



Publié le
Lecture 12 mins
ESC - Des résultats pour de nouvelles questions
P. DE GROOTE, CHRU Lille

Si les résultats des grandes études dans l’insuffisance cardiaque présentés au dernier congrès de l’ESC n’apportent pas de nouvelles fracassantes, ils vont permettre de parfaire nos connaissances. Elles révèlent en outre la complexité croissante des essais réalisés dans cette population.
Étude TIME-CHF TIME-CHF est une nouvelle étude de prise en charge thérapeutique chez l’insuffisant cardiaque guidée par le taux de peptide natriurétique de type B. Les patients devaient avoir plus de 60 ans, avec une hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans l’année, une FEVG ≤ 45 % et un taux de NT-pro-BNP > 400 ou > 800 pg/ml chez les patients de plus de 75 ans. Les patients ayant une insuffisance rénale (créatininémie > 220 mmol/l) et une obésité (index de masse corporelle > 35) étaient exclus. Le but de l’étude est d’optimiser le traitement de l’insuffisance cardiaque soit par une prise en charge classique, soit par une prise en charge guidée par le taux de NT-pro-BNP. Dans ce groupe, le but était de faire baisser le taux de NT-pro-BNP sous la valeur de 400 pg/ml chez les patients de moins de 75 ans et en dessous de 800 pg/ml chez les patients de plus de 75 ans et être en classe II de la NYHA. L’objectif principal évalue la survie libre de toute hospitalisation. La moyenne d’âge des 499 patients de l’étude est de 76 ans, 58 % ont une cardiopathie ischémique et la FEVG est de 30 ± 8 %. L’augmentation de la thérapeutique en termes de molécules et de doses a été similaire dans les deux bras. On constate une variation non significative de 8 % de l’objectif principal dans le bras NT-pro-BNP comparativement à la prise en charge classique (RR = 0,92 [0,73-1,15]). La différence de mortalité est à la limite de la significativité avec une baisse de 32 % (RR= 0,68 [0,73-1,15]). En revanche, on constate une baisse significative de 44 % du critère combiné « mortalité et hospitalisation pour insuffisance cardiaque » (RR = 0,66 [0,49-0,9], p = 0,008) dans le groupe guidé par le NT-pro-BNP comparativement à la prise en charge classique. Il existe une interaction significative avec l’âge, avec une baisse significative du critère principal chez les patients de moins de 75 ans, et pas d’effet chez les patients de plus de 75 ans. Il existe peut-être même une dégradation fonctionnelle chez les insuffisants cardiaques âgés avec peu ou pas d’effet sur la qualité de vie lorsqu’on tente à tout prix de faire baisser le taux de NT-pro-BNP. Bien évidemment, les patients de plus de 75 ans avaient davantage de comorbidités, les caractéristiques cliniques étaient différentes, ainsi que les thérapeutiques. Ces différences expliquent en partie la réponse différente de ces deux sous-groupes. En France, l’étude STARS-BNP (J Am Coll Cardiol 2007, 49 : 1733), du groupe Cardiomyopathies et insuffisance cardiaque de la Société française de cardiologie, coordonnée par Jourdain, a déjà démontré l’utilité de l’adaptation thérapeutique guidée par le BNP. Mais il s’agissait d’une population plus jeune avec une moyenne d’âge de 65 ± 5 ans, se rapprochant de la population jeune de l’étude TIME-CHF. En pratique L’étude TIME-CHF démontre surtout la complexité des études chez les patients de plus de 75 ans, porteurs de nombreuses comorbidités qui modifient de manière significative l’évolution de la pathologie et de la réponse thérapeutique. Il semble important dans cette population de définir de nouveaux critères d’efficacité thérapeutique, la mortalité toute cause semblant être un événement difficile à contrôler. Étude GISSI-HF Le contexte Depuis la publication des résultats de l’étude CORONA (N Engl J Med 2007 ; 357 : 2248), ceux de l’étude GISSI-HF étaient particulièrement attendus. Nous rappelons que l’étude CORONA a évalué l’effet d’une statine, la rosuvastatine à 10 mg/j, chez 5 011 patients de plus de 60 ans, porteurs d’une insuffisance cardiaque systolique secondaire à une cardiopathie ischémique. La rosuvastatine a diminué significativement le LDL-cholestérol (de 1,37 mg/l à 0,73 mg/l) mais n’a pas modifié l’évolution des patients. En effet, on constate une diminution non significative de 8 % de l’objectif principal (mortalité cardiovasculaire, infarctus et accident vasculaire cérébral). Chez ces insuffisants cardiaques chroniques stables, les événements coronariens sont rares, même si la totalité de la population a une cardiopathie ischémique. En revanche, les patients sous rosuvastatine sont moins souvent hospitalisés en cardiologie avec une réduction significative des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Manifestement, les statines, efficaces sur le profil lipidique, n’arrivent plus à modifier l’histoire athéromateuse de ces patients, dont la manifestation principale reste l’insuffisance cardiaque. Cependant, devant l’effet significatif de la rosuvastatine sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque et les résultats positifs des analyses en sous-groupes des précédentes études, nous pouvions espérer des résultats intéressants de l’étude GISSI-HF. Cette étude multicentrique italienne, en double aveugle contre placebo a testé selon une double randomisation, acides gras polyinsaturés (1 g/j) et rosuvastatine (10 mg/j). Les critères d’inclusion étaient simples : patients présentant une insuffisance cardiaque, en classe II à IV de la NYHA, systolique ou non systolique (une hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans l’année est requise pour les patients avec une FEVG > 40 %), liée à une cardiopathie ischémique ou non ischémique. Le nombre de patients dans les deux groupes (statines ou oméga-3) est différent car la prise en ouvert d’une des deux classes thérapeutiques exclut le patient pour le bras correspondant. L’objectif principal est double : réduction de la mortalité totale et réduction au critère combiné mortalité totale-hospitalisations cardiovasculaires. Effet de la rosuvastatine chez l’insuffisant cardiaque Dans l’étude rosuvastatine, 4 574 patients ont été suivis pendant 3,9 ans. La moyenne d’âge est de 68 ans, 40 % ont une cardiopathie ischémique, la majorité a une dysfonction systolique (90 %), 37 % sont en classe III-IV. Sur le plan thérapeutique, les patients sont relativement bien traités avec 94 % de patients sous inhibiteurs du système rénine-angiotensine, 40 % sous inhibiteurs de l’aldostérone, mais 62 % seulement prenant des bêtabloquants. La rosuvastatine réduit le LDL-cholestérol de 32 % à un an. La rosuvastatine ne modifie pas la mortalité totale (HR = 1,03 [0,92–1,15], p = 0.66), ni le taux du critère combiné « mortalité totale et hospitalisation cardio-vasculaire » (HR = 1,02 [0,92–1,13], p = 0,59). Les résultats sont concordants dans tous les sous-groupes étudiés. La rosuvastatine ne diminue pas la mortalité cardiovasculaire, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, ni les infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux. La majorité des décès est liée à la progression de l’insuffisance cardiaque (33 %) et aux morts subites (29 %) alors que la mortalité par cancer atteint 12 % avec 10 % supplémentaires de décès d’origine extra-cardiaque. Seuls 2 % des décès sont liés à des infarctus du myocarde. Pourquoi les statines sont-elles sans effet dans cette population ? L’insuffisance cardiaque est-elle trop évoluée ? Manifestement non. Certes, les patients sont âgés mais la cholestérolémie de base n’est pas effondrée, comme on peut le voir chez les patients en insuffisance cardiaque terminale. De plus, la mortalité annuelle n’est pas particulièrement élevée. Dans CARE-HF, la mortalité annuelle du groupe non resynchronisé était de 12,6 % dans une population plus jeune (66 ans) mais avec une dysfonction VG plus importante (FEVG à 25 %) et en classe III-IV de la NYHA. Dans l’étude CORONA, la mortalité annuelle du groupe placebo était de 12,3 %, et dans l’étude GISSI-HF elle est de l’ordre de 9,2 %. La dose de rosuvastatine semble adéquate car le LDL sous traitement atteint des valeurs proches de 0,75 g/l, comme dans les études TNT ou PROVE-IT, qui avaient retrouvé un effet favorable des statines chez les patients en insuffisance cardiaque symptomatique. Il est cependant possible que la valeur cible de LDL chez l’insuffisant cardiaque soit plus basse. Ces deux études (CORONA et GISSI-HF) nous ont surtout appris que les événements secondaires à l’athérosclérose sont rares chez les insuffisants cardiaques chroniques. Dans GISSI-HF, seuls 2 % des patients ont un décès secondaire à un infarctus du myocarde. Par ailleurs, les effets dits pléiotropes des statines, qui semblent exister dans les études expérimentales, ont finalement peu d’impact sur l’évolution de la maladie. Enfin, résultat favorable, la rosuvastatine est bien tolérée chez ces insuffisants cardiaques stables mais sévères. En pratique La prescription de statines chez des patients non athéromateux avec une insuffisance cardiaque systolique est inutile. Chez le patient insuffisant cardiaque coronarien ou à risque vasculaire ne prenant pas de statines, stable sur le plan athéromateux, il est inutile de débuter un traitement par statines. Mais attention, ces deux études ont randomisé des patients ne prenant pas de statines et il ne s’agit pas d’études de retrait. En toute logique, il n’est pas conseillé d’arrêter une statine prescrite à un patient avant l’apparition d’une insuffisance cardiaque, surtout s’il s’agit d’un patient athéromateux. Effet des acides gras polyinsaturés chez l’insuffisant cardiaque L’autre bras thérapeutique de l’étude GISSI-HF a évalué l’impact des acides gras polyinsaturés (AGPI) dans une population un peu plus importante (6 975 patients). En fin d’étude, la mortalité des patients prenant des AGPI est plus basse que dans le groupe placebo (27 % vs 29 %). Cependant cette baisse de 7 % de la mortalité n’est pas significative (HR = 0,93 [0,85–1,02), p = 0,12). Il en est de même du critère combiné, mortalité totale et hospitalisation cardiovasculaire qui est diminué de 6 % par les AGPI (HR = 0,94 [0,87–1,02], p = 0,059). Un artifice statistique permet de transformer ces résultats non significatifs en résultats à la limite de la significativité. En effet, après un ajustement à trois caractéristiques cliniques différentes entre les deux groupes à l’inclusion, les AGPI diminuent de 9 % la mortalité totale (avec
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :
Articles sur le même thème
Pagination
- Page 1
- Page suivante