équipe américaine vient de conclure une étude qui a comporté l’administration de cellules souches mésenchymateuses mais par voie intraveineuse périphérique. L’originalité de cet essai est que les cellules sont allogéniques, le postulat étant qu’elles ont un privilège immunologique qui leur éviterait d’être rejetées. On attend avec intérêt les résultats de cette étude même s’il est peu probable, compte tenu du filtre pulmonaire, que beaucoup de ces cellules administrées par voie périphérique aient pu atteindre les zones infarcies du myocarde qu’elles étaient supposées régénérer. Dans le cas de l’utilisation des progéniteurs CD133, l’amélioration fonctionnelle rapportée a contrasté avec une accélération des lésions coronaires au site d’implantation de l’endoprothèse et plus en aval, conduisant l’équipe cardiologique à stopper prématurément les inclusions. On sait que ces cellules ont un très fort pouvoir angiogénique et il n’est pas impossible que la relation complexe qui existe entre angiogenèse et athérogenèse puisse expliquer ces effets indésirables, dont les mécanismes sont actuellement en cours d’investigation. L’angor réfractaire Enfin, la troisième et dernière indication, à ce jour plus marginale, est l’angor réfractaire. Une seule étude randomisée (PROTECT-CAD [ Therapeutic Angiogenesis in Coronary Artery Diseases]) a été rapportée lors des sessions 2006 de l’ACC. Elle a inclus 28 patients présentant un angor rebelle et chez lesquels des cellules mononuclées de la moelle ont été injectées par voie endoventriculaire gauche, sous contrôle d’une cartographie électromagnétique. Cette étude est positive sur la base du critère principal de jugement (épreuve d’effort), dont on peut discuter la robustesse, mais surtout de façon assez surprenante, elle a essentiellement analysé les variations de la tolérance à l’effort au sein de chaque groupe sans comparer directement ces deux groupes l’un à l’autre. Les conclusions doivent donc en être interprétées avec prudence. Un autre essai utilisant la même voie d’injection endoventriculaire gauche mais une population cellulaire différente (progéniteurs hématopoïétiques CD34+) est actuellement en cours aux États-Unis chez des patients angineux. De cette analyse de la littérature, ressort un bilan mitigé d’où n’émergent que deux études franchement positives (qui, au demeurant, viennent de la même équipe). Cette constatation n’a rien de surprenant pour un traitement qui n’en est qu’à ses débuts et ne découragera que ceux qui avaient d’emblée placé dans la thérapie cellulaire des espoirs irréalistes. En réalité, cette première vague de travaux cliniques a été riche d’enseignements, non seulement pour orienter les études futures mais également pour dégager des pistes de recherche dont chacune offre de véritables perspectives d’amélioration de la technique. Perspectives des greffes cellulaires Trois problèmes majeurs ont en fait été identifiés et, si nous parvenons à les résoudre, on peut gager que les greffes cellulaires pourraient représenter un véritable progrès thérapeutique. La rétention intracardiaque des cellules Que les

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