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Chirurgie

Publié le  Lecture 19 mins

En cas de chirurgie mitrale, faut-il associer une chirurgie de l’arythmie ?

D. GRANDMOUJIN, J.-P. FAVRE et X. BARRAL, hôpital Nord, CHU, Saint-Étienne

La fibrillation auriculaire (FA) est un trouble du rythme fréquent dont l’incidence augmente avec l’âge et varie selon l’existence d’une pathologie cardiaque associée. Le chirurgien est souvent confronté à une arythmie complète par fibrillation auriculaire survenant au décours d’une chirurgie cardiaque ou en préopératoire. La pathologie mitrale apparaît être une grande pourvoyeuse de FA évoluant sur un mode chronique ou paroxystique, induisant une morbi-mortalité non négligeable. Il est apparu logique de développer des outils spécifiques permettant d’envisager une prise en charge thérapeutique de cette arythmie en association avec le geste chirurgical cardiaque princeps.

Ce travail se propose d’effectuer un état des lieux des techniques d’ablation endocardiques et épicardiques de l’arythmie complète par FA (ACFA) utilisant l’énergie de radiofréquence, contemporaines d’une chirurgie mitrale et, par extension, d’une chirurgie cardiaque, chez les patients en arythmie complète par FA. Seront ainsi abordés les aspects physiopathologiques de l’ACFA, les motivations d’une restauration du rythme sinusal, les aspects techniques, les résultats et les perspectives d’avenir. La fréquence de l’ACFA varie selon les tranches d’âge. Dans la population générale, son incidence se situe aux alentours de 0,4 % ; elle augmente significativement avec l’âge, jusqu’à 5 % environ après 60 ans. Ce trouble du rythme, longtemps considéré comme bénin, connaît depuis quelques années un regain d’intérêt lié à une meilleure connaissance des mécanismes physiopathologiques impliqués, à une meilleure évaluation des conséquences cliniques et aux possibilités thérapeutiques pharmacologiques, cardiologiques interventionnelles et chirurgicales. Les axes thérapeutiques peuvent s’orienter dans plusieurs directions selon que l’on considère le traitement : - des conséquences délétères de la FA (anticoagulation, inotropisme sélectif) ; - préventif des rechutes (cardioversion pharmacologique ; cardioversion externe ou interne par défibrillateur auriculaire implantable) ; - curatif qui dépend de l’existence de pathologies cardiaques associées dans 80 % des cas (valvulopathie le plus souvent mitrale, coronaropathie, cardiomyopathie hypertrophique, tumeur intra-auriculaire, malformations congénitales telle la communication interauriculaire, amylose cardiaque, fibrose endomyocardique, etc.). Cependant, dans 20 % des cas, on parle de FA isolée car non liée directement à une pathologie cardiaque. Cette entité regroupe de multiples étiologies telles que l’hyperthyroïdie, la bronchopneumopathie chronique, les dysfonctions sinusales et les syndromes de préexcitation. Mécanismes et conséquences de l’ACFA Mécanismes électrophysiologiques Deux mécanismes principaux ont été identifiés dans la genèse des arythmies auriculaires, liés à des anomalies de l’influx ou de sa propagation. Un automatisme anormal ou d’une activité déclenchée par des postdépolarisations précoces (EADs) ou tardives (DADs). En revanche, les anomalies de propagation de l’influx procèdent de phénomènes de réentrée, essentiellement liés à un mouvement circulaire ou plus rarement par réflexion. Plus récemment, ont été incriminés des phénomènes d’anisotropie qui intègrent l’orientation des fibres myocardiques avec la vitesse de propagation. Ainsi, l’existence de plusieurs mécanismes potentiellement impliqués se traduit par l’induction de plusieurs types d’arythmies (tableau 1). Quelles que soient les hypothèses électrophysiologiques retenues, leur expression nécessite des conditions favorables en rapport avec une vulnérabilité auriculaire, correspondant à deux facteurs principaux : les troubles de la conduction intra-auriculaire et le raccourcissement des périodes réfractaires, d’où une diminution des vitesses de propagation favorisant la formation de boucles de réentrée. Ces deux facteurs revêtent une importance majeure dans la compréhension et l’interprétation des résultats rythmologiques après thérapeutique médicale ou chirurgicale. À ces deux facteurs essentiels de vulnérabilité auriculaire viennent s’ajouter la notion de masse critique et les effets du système nerveux autonome. Conséquences histologiques de la FA De multiples études ont confirmé l’existence de lésions histologiques induites par les arythmies et les tachycardies prolongées, qui peuvent pérenniser les anomalies rythmiques. À l’échelle tissulaire, on met en évidence une hypertrophie des myocytes avec ou sans fibrose, ainsi qu’une modification de l’architecture cellulaire. On remarque habituellement un élargissement du noyau, une augmentation de la teneur en glycogène, du nombre et de la taille des mitochondries. Ces anomalies histologiques s’étendent également aux structures ventriculaires. Si la désynchronisation de l’activité électrique se traduit à l’étage auriculaire par une activation aléatoire et anarchique du tissu auriculaire, sans efficacité contractile et perte du transport atrial, elle induit également une réponse ventriculaire particulière qui justifie la prise en charge thérapeutique médicale ou chirurgicale de l’ACFA. Conséquences cavitaires de l’ACFA Étage auriculaire. Si la survenue d’une arythmie supraventriculaire se traduit à l’évidence par une désynchronisation de l’activation électrique du tissu auriculaire (activation aléatoire et anarchique), l’activation désordonnée de ce tissu implique une cascade de conséquences justifiant les implications thérapeutiques actuelles : - remodelage électrophysiologique, d’où un raccourcissement des périodes réfractaires ; - disparition du transport atrial par perte de la systole auriculaire efficace (étirement des fibres), d’où stase sanguine (thrombus, risque embolique) ; - augmentation de la pression intra-auriculaire (mécanisme adaptatif) ; - dilatation des oreillettes ; - hypersécrétion de facteur atrial natriurétique. Réponse ventriculaire. L’étage ventriculaire demeure particulièrement concerné par la pérennisation d’une activation électrique désynchronisée en amont du nœud auriculo-ventriculaire (A-V), lequel agit comme un filtre à l’égard des impulsions auriculaires multiples et asynchrones. La réponse ventriculaire dépendra ainsi des propriétés intrinsèques des voies de conduction, mais aussi du système nerveux autonome, et se traduira par : - la survenue aléatoire des complexes ventriculaires : troubles de la relaxation ventriculaire avec défaut de remplissage du ventricule et diminution du volume systolique d’éjection, avec pour corollaire une altération des capacités contractiles du ventricule ; - chute du débit cardiaque de 15 à 30 % ; - remodelage ventriculaire (troubles de relaxation diastolique) ; - réversibilité de la dysfonction ventriculaire gauche après restauration du rythme sinusal ; - modification de la fréquence cardiaque : il peut s’agir d’un mécanisme d’adaptation à la dépression inotrope induite par l’activation aléatoire du ventricule. Cette réponse chronotrope pourra s’effectuer selon un mode brady- ou tachyarythmique. Les bradyarythmies relèvent le plus souvent d’une dépression exacerbée de la conduction au sein du nœud A-V, voire, plus rarement, à l’étage infranodal. Parallèlement à ces modifications évidentes des propriétés chronotropes du myocarde ventriculaire, il est fréquent de constater une extrasystolie ventriculaire liée à des phénomènes d’échappement, de bloc de branche incomplet ou de conduction rétrograde au sein du nœud A-V. La survenue d’une ACFA implique des conséquences hémodynamiques indiscutables et génère des éléments de morbidité péjoratifs. C’est la raison pour laquelle l’arsenal thérapeutique s’est rapidement développé tant sur le versant cardiologique que chirurgical, en particulier depuis les travaux de Cox. ACFA et chirurgie cardiaque La survenue d’une ACFA peut être la conséquence d’une chirurgie cardiaque ou préexister avant une intervention cardiaque. Si l’efficacité du traitement pharmacologique a fait ses preuves, notamment depuis l’apparition des molécules de classe III, elle peut parfois trouver ses limites dans certaines configurations pathologiques en raison de contre-indications relatives ou absolues qui en restreignent l’utilisation. Parallèlement, depuis quelques années nous avons assisté à une expansion de la cardiologie interventionnelle, qui a bénéficié des progrès de la technologie autorisant des champs d’application essentiellement dans deux domaines, préventif et curatif. Citons la cardioversion externe, les défibrillateurs internes et les approches endocavitaires utilisant une énergie de radiofréquence, essentiellement axées sur le versant auriculaire droit en dépit de certains travaux menés par Haissaguerre au sein des cavités gauches, mais qui se heurtent actuellement à des problèmes techniques évidents. Ainsi, compte tenu d’un abord chirurgical nécessaire au traitement d’une valvulopathie, il était séduisant pour le chirurgien d’envisager d’étendre naturellement à l’oreillette gauche, en cas de geste mitral, une procédure complémentaire de cloisonnement auriculaire. Interventions de Cox Les travaux de Guiraudon, Cox et Boineau, outre une approche physiopathologique des mécanismes de l’ACFA, ont apporté une solution chirurgicale adaptée à travers les interventions de Cox-maze (I ; II ; III) et leurs variantes. Cette intervention, dans son principe, consiste en la réalisation d’incisions chirurgicales obéissant à une topographie précise, permettant un cloisonnement biauriculaire ou monoauriculaire gauche (hémi-maze) aboutissant à une canalisation de l’influx électrique et un barrage des activations parasites. Si les résultats rythmologique (restauration du rythme sinusal), mécanique (restauration d’un transport atrial) et hémodynamique (amélioration des performances contractiles) de l’intervention de maze sont indéniables, un certain nombre de critiques ont cependant émané de la communauté chirurgicale. Premières critiques Outre qu’elle requiert une courbe d’apprentissage rigoureuse, cette intervention augmente significativement le temps de clampage aortique, donc la durée d’ischémie myocardique. Cette remarque se justifie d’autant plus qu’elle ne représente qu’une partie de l’intervention car elle s’intègre habituellement dans une intervention valvulaire. La réalisation d’incisions multiples induit un risque hémorragique supplémentaire, même si les expériences relatées ne semblent pas y faire référence. Par ailleurs, elle se heurte à un paradoxe relatif : « l’allongement des durées d’ischémie myocardique nécessite d’inclure en première intention des patients sans dysfonction ventriculaire majeure. Or, les patients les plus susceptibles de bénéficier d’une restauration

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