Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Thérapeutique

Publié le  Lecture 13 mins

Facteurs prédictifs du résultat de la fibrinolyse

J.-M. JULIARD, hôpital Bichat, Paris

La fibrinolyse est une thérapeutique validée sur les preuves. Elle réduit la mortalité au cours de l’infarctus du myocarde, réduction d’autant plus importante que le traitement a été appliqué tôt après le début de la douleur. Nous manquons de méthodes fiables, faciles à réaliser en urgence, pour d’identifier avec certitude et en temps réel le succès de la fibrinolyse et surtout d’identifier les échecs afin de les traiter rapidement par une angioplastie de sauvetage. De fait, les indications de la coronarographie doivent être larges en phase aiguë afin de ne pas méconnaître ces patients à haut risque de mortalité. En amont, au cours de la décision de stratégie de reperfusion, seul le facteur temps est déterminant dans la prédiction des bons résultats de la fibrinolyse.
Au cours des trois premières heures, le rapport risque/bénéfice est excellent, et s’amenuise avec le temps. L’étude OPTIMAL (OPtimisation of Treatment In Myocardial infartion with AII Antagonist Losartan) a été conçue pour savoir si d’autres facteurs seraient prédictifs : les résultats sont attendus courant 2006.

La fibrinolyse au cours de l'infarctus aigu du myocarde en 2006 Au cours de l’infarctus aigu du myocarde, la fibrinolyse reste le moyen de reperfusion le plus largement utilisé dans le monde, notamment en raison de son coût (la streptokinase est encore exclusivement utilisée dans de nombreux pays) et de sa facilité d’administration, même avant l’arrivée à l’hôpital. Son efficacité a été validée dans de grands essais randomisés ayant inclus plusieurs dizaines de milliers de patients, qui font de ce traitement une thérapeutique véritablement fondée sur des preuves scientifiques solides. Malgré des progrès pharmacologiques importants ayant abouti à la mise sur le marché de produits véritablement fibrino-spécifiques, tel le TNK-tPA (Métalyse‚), la fibrinolyse échoue à recanaliser l’artère coronaire occluse dans 30 à 40 % des cas. En effet, le but d’un traitement fibrinolytique est de restaurer un flux normal (TIMI 3) dans l’artère coronaire occluse. L’étude GUSTO-1 ( Global Utilization of Streptokinase and Tissue plasminOgen activator for occluded coronary arteries) avait bien démontré que les patients ayant une artère avec un flux TIMI 3 à 90 minutes de la fibrinolyse ont la mortalité la plus basse (4,4 %), comparativement à 7,4 % en cas d’artère incomplètement recanalisée (TIMI 2) et 8,9 % en cas d’artère occluse (TIMI 0 ou 1). Il existait une corrélation très forte entre cette perméabilité TIMI 3 en phase aiguë et la mortalité, faisant de cette perméabilité un des facteurs de déterminants de la survie après fibrinolyse. Il est donc primordial de pouvoir dépister en temps réel les échecs de fibrinolyse en phase aiguë, car ils peuvent être corrigés par l’angioplastie de sauvetage. Dès lors, la première question est de savoir comment estimer l’efficacité de la fibrinolyse à l’admission du patient. Plus en amont, se pose une autre question, au moment de la décision de la stratégie de reperfusion : peut-on prédire l’efficacité de la fibrinolyse, c’est-à-dire définir les bons et les mauvais candidats à la fibrinolyse ? Estimation non invasive de la reperfusion après fibrinolyse À la lumière des données ci-dessus, l’enjeu de la détection non invasive de la reperfusion après fibrinolyse est centrée sur le dépistage en temps réel des échecs de fibrinolyse compte tenu d’une mortalité plus élevée de ces patients. De nombreux critères disponibles en temps réel (cliniques, électriques, enzymatiques, échocardiographiques), appréhendent à la fois la recanalisation épicardique, la reperfusion au niveau tissulaire et même, au-delà, la dysfonction endothéliale (mesure de la réserve coronaire par le Doppler transthoracique). D’autres techniques validées pour l’étude de la perfusion myocardique (imagerie par résonance magnétique ou méthodes isotopiques) ne sont pas compatibles avec la gestion de l’urgence. Critères cliniques La disparition complète de la douleur est probablement l’un des marqueurs les plus spécifiques de la reperfusion (avec une sensibilité de 96 %) mais une étude déjà ancienne avait montré que cette disparition complète ne survenait que dans 6 % des cas ! En pratique, ce critère ne permet pas de juger de l’efficacité de la fibrinolyse et ce, d’autant que le traitement de la douleur doit être débuté très tôt en préhospitalier en utilisant de la morphine titrée pour soulager le patient et qu’il n’est pas question de remettre en cause le dogme du soulagement de la douleur une fois que le diagnostic a été établi avec certitude. Critères électriques Les critères rythmologiques sont rares et non spécifiques ; tout au plus la présence d’un rythme idioventriculaire accéléré soutenu atteint une sensibilité de 75 % dans la détection de la reperfusion mais il est constaté dans moins de 10 % des cas. Les arythmies ventriculaires graves doivent plutôt être considérées comme un bon marqueur d’occlusion persistante que comme un marqueur de reperfusion ! Les modifications dynamiques de la repolarisation sont plus pertinentes pour appréhender à la fois la reperfusion et le pronostic à court et long termes. Ce sujet a donné lieu à une littérature très abondante. Le retour complet à la ligne isoélectrique du segment ST est un bon marqueur de la recanalisation épicardique mais également de la reperfusion au niveau tissulaire. Cette régression du segment ST est corrélée à la survie à long terme, aussi bien après fibrinolyse qu’après angioplastie au cours de l’infarctus aigu (figure 1). Figure 1. ECG 12 dérivations : après fibrinolyse, la résolution du segment ST est associée à une mortalité plus basse. La stratification a été proposée à partir de plusieurs paramètres électrocardiographiques : • résolution du segment ST (en pourcentages par rapport à la dérivation présentant le sus-décalage le plus important), • régression de la somme des segments ST sus-décalés ou sus-décalage persistant en valeur absolue sur la dérivation présentant initialement le sus-décalage le plus important. Dans le contexte de l’urgence, on peut proposer de choisir comme critère de reperfusion le plus sensible (70 %) une régression du segment ST ≥ 50 % et comme critère le plus spécifique (79 %) la régression de la somme des segments ST sus décalés ≥ 70 %. Au début des années 1990, l’utilisation de la vectocardiographie dynamique (reconstruction des dérivations de Frank, XYZ) avait été suggérée en temps réel, analysant à la fois les variations du segment ST en temps réel mais également les variations de l’amplitude du complexe QRS. L’étude VERMUT avait établi une sensibilité de 80 % pour cette méthode, avec cependant des nuances. En effet, selon le degré de circulation collatérale, cette sensibilité s’abaissait à 60 % en présence d’une circulation collatérale contre 88 % en son absence. La surveillance électrocardiographique n’est cependant pas aisée à installer en phase aiguë et semble plus adaptée pour suivre l’évolution du segment ST après revascularisation afin de dépister les épisodes de réocclusion, parfois asymptomatiques. Idéalement, ces courbes de tendance peuvent être obtenues à partir des systèmes de surveillance scopiques intégrés dans les unités de soins intensifs coronariens. Critères enzymatiques Les critères enzymatiques ont donné lieu à une littérature très abondante, avec comme objectif de définir a posteriori des critères de reperfusion sur l’évolution des élévations enzymatiques. Au cours de l’étude PERM, nous avions démontré que la meilleure performance diagnostique était assurée par l’élévation relative de la myoglobine, de la troponine T et du rapport des isoformes MM3/MM1 chez les patients traités par fibrinolyse au-delà de la 3 e heure après le début de la douleur. Dans le contexte actuel de prise en charge des infarctus aigus, dont plus de la moitié sont diagnostiqués avant la 2 e heure, les critères enzymatiques sont inutiles au dépistage de la reperfusion après fibrinolyse, comme au diagnostic des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST et ne doivent jamais retarder le traitement. Critères échocardiographiques Comme l’ECG et l’analyse de la repolarisation, l’échocardiographie de contraste permet d’évaluer, non pas tant la recanalisation coronaire mais, au-delà, la perfusion tissulaire au niveau myocardique. Ito et al, avaient été les premiers à publier en 1992 que 23 % des patients qui avaient un flux TIMI 3 n’avaient pas de reperfusion au niveau tissulaire (phénomène de no-reflow), et donc un pronostic à long terme moins bon. Il est possible d’étudier la perfusion tissulaire en échocardiographie en utilisant du produit de contraste « soniqué » injecté par voie coronaire (figure 2). Cette méthode n’a comme seul intérêt que de rechercher le phénomène de no-reflow chez les patients ayant une artère TIMI 3. L’utilisation de produits de contraste par voie intraveineuse associée à l’échocardiographie haute énergie permet également d’estimer de façon non invasive cette perfusion tissulaire, en faisant l’hypothèse qu’en cas de reperfusion tissulaire, il y a obligatoirement une recanalisation au niveau épicardique (figure 3). Le risque potentiel de ces échocardiographies hautes énergies et les problèmes posés par les agents de contraste (disponibilité, toxicité) ont favorisé le développement des échocardiographies en temps réel avec de nouveaux produits de contraste qui sont en attente. Figure 2. Échocardiographie de contraste : sténose serrée de la coronaire droite (grosse flèche) et hypoperfusion de la paroi inférieure (petites flèches). Figure 3. Écho-cardiographie de contraste myocardique par voie intraveineuse après fibrinolyse. L’utilisation de l’échocardiographie en urgence pose encore des problèmes logistiques notamment dus à l’expérience des opérateurs et à l’interprétation des images. Critères Doppler Une autre approche de la perfusion tissulaire est possible en utilisant le Doppler transthoracique (figure 4). L’analyse du flux coronaire basal est possible avec le développement des sondes Doppler à haute fréquence et de l’imagerie harmonique, possible au niveau de l’interventriculaire antérieure (IVA) par voie transthoracique, et parfois dans l’interventriculaire postérieure. Un plan de coupe est choisi pour détecter l ’IVA moyenne ou distale qui chemine dans le septum, puis le flux est repéré en Doppler couleur et analysé en Doppler pulsé (sonde 7 MHz) ; le flux apparaît typiquement biphasique, à prédominance diastolique, ce qui représente un flux coronaire normal. Cet aspect du flux coronaire est strictement superposable au flux enregistré en intracoronaire, permettant de valider la technique. Le flux est très anormal en cas de phénomène de « no-reflow » avec une pente de décélération protodiastolique très marquée et un flux systolique rétrograde précoce. Figure 4. Doppler transthoracique. Au-delà de la perfusion tissulaire, le Doppler permet également d’approcher l‘évaluation de la dysfonction endothéliale par la mesure de la réserve coronaire (CVR). La CVR est généralement basse immédiatement après

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :