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Coronaires

Publié le  Lecture 12 mins

Le patient multitronculaire : quel mode de revascularisation myocardique à l'ère des stents actifs ?

D. CARRIE, CHU de Toulouse

XVIes Journées européennes de la SFC

C’est en 1967 que R. Favaloro (Cleveland Clinic) réalisa le premier pontage aortocoronaire (PAC) veineux chez l’homme. Dix ans plus tard, A. Grüntzig ouvrit une nouvelle ère de la revascularisation myocardique grâce à l’angioplastie transluminale coronaire (ATC) avant que n’évolue la technique avec l’arrivée des endoprothèses coronaires en 1986. À l’ère des stents actifs, la question la plus pressante est habituellement de savoir si l’on choisit une dilatation ou un pontage en sachant que de nombreux facteurs cliniques, anatomiques voire techniques, doivent être pris en compte avant de choisir tel ou tel mode thérapeutique.

Chirurgie de pontage aortocoronaire Comparaison des effets du pontage aortocoronaire et du traitement médical sur le pronostic de l’angor stable Trois grandes études et une métaanalyse font référence dans l’histoire de la chirurgie de pontage aortocoronaire. La Veterans Administration Study (1972-1974) ne retrouve pas de différence significative sur la survie à moyen et long termes dans le sous-groupe des patients à faible risque ; en revanche, elle met en évidence une différence significative en faveur de la chirurgie à 7 ans (72 vs 52 %) et à 11 ans (49 vs 36 %) dans le sous-groupe de patients à haut risque (lésions tritronculaires, fraction d’éjection 50 %). L’étude européenne ECS (1973-1975) met en évidence une meilleure survie à 5 ans (93 vs 82 %) et à 10 ans (76 vs 65 %) dans le groupe chirurgie chez les patients bi ou tritronculaires avec lésion de l’IVA proximale. L’étude CASS (1975-1979) retrouve, là encore, une amélioration de la survie à 10 ans (75 vs 58 %) dans le groupe chirurgical chez les patients tritronculaires à fraction d’éjection 50 %. Enfin, la métaanalyse, regroupant 7 essais réalisés entre 1972 et 1984, dont les 3 principales études sus-citées, a inclus 2 649 patients ayant une cardiopathie ischémique stable avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche de 59,4 % ( 50 % chez 19,7 %). Résultats La chirurgie de principe, comparativement à la stratégie médicale initiale : • diminue globalement la mortalité de 39 % à 5 ans : 10,2 vs 15,8 % ; de 32 % à 7 ans : 15,8 vs 21,7 % ; de 17 % à 10 ans : 26,4 vs 30,5 % ; • est surtout efficace sur la mortalité à 5 ans en cas de sténose du tronc commun de la coronaire gauche (réduction de 68 % ; p = 0,004), d’atteinte tritronculaire (réduction de 42 % ; p 0,001) et de sténose proximale de l’IVA, quel que soit le nombre de troncs atteints (réduction de 42 % ; p = 0,001) ; • prolonge la survie à 10 ans de 8,8 mois chez les patients à risque élevé et de 5 mois lorsque le risque est modéré, mais a tendance à la raccourcir de 1,1 mois chez les patients peu menacés (le risque étant défini à partir d’un score prenant en compte l’âge, la sévérité de l’angor, la fraction d’éjection, la sévérité de l’atteinte coronaire angiographique, un antécédent d’infarctus, de diabète ou d’hypertension artérielle. Commentaires Dans l’angor stable, la chirurgie est d’autant plus efficace que l’atteinte coronaire est plus sévère (sténose du tronc commun, atteinte tritronculaire, sténose proximale de l’IVA). Le bénéfice a tendance à s’estomper avec le temps (altération des pontages), mais il reste significatif à 10 ans. La dysfonction ventriculaire gauche, un antécédent d’infarctus et la positivité de l’électrocardiogramme d’effort constituent des facteurs aggravants du pronostic. La chirurgie pourrait aggraver le pronostic à long terme des patients dont la cardiopathie ischémique est à faible risque (un tiers des patients de cette série). Les résultats de cette métaanalyse ne peuvent s’appliquer aux femmes et aux patients âgés de plus de 65 ans, qui représentent ici une très faible proportion. Angioplastie transluminale coronaire Grâce à l’évolution technologique, à l’expérience croissante des opérateurs et au meilleur environnement thérapeutique, l’angioplastie coronaire est devenue la technique de revascularisation myocardique la plus utilisée. Actuellement en France, la moitié des angioplasties sont réalisées chez des patients multitronculaires et le nombre d’interventions dans notre pays peut être estimé à 120 000 procédures par an pour 60 millions d’habitants. Lorsqu’on analyse les registres d’angioplastie coronaire, on peut s’apercevoir que, malgré l’âge plus avancé des patients, la survenue plus fréquente d’angor instable et la présence de lésions coronaires le plus souvent multitronculaires, il existe au fil des ans une augmentation du taux de succès primaire sans augmentation du taux de complications hospitalières puisque le taux de mortalité est voisin de 1 % et celui de l’infarctus du myocarde de 5 %. Taux d’événements coronaires à court et à long termes chez les patients traités par chirurgie (PAC) ou par angioplastie (ATC) De nombreuses études rétrospectives et non randomisées font ressortir que la chirurgie : • traite des patients avec des caractéristiques basales plus péjoratives, • donne d’aussi bons résultats que l’ATC en termes de succès primaire et de survie à 5 ans, • revascularise de façon plus complète avec un taux d’infarctus et de mortalité peropératoire identiques, • entraîne un taux plus élevé d’accident vasculaire cérébral, • nécessite un séjour hospitalier plus long, • retrouve moins d’événements secondaires, • enfin, est supérieure à l’angioplastie s’il existe des lésions tritronculaires ou bitronculaires avec atteinte de l’IVA proximale. Toutefois, ces larges études prêtent à discussion car elles sont rétrospectives, non randomisées et s’adressent à une population hétérogène. C’est pourquoi, dès 1988, de nombreuses études prospectives et randomisées ont comparé la chirurgie à l’angioplastie dans des populations homogènes de patients porteurs de lésions coronaires multitronculaires. Études randomisées comparant angioplastie au ballon et chirurgie Six études internationales se proposaient de comparer les résultats de l’angioplastie et du pontage aortocoronaire sur l’incidence combinée des décès et infarctus du myocarde (IDM) non mortels, chez des coronariens multitronculaires nécessitant une revascularisation myocardique et chez lesquels l’une ou l’autre de ces techniques était réalisable. Résultats • les patients inclus dans ces études sont très sélectionnés et ne représentent qu’environ 10 % de la population générale pluritronculaire ; • la procédure prévue a été réalisée chez plus de 95 % des patients ; • chez plus de 90 % des patients assignés à la procédure chirurgicale, tous les vaisseaux que l’on avait prévu de ponter ont pu l’être (pontage mammaire interne variable : 37 % dans l’étude GABI, 58 % dans l’étude toulousaine, 74 % dans l’étude RITA et 82 % dans l’étude BARI) ; • la dilatation de toutes les artères prévues a été tentée chez plus de 85 % des patients ; le taux de succès a été supérieur à 80 % et atteignait près de 90 % si l’on ne prenait pas en compte les tentatives de désobstruction des vaisseaux occlus. L’angioplastie par rapport au pontage • n’a pas modifié la mortalité totale (2 à 6 %) à 1 an ; • n’a pas influé sur l’incidence des IDM non mortels (8 %) ; • a augmenté la proportion de patients gardant un angor ; • a accru le risque de revascularisations itératives dans l’année, qu’il s’agisse d’un pontage (15 vs 1 %) ou d’une angioplastie (20 vs 3 %), la proportion de patients n’ayant eu que la procédure initiale étant d’environ 60 % seulement contre plus de 90 % dans le groupe chirurgie. Suivi à long terme Sur un suivi allant de 3 à 8 ans, il n’y a pas de différence significative en termes de mortalité entre les deux groupes randomisés. En revanche, le groupe angioplastie développe une récurrence d’événements angineux plus fréquente avec un taux de réinterventions significativement plus important (p 0,002) comparativement au groupe chirurgical (14 vs 5 %). La survie libre d’événements cardiaques est supérieure à 80 % dans le groupe chirurgical contre 65 % dans le groupe angioplastie. Si une intervention de pontage aortocoronaire paraît, à court terme, plus agressive et deux fois plus chère, il faut tenir compte à plus long terme des récidives d’angor et de la nécessité de nouvelles procédures plus fréquentes après angioplastie coronaire qui entraînent à 5 ans un coût moyen de la procédure identique entre les deux groupes. Limites de telles études Le sous-groupe des patients à fonction ventriculaire gauche très altérée est minoritaire. Les patients à haut risque (sténose du tronc commun gauche, etc.) ne sont pas randomisables et sont exclus de ces études. Cette population très sélectionnée n’est donc pas représentative de la population générale. L’ATC peut être pénalisée puisque le suivi est court et que peu de procédures ont bénéficié de stents. Nouvelles études randomisées comparant stent classique et chirurgie de pontage aortocoronaire C’est pourquoi, et bien que n’étant pas le reflet de la population générale, de nouvelles études randomisées (ERACI II, ARTS I, SOS, MASS-2) comparant la chirurgie de pontage la plus artérielle possible à l’angioplastie coronaire avec implantation d’endoprothèses non actives ont été proposées. L’étude ERACI II retrouve à la fin du premier mois plus d’événements coronaires majeurs avec la chirurgie, et notamment plus de décès et plus d’infarctus myocardiques, cet écart restant significatif en faveur de l’angioplastie à 41 mois. Dans l’étude ARTS, ces résultats ne sont pas retrouvés puisque les taux combinés de mortalité, d’IDM et d’AVC sont identiques à 1 an. Une des explications majeures d’une telle différence est que, dans l’étude ERACI, sont inclus 91 % de patients en angor instable contre 37 % dans l’étude ARTS. En revanche, le taux de revascularisations secondaires à 1 an est identique dans les deux études avec une survie libre d’interventions coronariennes voisine de 80 % dans le groupe angioplastie et de 95 % dans le groupe chirurgie (p 0,0001). Dans le sous-groupe des diabétiques (208 patients), si les taux de mortalité et d’infarctus sont similaires dans les deux groupes, la survie libre d’événements coronaires est en faveur de la chirurgie (84,4 vs 63,4 %, p 0,001) à 1 an. En termes de rapport coût-efficacité, l’étude ARTS retrouve respectivement dans le groupe angioplastie une économie par patient de 2 965 euros à 1 an pour 14 % d’événements coronaires en sus et à 3 ans de 1 500 euros avec toutefois un pourcentage de nouvelles revascularisations de 29,2 %, contre 7,3 % dans le groupe chirurgie. Le suivi clinique à 5 ans de l’étude ARTS I donne les conclusions suivantes • il n’y a aucune différence en termes de mortalité entre les deux groupes chez les

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