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Insuffisance cardiaque : qui assister, qui transplanter ?
J.-M. GRINDA et M.-O. BRICOURT

L’insuffisance cardiaque (IC) avancée est un problème de santé publique ; sa fréquence ne cesse d’augmenter. À côté des nombreuses voies de traitement (médicamenteuse, réadaptation cardiovasculaire, stimulation multisite et défibrillation ventriculaire, techniques chirurgicales conventionnelles de revascularisation, de reconstruction ventriculaire, d’annuloplastie mitrale, injections de cellules…), la transplantation cardiaque (TC) et les assistances circulatoires mécaniques (ACM) restent les voies de l’ultime recours.
Qui transplanter ? La TC reste le traitement de référence de l’IC terminale. Elle accroît significativement la survie, la capacité à l’effort et la qualité de vie comparativement au traitement classique. Contrairement aux ACM, les indications de TC n’ont guère connue d’évolution notable dans les dernières années. Sont candidats les patients porteurs d’une IC sévère, qui n’ont d’autre alternative thérapeutique, et dont la qualité de survie est médiocre : dyspnée au moindre effort, hospitalisations répétées pour décompensation cardiaque. L’optimisation du traitement médical peut permettre une certaine amélioration des patients, une régression, voire une disparition des symptômes cardiaques initiaux, et différer l’inscription sur liste de TC. Les critères de mise sur liste Ils sont multiples : • cliniques : importance de la surcharge hydrique, épanchements pleuraux réfractaires, ascite, • biologiques : natrémie, insuffisance rénale et/ou hépatique, • autres critères, telle la consommation maximale d’O2 à l’effort, la tolérance à l’effort, l’évolution de la courbe de poids, • hémodynamiques invasifs ou non (pression artérielle, fréquence cardiaque, fraction d’éjection, présence d’arythmie, pression capillaire bloquée). Ces critères aident à déterminer la survie statistique à moyen terme d’un patient donné. Ils permettent de reconnaître cliniquement des groupes dont l’évolution est statistiquement moins bonne. Les critères d’une moins bonne évolution d’une cardiopathie dilatée sont : • une classe fonctionnelle IV de la NYHA, • une consommation maximale d’O2 10 ml/kg/min, • une hyponatrémie 130 mmol/l, • des troubles du rythme ou de conduction à type de fibrillation auriculaire, retard de conduction sur la branche gauche, arythmie ventriculaire complexe, présence d’un bloc du 3 e degré, • une élévation de la pression capillaire bloquée, augmentation des pressions de l’oreillette droite. Cependant, en aucun cas, ces éléments ne permettent de déterminer de façon fiable le risque de décès d’un patient dans l’année. Les critères d’exclusion Ils sont également classiques et reconnus par la plupart des centres. Il s’agit de contre-indications pour la plupart relatives, pouvant être rediscutées au cas par cas : • l’âge > 65 ans, • une affection rénale ou hépatique irréversible, • une hypertension artérielle pulmonaire sévère fixée, • un diabète insulinodépendant avec micro- ou macroangiopathie, • une insuffisance respiratoire chronique grave, • une infection active ou pouvant être aggravée par l’immunosuppression. La seule évolution notable concerne l’âge limite des pa-tients, prenant en compte plutôt l’âge physiologique > 65 ans, ainsi que la non-exclusion systématique des patients HBV et HCV positifs. Si la TC reste le traitement chirurgical de référence, elle n’est proposée qu’à un nombre restreint de patients indemnes de pathologie associée grave limitant la survie et ne présentant pas de contre-indication à un traitement immunosuppresseur. Par ailleurs, la TC reste limitée par la pénurie de greffons cardiaques responsable d’une augmentation progressive des délais d’attente et du décès d’un nombre important de patients pendant cette attente. Qui assister ? De l’ultime recours à l’implantation semi-élective À la différence des TC, les indications d’ACM ont connues une nette évolution ces cinq dernières années. Due à l’amélioration des matériaux et à une diffusion de ces techniques à un plus grand nombre de centres, cette évolution porte à la fois sur le nombre d’implantations et sur leur objectif. Un ultime recours Il y a peu, l’implantation d’une ACM était proposée schématiquement dans deux circonstances : - détérioration progressive ou aiguë d’un patient sur liste de transplantation, - ou en urgence chez un patient en choc cardiogénique non référencé sur liste. Les critères traditionnels d’implantation d’ACM associaient critères hémodynamiques de choc cardiogénique et critères thérapeutiques (échec de deux inotropes aux doses maximales et contrepulsion intraaortique). Trop tardifs, ils amenaient à l’ACM les malades les plus graves, souvent à un stade déjà dépassé. Une implantation programmée Tous les efforts sont actuellement focalisés sur la sélection, voire le dépistage des patients devant bénéficier d’une ACM afin que l’implantation soit réalisée dans des conditions optimales chez un patient stabilisé, d’une manière semi-élective voire élective. On estime que 30 % des patients inscrits sur liste devraient bénéficier d’une ACM de manière quasiment programmée. Par ailleurs, une autre stratégie thérapeutique a vu le jour : l’ACM pourrait représenter un traitement définitif, voire une alternative à la transplantation (implantation définitive). Ce niveau d’excellence, basé sur la gestion des patients et des listes de transplantation, nécessite que les équipes en charge de ces patients aient une parfaite connaissance des matériaux d’assistance disponibles et de leurs indications respectives. Les différents systèmes d’ACM Ventricules pneumatiques : des paracorporels aux implantables. Jusqu’à peu, tous les systèmes étaient paracorporels, c’est-à-dire qu’ils reposaient sur l’abdomen du patient. L’évolution a été marquée par l’apparition de ventricules pneumatiques intracorporels insérés dans la paroi abdominale du patient. Ils ont le même mode de fonctionnement (figure 1). Figure 1. Assistance biventriculaire par ventricules pneumatiques : les canulations. Ils sont composés d’un boîtier comportant un compartiment sanguin (relié par l’intermédiaire de canules à l’apex du VG et à l’aorte ascendante pour l’assistance gauche et à l’oreillette droite et à l’artère pulmonaire pour l’assistance droite) et d’un compartiment aérien relié à une console pneumatique. L’activation pneumatique écrase le compartiment sanguin et provoque l’éjection du sang. Le caractère unidirectionnel du déplacement sanguin est garanti par la présence des prothèses valvulaires. Les différents ventricules pneumatiques extracorporels (Thoratec, Medos, Berlin Heart, etc.) ou intracorporels (Thoratec IVAD) (figure 2) permettent une assistance uni- ou biventriculaire de moyenne durée de l’ordre de quelques semaines à quelques mois. Leur prix varie de 30 000 à 75 000 euros pour une double Thoratec IVAD implantable. Figure 2. Ventricules pneumatiques : la coque en titane du Thoratec IVAD intracorporel. Assistances univentriculaires gauches implantables : des ventricules électromécaniques aux turbines à flux axial. Dans ce type d’ACM, seul le ventricule gauche est assisté (canule d’admission insérée à l’apex du VG et prothèse de réinjection suturée à l’aorte ascendante) par un matériel presque totalement implantable permettant de ce fait une bonne autonomie et le retour du patient à domicile. Après quinze années de suprématie des gros ventricules électromécaniques (900 g) générant un flux pulsé (le Novacor et TCI HeartMate), dont le coût est de l’ordre de 80 000 euros, sont apparues les turbines électromagnétiques à flux axial. Elles ont en commun (Debakey VAD, Thoratec heartmate II, Incor de Berlin Heart, Jarwick 2000) d’être miniaturisées (diamètre 30 mm, longueur 76 mm, poids 93 g pour la pompe axiale de Debakey) et de générer un flux continu non pulsé (figures 3 et 4). Leur prix est de l’ordre de 60 000 euros. Figure 3. Comparaison des tailles des différentes assistances uni-ventriculaires gauches implantables de type Novacor ®, TCI Heart Mate ®, et DeBakey ®. Figure 4. Assistance univentriculaire gauche implantable par turbine à flux axial de Debakey ®. Cœur artificiel orthotopique : du partiellement au complètement implantable. Le seul cœur artificiel orthotopique dont on dispose actuellement est le CardioWest (figure 5). Il s’agit de deux ventricules pneumatiques implantés en position orthotopique, après résection du massif biventriculaire, sur des collerettes auriculaires et reliés à l’aorte et l’artère pulmonaire par des tubes de dacron. L’énergie pneumatique est transmise par deux lignes d’activation transcutanée. Ce type dACM ne donne que très peu d’autonomie au patient. Figure 5. Cœur orthothopique partiellement implantable : Cardiowest ®. L’Abiocor, premier cœur artificiel total complètement implantable en position orthotopique, à activation électrique et doté d’un système de transmission transcutanée de l’énergie, suscite beaucoup d’espoir (figure 6). Il permettrait en effet une assistance biventriculaire de longue durée tout en assurant une parfaite autonomie au patient et son retour à domicile. Son évaluation clinique a été interrompue. Néanmoins, il représente un concept d’avenir et focalise les recherches en matière d’ACM du futur. Figure 6. Le cœur artificiel totalement implantable : système Abiocor ®. Les kits d’urgence mobile en assistance circulatoire : de l’ECMO à l’ECLS. Pratiquement abandonnée du fait de ses complications, l’ECMO ( Extra-Corporeal Membrane Oxygenation) connaît un regain d’intérêt sous le terme d’ECLS ( Extra-Corporeal life Support) du fait des améliorations technologiques (console plus fiable, pompes diagonales générant moins d’hémolyse, canules dotées d’un raccord permettant la perfusion de l’aval artériel afin d’éviter le risque d’ischémie du membre, oxygénateur de longue durée en fibres de polyméthylpentène de meilleure biocompatibilité, requérant une moindre anticoagulation, limitant le risque de saignement). Il s’agit toujours d’une circulation extracorporelle entre la veine et l’artère fémorale avec oxygénateur, mise en place par voie périphérique, voire percutanée, éventuellement au lit du patient (figures 7 et 8). Assistance de courte durée, de l’ordre de quelques jours, elle permet la gestion de la situation d’urgence en attente d’une éventuelle récupération ou de l’implantation secondaire, semi-différée, d’une ACM de plus longue durée (bridge to bridge). Le prix du consommable d’une ECLS est de l’ordre de 3 000 euros. Figure 7. ECLS (extra-corporeal life support) : circulation extracorporelle de type fémoro
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