Évaluation échocardiographique de l'anatomie mitrale
E. BROCHET, hôpital Bichat, Paris
L’évaluation échocardiographique d’une insuffisance mitrale (IM) comporte une description précise de l’anatomie des différents composants de la valve mitrale, couplée à une analyse fonctionnelle. L'examen doit, en effet, répondre à plusieurs questions :
• L'IM est-elle fonctionnelle ou organique?
• En cas d'atteinte organique, quel est le mécanisme de la fuite ?
• Localisation et étendue des lésions valvulaires et sous-valvulaires,
• Faisabilité d’un éventuel geste chirurgical conservateur.
• L'évaluation de la sévérité et du retentissement font l'objet d'un autre article.
Quelle méthode échographique : ETT ou ETO ? L'échographie par voie transthoracique (ETT) reste la technique de première intention. La qualité d'imagerie des échographes actuels (imagerie harmonique) permet le plus souvent un bilan très complet de l'anatomie et des mécanismes de la fuite mitrale. L'échographie transœsophagienne (ETO) est indiquée lorsque les données obtenues en ETT sont insuffisantes, notamment en préopératoire, ou lorsque l'on suspecte des lésions complexes (endocardite, perforation, prolapsus commissural, etc.). L’échographie tridimensionnelle (écho 3D) surtout par voie œsophagienne, est une technique très précise pour l’évaluation des données anatomiques. Les progrès récents dans ce domaine sont considérables, avec le développement de sondes ETO matricielles donnant accès à une imagerie 3D en temps réel. Anatomie échographique de la valve mitrale Les différents composants de l'appareil mitral (anneau, valves, cordages, piliers) doivent être systématiquement analysés et décrits dans le compte-rendu. Anatomie normale La valve mitrale antérieure, plus haute que large, occupe le tiers de la circonférence annulaire compris entre les commissures. Le feuillet postérieur, plus large que haut, occupe les deux tiers postérieurs de la circonférence de l’anneau. La surface globale des deux valves est équivalente. Il est classique de diviser les deux feuillets en trois parties : A1 et P1 correspondant aux segments antérolatéraux des deux valves, proches de la commissure externe et de l'auricule gauche ; A2 et P2 aux segments médians, sous-aortiques ; A3 et P3 aux segments postéromédians proches de la commissure interne et de l'anneau tricuspide (figure 1). Figure 1. Schéma de l’anatomie mitrale. Noter la proximité des repères anatomiques (auricule gauche, aorte et valve tricuspide). CPM : commissure postéromédiale ; CAL : commissure antérolatérale. L'orifice mitral étant orienté obliquement, la commissure externe, antérolatérale est située dans un plan supérieur par rapport à la commissure interne, postéromédiale. Ces divisions schématiques peuvent être prises en défaut dans certaines formes de dystrophie avec excès tissulaire important. Feuillets valvulaires et appareil sous-valvulaire Les éléments morphologiques à préciser sont : - l'épaisseur de la valve, associée ou non à un excès tissulaire. On parle de valve myxoïde, ou dystrophique lorsque l'épaisseur de la valve est > 5 mm en mode TM (figure 2), - la présence de calcifications et leur répartition, - l'existence de masses ou végétations valvulaires. L'analyse des commissures est importante afin de préciser l'existence d'une fusion commissurale ou de calcifications. Figure 2. Épaississement valvulaire mitral de type myxoïde dans une maladie de Barlow.À droite, mesure de l’épaisseur valvulaire en mode TM. L'analyse de l'appareil sous-valvulaire comporte l'étude des cordages, longueur, degré de fusion, élongation, rupture, calcifications, ainsi que l'analyse des piliers (présence de deux piliers, insertions anormales, aspect dense et fibreux, écartement des piliers). Anneau mitral Les éléments à préciser sont l’existence d’une dilatation annulaire et la présence de calcifications annulaires. L'anneau peut être mesuré dans différentes incidences mais la dilatation s'étudie en coupe parasternale car l'anneau se dilate surtout au niveau de sa partie postérieure. La mesure s’effectue en diastole, en coupe parasternale grand axe en ETT, ou en coupe sagittale en ETO à 120 ° au niveau des points d’insertion antérieur et postérieur (figure 3). Figure 3. Mesure de l’anneau mitral en coupe parasternale grand axe ; la mesure de l’anneau est rapportée à la longueur du feuillet antérieur mitral en diastole. La mesure du diamètre antéropostérieur est habituellement rapportée à la longueur de la valve mitrale antérieure. L'anneau est considéré comme dilaté si le rapport anneau/VMA est > 1,3 en diastole, ou lorsque le diamètre est > 35 mm. Les calcifications annulaires, le plus souvent postérieures, parfois arciformes, sont au mieux analysées en coupe parasternale petit axe et par voie apicale. Données fonctionnelles Le type d'anomalie fonctionnelle est basé sur l'étude de la cinétique valvulaire. On distingue classiquement selon la classification de Carpentier trois types d'anomalies fonctionnelles, indépendamment de l'étiologie (figure 4) : Type I : mouvements valvulaires normaux (IM par perforation ou dilatation annulaire isolée), Type II : mouvements valvulaires exagérés, avec déplacement du bord libre d'une ou des deux valves au-delà du plan de l'anneau mitral (prolapsus valvulaire), Type III : restriction du mouvement d'une ou des deux valves, L'analyse du mécanisme doit être effectué dans les différentes incidences (cf. analyse segmentaire). Figure 4. Classification fonctionnelle de Carpentier. Analyse échographique des mécanismes IM par prolapsus Le prolapsus est défini par le passage du bord libre d'un ou des feuillets mitraux en arrière du plan de l'anneau en ETT ou en ETO. On parle de flail lorsqu'il existe une éversion du bord libre, correspondant généralement à une rupture de cordage. Le prolapsus peut être uni- ou bivalvulaire, parfois seulement télésystolique. On parle de « ballonisation » lorsque le corps valvulaire passe en arrière du plan de l'anneau, mais que le point de coaptation valvulaire reste en avant du plan de l'anneau. Un certain degré de ballonisation est physiologique en incidence apicale en raison de la forme de l'anneau mitral. Ce diagnostic ne peut donc être retenu qu'en incidence parasternale grand axe en ETT ou en ETO. La ballonisation ne s'accompagne généralement pas d'IM significative. La direction du jet au Doppler couleur peut aider à préciser le mécanisme de l'IM. Un jet excentré est évocateur de prolapsus valvulaire, orienté du côté opposé au feuillet qui prolabe (figures 5 et 6). Un jet diffracté (comportant plusieurs jets) est évocateur de prolapsus complexe ou bivalvulaire. Figure 5. À gauche, prolapsus de valve antérieure (segment A2) par élongation de cordages (flèche).À droite, jet d’insuffisance mitrale par prolapsus de valve antérieure, de direction excentrée, dirigée vers la paroi postérieure de l’oreillette gauche (OG). Figure 6. À gauche, prolapsus de valve postérieure (segment P2) par rupture de cordage (flèche) en coupe longitudinale en ETO. À droite, jet excentré de fuite mitrale dirigée du côté opposé au feuillet postérieur qui prolabe (ETO, incidence transverse à 0°). Le mécanisme du prolapsus doit être précisé, élongation ou rupture de cordage, rarement rupture de pilier. L'ETO est supérieure à l'ETT pour le diagnostic de rupture de cordage. L'analyse précise des lésions détermine la faisabilité d'une éventuelle chirurgie conservatrice. Les indications les plus simples de chirurgie conservatrice concernent les prolapsus isolés de P2 ou A2 par rupture de cordage. La réparation est plus complexe, voire aléatoire en cas de prolapsus multiples ou bivalvulaires, de prolapsus commissural, d'excès tissulaire majeur ou de calcifications importantes de l'anneau mitral. IM fonctionnelle En cas d'IM fonctionnelle, la position du point de coaptation est déplacée vers l'apex, en rapport avec le remodelage ventriculaire gauche global ou régional. Un aspect de déformation en tente (tenting) du feuillet antérieur est fréquemment observé, en rapport avec l'attraction apicale des cordages médians de la valve antérieure. L'analyse de la cinétique régionale et du remodelage ventriculaire gauche est essentielle en cas d'IM fonctionnelle (cf. article spécifique). IM par perforation Le diagnostic est souvent évoqué devant un jet d'IM excentré semblant provenir du corps valvulaire lui-même. L'ETO permet généralement une bonne visualisation de la perforation. Localisation des anomalies fonctionnelles Un prolapsus ou une perforation peut être uni- ou bivalvulaire et intéresser n'importe quelle partie des feuillets mitraux, ou les commissures. L’utilisation d’incidences et d'une terminologie standardisées permet une bonne communication entre cardiologues et chirurgiens. Il faut savoir adapter les plans de coupe en fonction des variations anatomiques, non exceptionnelles. Les différents segments valvulaires sont explorés à partir d'incidences multiples, en ETT et en ETO (figure 7). Figure 7. Schéma des segments valvulaires explorés par les différents plans de coupe échographiques. Plan 1 horizontal, correspondant aux vues 4 cavités ETT et ETO ; plan 2 sagittal passant par l’aorte et coupant les deux feuillets en leur milieu (A2P2) ; plan 3, oblique, passant par les deux commissures. En ETT, 4 coupes doivent être systématiquement analysées : - coupe parasternale transverse petit axe, - coupe apicale 4 cavités stricte, - coupe apicale 2 cavités, - coupe apicale longitudinale grand axe ou 3 cavités. En ETO, 4 coupes sont indispensables : - coupe transverse à 0°, - coupe bicommissurale (45-60°), - coupe sagittale à 120°, - coupe transverse trans-gastrique. Les incidences horizontales (4 cavités en ETT et surtout coupe à 0 ° en ETO) examinent différents segments valvulaires en fonction de la hauteur de coupe dans l'œsophage. L'exploration en ETO doit se faire de haut en bas. La commissure antérolatérale est en position supérieure, proche de l'auricule alors que la commissure postéromédiale est située dans un plan inférieur proche de l’anneau tricuspide et de la croix du cœur. Les incidences sagittales ou longitudinales (ETT et ETO) permettent d'explorer la partie médiane des deux feuillets (A2 et P2). L'incidence bicommissurale (2 cavités en ETT, coupe à 40-60° en ETO) explore, comme son nom l'indique, les régions commissurales, les segments interne (P3) et externe (P1) du feuillet postérieur, et coupe tangentiellement A2. Les incidences transverses (parasternale petit axe et coupe transgastrique à 0°) permettent une bonne exploration du bord libre des deux feuillets, des commissures. La localisation du prolapsus est confirmée par l'origine
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