



Rythmologie et rythmo interventionnelle
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Fibrillation atriale et insuffisance cardiaque - Quel traitement pour un couple bien singulier ?
E. ALIOT, B. BREMBILLA-PERROT, C. DE CHILLOU, N. SADOUL, CHU de Brabois, Vandoeuvre Les Nancy

La fibrillation atriale (FA) et insuffisance cardiaque (IC) sont deux affections souvent associées fréquentes à un point tel que l’on en parle aujourd’hui comme de véritables épidémies. Toutefois, les relations entre ces 2 pathologies sont complexes, souvent difficiles à établir immédiatement chez un patient sans passé cardiaque connu, car la FA peut être la cause ou la conséquence de l’insuffisance cardiaque.
La FA est la plus fréquente des tachycardies. Plus de neuf millions d’européens présenteront une FA en 2020 en raison d’une incidence croissante liée au vieillissement de la population. En effet, sa prévalence augmente avec l’âge : rare chez le sujet jeune, elle atteint 5 % de la population des sujets de plus de 65 ans et 9 % de ceux de plus de 80 ans. Cette augmentation de la prévalence liée à l’âge est en réalité due à l’augmentation parallèle des cardiopathies associées qui favorisent le risque de fibrillation atriale. Le risque de FA augmente de 4,5 à 5,9 fois en cas d’IC. Avec l’augmentation de la sévérité de l’IC, le risque de FA augmente de 5 % chez les patients en classe I NYHA à presque 50 % chez ceux de la classe IV (figure). De plus l’IC est un facteur de risque indépendant de progression de la FA paroxystique vers la FA permanente. FA et IC, qui surviennent volontiers chez les mêmes patients, représentent un facteur d’augmentation du risque de mortalité l’une pour l’autre. La survenue d’une FA double presque le risque de décès par rapport à une population appariée pour l’âge et le sexe et la survenue d’une IC confère un taux de mortalité de 4 à 8 fois supérieur à celui de la population générale au même âge. Fibrillation atriale et insuffisance cardiaque : épidémiologie. La FA compliquée d’insuffisance cardiaque Le passage en FA est la première cause de décompensation cardiaque du sujet âgé à fonction systolique préservée. Ces sujets ont une insuffisance cardiaque diastolique avec des troubles de la relaxation du ventricule gauche, incapable de se laisser distendre et de se remplir pendant la diastole. La perte de la systole atriale lors du passage en FA ainsi que la tachycardie (et à un moindre degré, l’irrégularité des cycles cardiaques) sont à l’origine d’une insuffisance cardiaque aiguë. Cette dysfonction est la cause principale de l’insuffisance cardiaque chez plus de la moitié des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique. Le diagnostic de l’insuffisance cardiaque diastolique aiguë est fondé sur l’association de signes d’insuffisance cardiaque, d’une fonction systolique du ventricule gauche normale ou subnormale et d’une dysfonction diastolique. Il repose sur l’échocardiographie dont les critères diagnostiques ont été actualisés par une conférence de consensus récente. Le passage en FA peut être la cause d’une insuffisance cardiaque par altération de la fonction systolique. L’insuffisance cardiaque peut survenir chez un sujet indemne jusqu’alors de cardiopathie et chez lequel est apparue une arythmie rapide qui dure depuis plusieurs jours. Cette tachyarythmie est responsable d’une véritable « cardiomyopathie rythmique». Plus de 25 % des sujets en arythmie sont asymptomatiques, et la complication sous forme d’IC s’avère alors la seule manifestation clinique. Ce diagnostic est cependant difficile à poser avec certitude lorsque le patient est vu pour la première fois en arythmie et en insuffisance cardiaque. Seule la normalisation de la fonction systolique après retour en rythme sinusal permet d’affirmer le diagnostic a posteriori. En effet, s’il s’agit bien d’une cardiomyopathie rythmique, l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche qui suit la restauration d’un rythme sinusal est progressive, la normalisation de la fonction ventriculaire gauche pouvant parfois n’être observée qu’après plusieurs mois. Il faut par ailleurs s’assurer qu’il n’existe pas d’autre cause d’atteinte de la fonction systolique comme une cardiopathie ischémique retrouvée chez au moins 10 % des sujets en FA. L’insuffisance cardiaque compliquée de FA Approximativement, la moitié des patients en IC a une fonction VG préservée : il s’agit de patients plus âgés, plus volontiers féminins et hypertendus chez lesquels la FA est encore plus fréquente. C’est en effet la cardiopathie hypertensive qui est aujourd’hui la cause de ce trouble du rythme la plus fréquemment retrouvée, loin devant les autres cardiopathies et l’hyperthyroïdie. Dans l’évolution naturelle des cardiopathies, l’apparition d’une FA est une complication fréquente : 20 à 50 % des sujets qui ont une cardiomyopathie dilatée évoluée ou une cardiopathie valvulaire ancienne risquent de développer une FA. En fait, toute cardiopathie, en entraînant un retentissement sur les oreillettes, peut être la cause de FA. Ces patients ont toutes les raisons de développer une arythmie supra ventriculaire (et ventriculaire) en raison d’un automatisme exagéré, de postdépolarisations précoces, favorisées par des troubles électrolytiques, la prise de certains médicaments et des troubles d’origine ischémique, et surtout bien sûr de phénomènes de réentrées, car tous les facteurs nécessaires à la survenue de réentrées sont présents en cas de cardiopathie : - Le substrat est lié à la dysfonction ventriculaire gauche responsable d’un étirement et d’une hypertrophie des fibres myocardiques par augmentation des pressions, d’une ischémie aiguë ou chronique, de phénomènes de nécrose et surtout d’une fibrose cellulaire, généralement peu réversible. - La gâchette est liée à des troubles hormonaux comme la diminution du tonus vagal, l’augmentation de l’activité du système rénine angiotensine, l’élévation du taux d’angiotensine II, les troubles électrolytiques (hypo ou hyperkaliémie, hypo ou hypermagnésémie) et l’augmentation du taux des catécholamines avec hyper innervation atriale sympathique. - Les facteurs favorisants sont nombreux comme la prise d’anti-arythmiques de classe I (dont on sait la classique contreindication) avec risque d’effets arythmogènes, d’inotropes (dopamine, enoximone, digitaliques), de diurétiques avec un risque d’hypokaliémie ou des vasodilatateurs. Prévention des accidents vasculaires cérébraux Dans l’étude Framingham Heart Study, la fibrillation atriale multiple le risque d’accidents vasculaires cérébraux par 4,8 et le risque d’insuffisance cardiaque par 4,3. La fibrillation atriale, qui survient en cas d’insuffisance cardiaque, double presque le risque d’accident vasculaire chez les hommes et le triple presque chez les femmes. La stratification du risque embolique et les recommandations thérapeutiques pour le traitement de la fibrillation atriale étaient basés sur l’index CHADS II (C pour Congestive Heart Failure, H pour hypertension, A pour âge, D pour diabète et SII pour stroke (accident vasculaire, score de 2) jusqu’au dernier congrès de l’ESC 2010*. L’insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection inférieure ou égale à 35 % sont considérées comme un facteur de risque modéré pour les accidents thromboemboliques. En présence d’un score CHADS égal à 1, en l’occurrence en présence d’un facteur de risque modéré, le traitement proposé peut s’adresser soit aux anticoagulants (anti-vitaminiques K) soit à l’aspirine. C’est à partir d’un score CHADS ≥ 2 qu’un traitement anticoagulant par antivitaminique K est proposé. D’un autre côté, les recommandations actuelles pour le traitement des patients insuffisants cardiaques préconisent chez tous les patients qui présentent une insuffisance cardiaque et une histoire de fibrillation atriale un traitement anti-vitaminique K. Il est du reste fréquent chez ces patients que le score CHADS soit supérieur à 1. Notons enfin que les patients, qui présentent au moins 1 facteur de risque, en l’occurrence la population qui nous intéresse ici, et dans le cas unique où un traitement par AVK ne peut être prescrit, pourraient bénéficier d’une efficacité meilleure de l’association aspirine/clopidogrel par rapport à l’aspirine seule. Ce bénéfice semble lié à une diminution des risques d’AVC au prix toutefois d’une augmentation du risque d’hémorragies majeures (étude ACTIVE A). Contrôle du rythme ou contrôle de la fréquence De nombreux essais randomisés ont évalué la stratégie du contrôle de la fréquence contre celle du contrôle du rythme (PIAF, AFFIRM, RACE, STAF, HOT CAFE, AF-CHF, CAFE-II). En bref, aucune de ces deux stratégies ne se montrent supérieures à l’autre en terme de mortalité. Dans l’étude AFFIRM, la présence d’un rythme sinusal est un facteur prédictif indépendant de survie mais l’utilisation de drogues antiarythmiques est associée à une augmentation du risque de mortalité ; cette observation suggère un bénéfice de l’effet antiarythmique des médicaments aujourd’hui disponibles, bénéfice contrebalancé par leurs effets secondaires. En l’absence de données favorisant clairement une stratégie sur l’autre, il semble raisonnable d’individualiser le traitement en considérant le bénéfice et le risque de chaque stratégie. Notre pratique est d’essayer de donner sa chance au rythme sinusal et plus spécifiquement de contrôler le rythme chez les patients qui présentent soit des épisodes de fibrillation symptomatiques soit un premier épisode de fibrillation atriale persistante ou encore si le contrôle de la fréquence est difficile à obtenir. Contrôle de la fréquence cardiaque Contrôle pharmacologique de la fréquence Le contrôle de la fréquence est particulièrement important chez des patients insuffisants cardiaques pour éviter l’effet hémodynamique négatif d’une tachycardie et pour éventuellement prévenir le développement d’une « cardiomyopathie rythmique ». Le but est d’obtenir une fréquence cardiaque entre 60 et 80/mn au repos et entre 90 à 115 pendant un exercice modéré mais ces paramètres peuvent varier en fonction de l’âge du patient. La digoxine a un effet « limité » sur la fréquence cardiaque quand le tonus sympathique est élevé, par exemple pendant l’exercice, mais continue à avoir un rôle intéressant pour le contrôle de la fréquence chez les patients en insuffisance cardiaque. Capables également de diminuer la mortalité chez l’insuffisant cardiaque, les bêtabloqueurs sont des agents efficaces pour contrôler la cadence cardiaque. Ils peuvent être proposés en cas d’IC mais ne doivent être initiés qu’à faible dose suivie par une augmentation graduelle car leurs effets inotropes négatifs peuvent bien sûr avoir un effet
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