



Rythmologie et rythmo interventionnelle
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La défibrillation cardiaque implantable : la France rattrape son retard
P. RITTER, InParys

CARDIOSTIM
Cette technique connaît de grandes disparités dans le monde quant au taux d’implantations. Pour des raisons économiques, il y a eu un frein, en France, au développement de cette thérapeutique, confinée à certains centres hospitaliers, mais la publication des recommandations a heureusement fait bouger nos autorités de tutelle (figures 1 et 2).
Figure 1. Fibrillation ventriculaire stoppée par un choc de 19 joules sur un défibrillateur double chambre (en haut : signal atrial ; au milieu : signal ventriculaire ; en bas : marqueurs de détection). Figure 2. Radiographie de face d’un défibrillateur atrio-biventriculaire, chez un patient insuffisant cardiaque. Où en sommes-nous des indications ? Greenberg et Coll. rapportent une différence encore notable du taux d’implantations entre l’Europe et les États-Unis. Des disparités dans les indications Les Européens implantent davantage en prévention secondaire (après une mort subite récupérée), qu’en prévention primaire (implantation sur la seule notion de risque de mort subite sans épisode préalable), encore que nous utilisons davantage la resynchronisation, une technique née en Europe. Il est toutefois évident (Goldman et coll.) que le taux d’implantations progresse avec la publication des recommandations internationales et, de fait, l’intérêt des explorations électrophysiologiques pré-implantation a largement diminué (Telfer et coll.). Defaye et coll. rapportent l’expérience française allant dans le même sens, indiquant que les patients du groupe prophylactique sont en moyenne plus jeunes (60 contre 63 ans), ont une fraction d’éjection VG plus basse (31 contre 39 %) et ont trois fois moins d’épisodes d’arythmies ventriculaires traités que le groupe prévention secondaire, ce qui est en contradiction avec ce qui suit. Greenberg note cependant que, contrairement aux recommandations, le taux d’implantations de systèmes double chambre dépasse 50 % chez les patients du groupe prévention primaire, qui représentent 75 % des 2 084 patients de l’étude ! Le nombre des indications antibradycardiques associées n’explique pas un taux aussi élevé. Les patients implantés en prévention primaire reçoivent-ils des thérapies différentes de celles des patients implantés en prévention secondaire ? Le risque de développer des arythmies ventriculaires est similaire dans les deux groupes (Schmitz et coll.), ce qui apporte une preuve du bien-fondé des indications de prévention primaire, de même que celui des arythmies supraventriculaires. Proportionnellement, les patients « primaires » reçoivent plus de chocs inappropriés que les patients « secondaires », probablement parce que la programmation de la prothèse par le médecin tient compte des arythmies déjà connues des patients « secondaires », alors que cela n’est pas possible dans le groupe « primaire », qui n’en ont, par essence, jamais fait. D’où l’importance d’algorithmes sophistiqués de discrimination des rythmes par le défibrillateur, domaine où il reste beaucoup à faire. Kreuz et coll. confirment ces résultats et retrouvent aussi ce taux plus élevé de chocs inappropriés dans la population implantée sur le mode de la prévention primaire, essentiellement en raison de l’apparition d’arythmies supraventriculaires. Ils insistent sur l’importance d’un suivi plus serré, tout spécialement dans cette population, destiné à accumuler les informations sur la survenue des arythmies et événements non ventriculaires qui conduisent à une reprogrammation, ou la mise en route d’une thérapeutique antiarythmique efficace à l’étage atrial. Le but est, bien sûr, d’éviter des chocs inappropriés. Pavin et Coll. ont analysé dans le détail les causes de chocs inappropriés chez 665 patients implantés avec un modèle simple chambre (n = 273) ou double chambre (n = 392), suivis pendant 14 mois en moyenne (l’étude OPERA). Une thérapie inappropriée est délivrée chez 7,2 % des patients de la population (autant sur simple que double chambre), un taux faible qui révèle la qualité de programmation des prothèses. Une fibrillation atriale est documentée chez 27 % des patients. Dans la moitié des cas, la thérapie est initialement inhibée, puis finalement délivrée en raison d’un changement de type de rythme de la tachycardie, ou parce que la durée maximale de rythme supraventriculaire soutenu a expiré. Surtout, une reprogrammation de la prothèse permet de les éviter dans un tiers des cas. Les critères prédictifs de choc chez 463 patients implantés, suivis sur 9 mois (Catanzaro et coll.), sont pour les chocs appropriés, l’âge, les syncopes, l’utilisation de digitaliques, et pour les inappropriés, un âge 71 ans, la fibrillation atriale, la réparation aortique/mitrale, une fonction VG normale. Les critères prédictifs d’orage rythmique chez les patients implantés avec un défibrillateur-resynchroniseur multisite (Gasparini et coll.) sont la prévention secondaire et une étiologie non ischémique. Quelles sont les complications des défibrillateurs implantables ? De nombreux auteurs ont évoqué les chocs inappropriés, l’importance d’un suivi régulier et d’une programmation personnalisée. La qualité de prise en charge impacte la qualité de vie et le confort psychologique des patients. Ainsi, dans une étude japonaise (Abe et coll.), regroupant 1 965 patients implantés, 75 % étaient régulièrement employés avant l’implantation, 31 % ont perdu leur emploi, 9 % n’ont pas souhaité reprendre leur emploi, 21 ont été reclassés, et 39 % ont retrouvé leur emploi initial. Trente-six pour cent des patients ont reçu un choc, 11 % sur leur lieu de travail, et 54 % chez eux. Ces chiffres impressionnants expliquent bien la nécessité d’une prise en charge psychologique particulière de ces patients afin qu’ils retrouvent leur mode de vie préalable. Dans un second rapport, cette fois d’origine américaine par Olshansky et coll., la qualité de vie de 1 530 patients porteurs d’un défibrillateur s’améliore nettement lors de la première année et ne semble pas influencée par la survenue de chocs, aussi bien au plan physique que mental. Ces résultats positifs n’analysent cependant pas le retour au travail des Américains, un élément probablement plus révélateur de l’impact physique et mental des défibrillateurs. De la même façon, Undavia et coll. rapportent le stoïcisme américain face aux « recalls », ces avis de remplacement de prothèse en raison d’un risque de panne d’origine technique, qui ne semblent pas influer non plus sur la qualité de vie physique et mentale en aucune façon. Observe-t-on une évolution du pronostic et des complications du fait de l’extension des indications à de nouvelles populations ? Dans SCD-HeFT, une étude regroupant 811 patients en classe II et III de la NYHA pour l’insuffisance cardiaque, une fraction d’éjection abaissée à moins de 35 %, et ayant révélé une réduction de 23 % de la mortalité du groupe porteur de défibrillateur comparativement au seul traitement médical, Poole et coll. rapportent qu’au cours d’un suivi de 45 mois, le fait de recevoir un choc, qu’il soit approprié ou inapproprié, est un facteur indépendant de mortalité. Si les patients reçoivent les deux types de choc, les risques de mortalité sont additifs. Dans le cadre de la prévention secondaire, Fauchier et coll. analysent le type d’arythmies ventriculaires des 226 patients inclus dans l’étude VALID. Les données des défibrillateurs ayant enregistré tachycardies et fibrillations ventriculaires des 190 patients (156 ischémiques et 34 non ischémiques) ont été colligées. Sur un suivi de 338 jours, 54 patients ont reçu des thérapies appropriées, dont le taux est similaire dans les deux groupes, ainsi que le nombre d’épisodes annuels. En revanche, le taux de tachycardies ventriculaires soutenues monomorphes était plus élevé chez les ischémiques (89 vs 50 %), et celui des fibrillations et tachycardies ventriculaires polymorphes plus élevé chez les non-ischémiques, d’où des implications de programmation et de thérapie médicamenteuse pour chacun des groupes. Globalement les sujets porteurs de défibrillateur, non diabétiques, ont un meilleur pronostic que les diabétiques (étude SCD-HeFT menée chez 2 521 patients incluant 767 diabétiques (Exner et coll.)), avec un risque de mortalité globale multiplié par 1,54, de mort subite, par 1,75, et de mortalité par insuffisance cardiaque, par 1,46. En France, les femmes implantées sont moins nombreuses que les hommes, sont plus jeunes et ont une meilleure fonction VG (Fatemi et coll.). Olshansky et Coll. mentionnent un taux d’événements et un risque de mortalité plus élevés chez les femmes dans l’étude INTRINSIC RV. Chez l’enfant, selon Kantoch et coll. les indications de prévention primaire l’emportent sur celles de prévention secondaire (33 contre 7 sur 40), avec encore 20 % de chocs inappropriés, les causes produisant les mêmes effets que chez l’adulte. Lewandowski et coll. rapportent 24 % de thérapies appropriées et 28 % d’inappropriées chez 46 enfants et jeunes adultes suivis 52 mois. Ici, le contrôle de la détection des ondes T est mis en avant. À l’opposé de l’échelle des âges, chez 35 patients de 75 à 92 ans, les mêmes bénéfices cliniques que chez les patients plus jeunes (n = 445) sont retrouvés par Grimm et coll, sachant que la population est plus féminine et les cardiopathies plus souvent ischémiques. De surcroît, le taux de complications est similaire. En dehors des problèmes économiques, la technique ne doit pas être limitée aux sujets jeunes. Et les aspects techniques ? Depuis que le site de stimulation apicale ventriculaire droit est devenu « satanique », les implanteurs tentent de poser la sonde ailleurs, notamment au niveau du septum interventriculaire pour préserver une fonction VG volontiers altérée chez les porteurs de défibrillateur. Mabo et coll. notent que, chez 24 patients, cette pratique se révèle techniquement faisable et sûre, sans preuve de dysfonction de prothèse ou d’inefficacité des thérapies. Cette analyse est confirmée par Ender et coll. dans une étude randomisée chez 47 patients, comparant les sites apical et septal ventriculaires droits. La différence de niveau de seuil de défibrillation n’est que de 2,5 joules en moyenne au détriment du site septal. Ce détail est d’importance à l’ère de la stimulation multisite dans l’insuffisance cardiaque. Les complications À ce propos, s’il n’y a pas
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