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Insuffisance cardiaque - Le temps des bilans
J.-N. TROCHU, hôpital Nord Laënnec, CHU de Nantes

AHA
En l’absence de réelle nouveauté dans le domaine des thérapeutiques médicamenteuses de l’insuffisance cardiaque (IC), les indications d’implantation du DAI se peaufinent. L’heure est au bilan des traitements existants, qu’il s’agisse de thérapeutiques électrique ou médicamenteuse.
Registre EVADEF J.-Y. Le Heuzey a présenté les résultats du registre EVADEF (abstract 2689) concernant les causes de mortalité de 2 418 pa-tients âgés de 60 ± 15 ans implantés avec un défibrillateur automatique (DAI) entre 2002 et 2003, et suivis jusqu’en 2005. La FEVG était de 39 ± 16 %, la classe NYHA II et III dans 65 % des cas, et les indications d’implantation étaient une cardiopathie ischémique dans 60 % des cas, une cardiomyopathie dilatée dans 16 % des cas, une cardiomyopathie hypertrophique dans 6 % des cas, une cardiopathie valvulaire dans 4 % des cas, un syndrome de Brugada dans 5 %, une dysplasie arythmogène du ventricule droit dans 3 % des cas. Les indications de prévention secondaire représentaient 82 % des indications. La moitié des décès était due à l’insuffisance cardiaque (37,5 %) ou un arrêt cardiaque hémodynamique avec dissociation électromécanique (13 %), suivis par les causes non cardiovasculaires, incluant les cancers (11 %), le choc septique (7 %) ou les complications de la transplantation cardiaque (4,6 %). Les arythmies fatales ne représentaient que 6 % des causes de décès. Les complications périopératoires atteignaient une fréquence de 13 %, principalement les hématomes. À l’heure du bilan Analyse de la perception des bénéfices et risques des DAI chez les patients insuffisants cardiaques Les patients insuffisants cardiaques peuvent décéder subitement, en raison de troubles du rythme ventriculaires et de la conduction, ou d’une dissociation électromécanique, ou progressivement d’insuffisance cardiaque irréductible. En prévention secondaire, le défibrillateur automatique implantable (DAI) apporte un bénéfice important sur la survie et le confort des patients ayant subi un événement rythmique sévère. Les indications de DAI en prévention primaire de la mort subite sont croissantes, mais en réalité de nombreux patients en stade II et III décèderont de causes non prévenues par le DAI. Les chocs inappropriés Ces appareils ont un coût élevé et il existe des risques de complications (de 4 à 8 %) et de chocs inappropriés, surtout chez les patients en fin de vie pour lesquels on peut se poser la question d’arrêter la fonction de défibrillation. Il est donc nécessaire de bien informer les patients des bénéfices et des risques de l’implantation d’un DAI. G. Stewart (Brigham and Women’s Hospital, Boston, Etats-Unis) a analysé auprès de 104 patients leur perception des bénéfices sur la survie et les complications associées à l’implantation d’un DAI (abstract 1877). Ces patients, interrogés entre février 2005 et janvier 2006, étaient pour 76 % d’entre eux des patients suivis en ambulatoire pour une insuffisance cardiaque symptomatique (FEVG moyenne 21 %, pic VO2 14,7 ml/kg/min, BNP 809 pg/ml), n’avaient jamais eu de syncope ni de trouble du rythme ventriculaire ; 67 d’entre eux avaient eu un DAI en prévention primaire. La moyenne d’âge était de 58 ans, 71 % étaient des hommes et 78 % étaient en classe 2 et 3 de la NYHA. L’ancienneté de leur insuffisance cardiaque était supérieure à 5 ans pour 52 % d’entre eux, de cause ischémique dans 35 % des cas. Les vies sauvées La première question posée aux patients concernait l’estimation du nombre de vies sauvées pour 100 patients traités par un DAI pendant une période de 5 ans. Pour mémoire, l’étude SCD-Heft retrouvait que 7,2 vies sur 100 étaient sauvées par le DAI pendant une période de 5 ans et que, dans 29 % des cas, les patients décédaient d’insuffisance cardiaque. Dans cette étude de Stewart et al., 77 % des patients surestimaient le bénéfice réel (bénéfice > 10 vies sauvées pour 100 patients traités) et 50 % des patients pensaient que le DAI sauverait 50 % des patients. Les patients déjà implantés avec le DAI estimaient plus souvent que le DAI sauverait leur vie (6 %) que les patients non implantés (16 %), et 48 % des patients acceptaient l’implantation d’un DAI si le bénéfice atteignait 5 vies sauvées sur 100 pendant 5 ans. Les patients sous-estimaient le nombre de complications mais 52 % acceptaient un DAI quel que soit le nombre de chocs inappropriés (dans l’étude SCD-Heft environ un tiers des chocs n’étaient pas nécessaires). Interrogés sur la possibilité d’une fin de vie de l’appareil, 39 % des patients n’étaient pas favorables à l’arrêt de la fonction défibrillation du DAI et, pour 55 %, même s’ils recevaient des chocs quotidiens, ou pour 70 %, même s’ils décédaient d’une pathologie cancéreuse ou, pour 98 %, s’ils souffraient d’une dyspnée permanente. Cette étude souligne la mauvaise compréhension des patients quant aux bénéfices et complications du DAI en prévention primaire dans l’insuffisance cardiaque chronique congestive et renforce la nécessité de délivrer une meilleure information aux patients. L’insuffisance cardiaque reste une maladie sévère, et les décès au stade avancé surviennent le plus souvent sous forme d’une insuffisance irréductible plutôt qu’une mort subite. Âge, mort subite et IC sévère L’âge avancé est un facteur de risque de mortalité dans l’insuffisance cardiaque. L’étude de Lindenfeld et al. (abstract 1880) s’est intéressée à l’effet de l’âge sur la mortalité subite des patients insuffisants cardiaques inclus dans l’étude BEST. Cette étude a inclus 2 708 patients en stade 3 et 4 de la NYHA avec une FEVG ≤ 35 % et a évalué par une méthode de régression logistique la probabilité de décès en rapport soit avec une défaillance cardiaque soit une mort subite, en fonction de l’âge par décade, du traitement et de la FEVG. L’âge moyen des patients était de 60 ± 12 ans (19-93 ans). Sur les 860 décès, 647 étaient rattachés à une défaillance cardiaque (n = 262) ou une mort subite (n = 385). Indépendamment de la FEVG et du groupe de traitement, les auteurs ont montré que l’âge est un facteur aggravant de mortalité par défaillance cardiaque (p = 0,0002, odds ratio de 1,30 par décennie). Pour chaque décennie, le risque de décéder d’IC progressive par rapport au risque de mort subite augmente d’un facteur 1,30, le rapport (mort subite/(mort subite + défaillance cardiaque progressive) passant de 70 % à la troisième décennie, à 51 % à la 8e décennie. L’âge avancé est donc associé à un risque moindre de mort subite dans l’IC sévère et doit donc faire discuter les indications de DAI chez les patients les plus âgés. Quand « passer la main » au traitement électrique ? Quel délai observer entre la prise en charge initiale et l’implantation d’un stimulateur biventriculaire (CRT) et/ou DAI ? Chez les patients admis en hospitalisation pour une IC de découverte récente se pose souvent la question du délai envisagé avant de considérer l’échec du traitement médical optimal et de décider l’implantation d’un défibrillateur ou d’un stimulateur biventriculaire. Les essais incluant les patients avec un diagnostic récent d’IC n’ont pas montré de bénéfice significatif, peut-être en raison d’une réduction du risque grâce au traitement médical. Zecchin et al. (Trieste, Italie, abstract 1882) ont étudié les modifications d’indications de DAI ou d’une CRT observées au cours du suivi médical (6, 12 et 24 mois) chez les patients éligibles pour ces appareillages au moment de leur admission selon les critères de SCD-Heft ((LVEF ≤ 0,35, NYHA classe II-III) pour le DAI, et de CARE-HF/COMPANION pour la resynchronisation avec ou sans DAI (LVEF ≤ 0,35, NYHA classe III-IV, BBG). Cette étude était basée sur un registre constitué de 1978 à 1992 qui incluait 405 patients (âge 43 ± 14 ans, FEVG 0,30 ± 0,09, NYHA classe II ± 0,8). Parmi eux, 319 patients ont survécu et ont été suivis 2 ans, 82 % étaient traités par un bêtabloquant, et 86 % par un IEC. La mortalité totale (et subite) était de 7 % (2 %) à 6 mois, 9 % (3 %) à 12 mois et 13 % (3 %) à 24 mois. La proportion de patients répondant aux critères de SCD-Heft est passée de 53 % au moment du diagnostic, à 23 % à 6 mois, 22 % à 12 mois an et 21 % à 24 mois. La proportion de patients répondant aux critères de CARE-HF/COMPANION est passée de 11 % au moment du diagnostic, à 4 % à 6 mois, 3 % à 12 mois et 4 % à 24 mois. Les auteurs concluent que la proportion de patients répondant aux critères d’implantation de DAI et de CRT diminue significativement passé le 6e mois de traitement médical optimal, avec des taux de mortalité totale et subite modérés au cours de cette période. Les indications d’implantation devraient donc prendre en compte un délai d’observation probablement de l’ordre de 6 mois sous traitement médical (au minimum trois mois, délai le plus souvent nécessaire pour obtenir l’optimisation du traitement médical et objectiver les premiers stigmates de l’amélioration clinique et/ou du remodelage inverse) en l’absence de facteurs de gravité. Existe-t-il un test non invasif pour prédire le risque de mort subite ? Les indications de prévention primaire de la mort subite par l’implantation d’un DAI reposent essentiellement sur l’altération de la FEVG ; cette approche, nous l’avons vu, est d’une rentabilité clinique modérée et relativement coûteuse. L’étude de l’alternance électrique est une approche non invasive qui pourrait dépister les patients à haut risque de mort subite. L’association d’une alternance électrique et du risque de mort subite est connue de longue date mais ce n’est que depuis quelques années, grâce aux progrès de l’informatique et de logiciels spécifiques d’analyse et de traitement du signal, qu’ont pu être développés des outils permettant d’étudier les apports pronostiques de l’alternance électrique. Cette recherche est réalisée à l’occasion d’une épreuve d’effort sur tapis roulant et consiste à analyser les micromodifications de l’onde T d’un complexe à l’autre grâce à un logiciel spécifique [technique dénommée Microvolt T wave Alternans (MTWA)]. Les résultats de l’étude ABCD ont été détaillés par J. Mansourati. Dans cette étude, la FEVG moyenne était de 28 % ; les patients étaient traités par bêtabloquant dans 86 % des cas, par IEC dans 89 % des cas, par statine dans 81 % des cas ; 77 % ont eu un
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