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Risque

Publié le  Lecture 14 mins

Effets des oestrogènes endogènes et exogènes sur les vaisseaux et les facteurs de risque cardiovasculaire

P. GOURDY, J.-F. ARNAL, CHU de Toulouse-Rangueil


Le Printemps de la cardiologie
Les mécanismes responsables des effets des estrogènes et du traitement hormonal de la ménopause (THM) sur la paroi vasculaire restent très incertains. L’existence d’une influence bénéfique sur les métabolismes lipidique et glucidique est clairement identifiée et pourrait contribuer à l’effet protecteur des estrogènes endogènes. En revanche, l’administration d’estrogènes par voie orale favorise la production hépatique de facteurs pro-thrombotiques et de marqueurs inflammatoires sériques dont la CRP (C reactive protein). Cependant, l’effet du THM sur ces facteurs de risque ne permet pas d’expliquer le surcroît de risque vasculaire rapporté dans les études HERS et WHI. Au cours des dernières années, différentes approches expérimentales ont permis de préciser les multiples effets des estrogènes sur les différents constituants cellulaires de la paroi vasculaire. Ainsi, l’effet protecteur de l’estradiol sur les stades précoces du processus athéromateux pourrait s’expliquer par un effet endothélial prédominant, limitant le recrutement et/ou l’activation des cellules du système immuno-inflammatoire. En revanche, l’administration d’estrogènes in vivo est responsable d’un effet pro-inflammatoire qui, s’il se manifeste au sein des plaques d’athérosclérose constituées, pourrait s’avérer délétère en favorisant les phénomènes de rupture de plaque.

L'amélioration des facteurs classiques de risque cardiovasculaire par les estrogènes endogènes et le THM a été initialement retenue pour expliquer l’effet vasculoprotecteur suggéré par les études épidémiologiques et d’observation. Un tiers environ de la moindre incidence des pathologies cardiovasculaires avant la ménopause pourrait être expliqué par l’effet bénéfique des estrogènes endogènes sur le profil lipidique. Plus récemment, le sur-risque vasculaire lié à l’utilisation du THM, rapporté dans les études d’intervention HERS et WHI, a également été analysé à la lumière de ces facteurs de risque. L’augmentation du nombre d’accidents cardiovasculaires s’est produite alors que le profil lipidique des participantes était globalement amélioré par le THM, mais contre-balancé par la modulation péjorative de plusieurs facteurs de la coagulation (majorant a priori le risque thromboembolique) et l’augmentation des taux de CRP. Cependant, les modifications de ces marqueurs sériques ne permettent pas d’expliquer l’effet cardiovasculaire délétère du THM retrouvé dans ces études d’intervention. Ces observations suggèrent fortement que la protection, aussi bien que les complications, que peuvent conférer les estrogènes (exogènes ou endogènes) puissent obéir à des mécanismes physiopathologiques en grande partie indépendants de leur effet sur les facteurs de risque actuellement reconnus. Dans la situation d’incertitude actuelle, seule une meilleure compréhension des mécanismes cellulaires et moléculaires responsables des effets vasculaires des estrogènes permettra de progresser et de proposer de nouveaux paramètres/critères intermédiaires à étudier. Ainsi, deux des priorités récemment définies par l’ American Heart Association sont : - de déterminer les causes de l’augmentation d’incidence des accidents vasculaires lors des premiers mois de THS estro-progestatif, - de comprendre les mécanismes des effets bénéfiques des estrogènes endogènes. Nous résumons ci-dessous l’état actuel des connaissances concernant l’influence des estrogènes et du THM sur les principaux facteurs de risque cardiovasculaire modifiables. Dans un second temps, nous aborderons les effets des estrogènes sur les différents constituants cellulaires de la paroi vasculaire en intégrant les multiples données expérimentales disponibles à ce jour. Effet des stéroïdes sexuels sur les principaux facteurs de risque cardiovasculaire Métabolisme lipidique  À la ménaupose. Durant la période d’activité génitale, les femmes présentent un profil lipidique moins athérogène que celui des hommes avec des taux inférieurs de cholestérol-LDL, mais des taux généralement supérieurs de cholestérol-HDL. La ménopause se traduit par une ascension des taux de LDL et de triglycérides et une baisse du cholestérol-HDL, contribuant à l’augmentation rapidement progressive du risque cardiovasculaire des femmes après 50 ans. Il est désormais parfaitement démontré que les stéroïdes sexuels, et en particulier les estrogènes, régulent le métabolisme des lipoprotéines, principalement du fait de leurs effets hépatiques. Chez la femme ménopausée, l’administration d’estrogènes, associés ou non à un progestatif, influe sur la synthèse hépatique des lipoprotéines, mais également la clairance de certaines lipoparticules, avec une intensité variable en fonction du type et de la dose des estrogènes utilisés et de leur voie d’administration. L’administration d’estrogènes par voie orale se traduit par une réduction significative des taux de cholestérol-LDL, mais également de Lp(a), et une augmenttation significative des taux de HDL et d’apolipoprotéine A1, mais également de triglycérides. La principale explication de cette élévation du taux de triglycérides sous estrogénothérapie orale repose sur l’augmentation de la production de particules VLDL de grande taille dont l’effet délétère semble limité en raison d’une épuration hépatique massive limitant leur conversion en lipoparticules athérogènes (VLDL de petites taille, LDL). Ces effets favorables des estrogènes sur le métabolisme lipidique sont souvent moins marqués lors de l’administration par voie transdermique, en raison de l’absence de premier passage hépatique. Enfin, si les différents progestatifs ne modifient pas l’effet des estrogènes sur le cholestérol LDL, l’acétate de médroxyprogestérone atténue leur effet bénéfique sur le cholestérol-HDL, ce qui ne semble pas être le cas de la progestérone micronisée. Au total, les estrogènes endogènes, ainsi que l’administration d’un traitement estro-progestatif chez la femme ménopausée, orientent le métabolisme lipidique vers un profil moins athérogène. Deux commentaires s’imposent : – cet effet métabolique bénéfique n’explique que très partiellement l’effet vasculoprotecteur des ces hormones, suggéré par les études épidémiologique, et parfaitement démontré dans tous les modèles animaux d’athérosclérose, – l’évolution favorable du profil lipidique a été parfaitement confirmée par les études HERS et WHI, alors qu’aucun bénéfice vasculaire n’a été retrouvé. Hypertension artérielle  Chez les femmes en période d’activité génitale, les chiffres de la pression artérielle et l’incidence de l’HTA sont moindres que chez les hommes d’âge identique, mais l’incidence de l’HTA croît rapidement après la ménopause. De façon intéressante, il a été montré que les chiffres de pression artérielle pouvaient être influencés par la fluctuation des taux circulants d’estrogènes durant le cycle menstruel, avec des chiffres plus bas lors de la phase lutéale. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer l’existence d’un effet direct des estrogènes sur la pression artérielle, en particulier leur impact fonctionnel sur l’endothélium et les cellules musculaires lisses vasculaires que nous aborderons ci-après. Après la ménopause, le vieillissement et la recrudescence des facteurs de risque vasculaire liés à la carence estrogénique favorisent les modifications physiques de la paroi artérielle contribuant de façon indirecte à la majoration des chiffres tensionnels. Chez la femme ménopausée normo- ou hypertendue, la plupart des travaux ont retrouvé une réduction modeste ou l’absence de modification significative des chiffres tensionnels en réponse à l’administration chronique d’estrogènes par voie orale ou transdermique, le plus souvent associée à un progestatif. Dans l’étude WHI, les chiffres tensionnels n’ont pas été modifiés par la prise du traitement estroprogestatif. Insulino-résistance et diabète  Un faisceau d’arguments épidémiologiques, cliniques et expérimentaux plaide en faveur d’un effet bénéfique des estrogènes vis-à-vis du risque de diabète de type 2 et plus largement du risque d’insulinorésistance. Ainsi, la prévalence du diabète de type 2 et du syndrome métabolique, comme la survenue d’événements cardiovasculaires, sont moindres chez la femme que chez l’homme dans les tranches d’âge moyen (35-64 ans). Dans ce contexte, il a été montré que les femmes en période d’activité génitale présentaient une meilleure sensibilité à l’action de l’insuline que les hommes d’âge comparable. Cependant, après la ménopause, la constitution d’une obésité androïde et l’installation d’une insulinorésistance sont favorisées, et le risque de survenue d’un diabète de type 2 nettement majoré. De façon remarquable, les études américaines HERS et WHI ont rapporté une réduction significative de la résistance à l’action de l’insuline et de l’incidence du diabète de type 2 chez les femmes ménopausées soumises à un traitement substitutif estro-progestatif par comparaison à un placebo. À ce jour, aucune étude d’intervention n’a rapporté l’effet de l’administration d’estrogènes seuls sur le risque de diabète de type 2. Marqueurs sériques d’inflammation et d’hémostase  Le rôle du premier passage hépatique Le type d’estrogènes utilisé dans les principales études d’intervention (estrogènes conjugués équins) et surtout son mode oral d’administration ont été mis en cause par la plupart des experts, principalement en Europe. En effet, il semble que l’effet de premier passage hépatique lié à l’administration orale d’estrogènes soit responsable d’effets systémiques délétères, en particulier pro-inflammatoires et prothrombotiques. Ce mode d’administration s’accompagne en effet d’une majoration des taux circulants de protéines de l’inflammation telles que la CRP, et d’une augmentation franche du risque d’événement thromboembolique. Notons cependant que cet effet sur les protéines de l’inflammation n’a pas été retrouvé lors de l’administration orale de 17b-estradiol (E2) (associé au gestodène) au cours de l’étude PHOREA. Le mode d’administration transdermique permet d’éviter l’effet de premier passage hépatique, et semble limiter ces effets délétères systémiques. En accord avec cette hypothèse, l’étude cas-témoins française ESTHER a comparé 155 femmes ménopausées ayant eu une maladie veineuse thromboembolique à 381 femmes ménopausées sans antécédent thromboembolique. La prise d’estrogènes par voie orale était associée à une augmentation significative du risque thromboembolique (OR : 3,5 [1,8-6,8]), alors que la voie transdermique n’était pas associée à une majoration du risque (OR : 0,9 [0,5-1,6]). Enfin, il est important de souligner qu’à ce jour, peu de travaux ont été rapportés concernant l’influence des stéroïdes sexuels sur les fonctions plaquettaires, et plus globalement sur le risque thromboembolique artériel. Facteurs de risque et polymorphisme génétique du récepteur des estrogènes  L’hétérogénéité de la réponse aux estrogènes pourrait être la conséquence de polymorphismes génétiques d’ores et déjà reconnus. Il existe, en effet, plusieurs polymorphismes du gène du récepteur des estrogènes a (REa). Le polymorphisme IVS1-401 C/C (la présence d’une cytosine en position 401 de l’intron avant l’exon 2, de manière homozygote) est observé chez 19 % de la population féminine. Ce polymorphisme est associé, en réponse au THM, à une augmentation du cholestérol

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