L’échocardiographie 3D temps réel - Une révolution pour le clinicien
Ph. ACAR, hôpital des Enfants, Toulouse
L’apparition du 3D embarqué dans l’échocardiographe propulse la méthode vers une utilisation clinique courante. La sonde matricielle 4 x permet une acquisition transthoracique volumique instantanée. Plusieurs modes d’imagerie 3D sont utilisables : 3D volumique, biplan et plus récemment Doppler couleur 3D.
Les applications du 3D sont multiples dans les cardiopathies acquises ou congénitales : valvulopathies, shunts, pathologies de l’aorte. Les mesures quantitatives des volumes ventriculaires permettent une analyse fiable de la fonction ventriculaire. La facilité d’utilisation de la sonde matricielle devrait imposer le mode 3D dans l’échocardiographie de routine au même titre que les modes 2D et Doppler. Son apport devrait être décisif dans nombre de cardiopathies avant chirurgie plastique ou cathétérisme interventionnel.
L'échocardiographie 3D est une imagerie nouvelle qui a démontré son utilité dans la description des valvulopathies et des défauts septaux. Son développement clinique s’est heurté à l’acquisition longtemps limitée à la voie œsphagienne et au temps de reconstruction des images 3D. Des méthodes d’acquisition transthoracique sont apparues, mais avec toujours la même nécessité de transfert des images numériques sur une station déportée, ce qui signifiait perte de temps et de résolution de l’image. L’apparition récente de l’échocardiographie 3D temps réel est le fruit d’une longue recherche concernant le mode d’acquisition. La sonde matricielle cardiaque est le premier pas décisif vers une acquisition volumique instantanée. L’imagerie 3D est ainsi acquise et visualisée en temps réel, sans perte d’information numérique. Les études cliniques de la technique sont actuellement réduites à sa faisabilité, qui est excellente. Nous aborderons la méthode puis les applications de l’échocardiographie 3D temps réel. Méthode La sonde matricielle La sonde matricielle 4 x est reliée à l’échocardiographe Sonos 7500 (Philips, Andover, US). La fréquence d’émission de la sonde varie de 2 à 4 MHz. La sonde 4 x permet une acquisition volumique instantanée du cœur battant grâce aux 3 000 éléments piézoélectriques ; par comparaison, une sonde phased array standard 2D contient 64 à 128 éléments (figure 1). Tous les éléments piézoélectriques sont connectés électriquement grâce à son propre formateur de faisceau ultrasonore composé de 150 cartes électroniques. L’ensemble informatique miniaturisé dans la poignée confère à la sonde une ergonomie acceptable pour des examens pédiatriques. Figure 1. Sonde matricielle cardiaque (à droite). Sa taille et son poids sont un peu supérieurs à ceux d’une sonde phased array standard (à gauche). Trois mille éléments piézoélectriques sont connectés électriquement grâce à un formateur de faisceau ultrasonore composé de 150 cartes électroniques. L’imagerie 3D temps réel L’imagerie échographique 3D temps réel permet d’acquérir et de visualiser un rendu volumique en temps réel. La densité de lignes choisie influe sur la résolution spatiale et la taille du volume 3D. En utilisant des hautes densités, la résolution spatiale est maximale avec un volume large de 40° et épais de 20°. Une densité faible réduit la résolution spatiale en augmentant le volume acquis de 60° sur 30°. L’acquisition 3D temps réel peut être facilitée par l’option image de références qui donne sur l’écran le volume 3D ainsi que la coupe 2D. Le réglage des gains est essentiel en imagerie 3D temps réel : - trop élevé, les tissus trop brillants empêchent de voir l’intérieur de la cavité ; - trop faible, les valves ou les septa sont faussement troués. Le niveau de gain adéquat est trouvé en passant d’un réglage faible à un réglage élevé jusqu’à l’obtention d’une bonne visualisation des structures valvulaires et des tissus adjacents. La colorisation sépia de l’image 3D aide à un meilleur rendu volumique. Acquisition d’un volume total Le terme de volume total désigne un mode d’acquisition dans lequel les données acoustiques sont recueillies par sous-volumes, puis associées pour créer une image volumique de grande dimension (figure 2). La synchronisation à l’ECG est indispensable afin de caler temporellement le rendu volumique final. Le mode prévisualisation permet de matérialiser les limites du volume total qui doit contenir l’anatomie d’intérêt (valve aortique, pilier mitral, etc.). Quatre sous-volumes sont acquis, si possible en apnée, afin de réduire les artefacts de respiration (temps d’acquisition 15 secondes). En haute résolution, le volume total est large de 60° et épais de 60° (90° x 90° en faible résolution). Le volume total peut être découpé à partir de la station Sonos afin de visualiser la zone anatomique en 3D. La fenêtre de découpe permet de découper le volume selon les axes latéraux, de profondeur ou d’élévation du volume. Si la zone anatomique n’est pas parallèle à ces 3 axes, le plan de découpe peut être modulable, multipliant les axes de découpe. Aucune mesure géométrique ne peut être réalisée dans le volume 3D. L’utilisation d’une station déportée (TomTec, Munich, AL) permet des mesures 3D : surface valvulaire, volume ventriculaire et diamètre des communications interauriculaires. Figure 2. Acquisition d’un volume total 3D. À partir d’un plan de coupe de référence, 4 sous-volumes synchronisés sur l’ECG sont acquis successivement. Le temps moyen d’acquisition est court (10 secondes environ). Doppler 3D couleur Le mode Doppler 3D couleur ne peut être utilisé qu’en acquisition de volume total. Sept sous-volumes synchronisés à l’ECG sont acquis en apnée (si possible). Le volume 3D couleur peut être découpé de la même façon que le volume total (découpe par fenêtre ou modulable). Les jets de régurgitation ou de shunt peuvent être visualisés en 3D couleur avec ou sans l’image 3D des tissus surajoutés (valves ou septa) (figures 3 A-B). Aucun calcul de vélocité ne peut être effectué à partir du volume 3D couleur. En effet, les vélocités 3D correspondent à des projections moyennes et ne sont pas nécessairement indicatrices des vélocités affichées en imagerie couleur 2D. Toutes les acquisitions 3D (temps réel, volume total, volume couleur) sont stockées immédiatement sur le disque dur 3D du Sonos. Les volumes peuvent alors être relus, redécoupés, et les niveaux de gains et de compression sont modulables. La fonction pivotage 3D améliore souvent la visualisation de la structure 3D. Les images 3D informatives peuvent alors être enregistrées en format AVI. Figures 3. Mode Doppler couleur 3D chez un patient ayant une CIA ostium primum. A : l’imagerie 3D associe celle des tissus et des flux (shunt auriculaire, remplissage mitral et tricuspide). B : les flux Doppler couleur sont visualisés sans les structures cardiaques. Imagerie biplan temps réel La sonde matricielle 4 x permet d’afficher une imagerie biplan en temps réel, soit l’affichage de deux images 2D d’incidences différentes mais acquises d’une seule fenêtre acoustique. Le déplacement électronique du réseau matriciel autorise un mouvement dans l’axe de rotation et dans les axes latéral et vertical du faisceau ultrasonore. L’image fixe de référence peut subir une rotation sur 180° sans modifier le placement de la sonde (figure 4A). Après rotation, l’image peut également subir une inclinaison latérale de – 45° à + 45° (figure 4B). L’inclinaison peut aussi être verticale de – 30° à + 30° (figure 4C). L’imagerie Doppler couleur peut également s’appliquer au mode biplan. En cas de faible échogénicité, l’utilisation de l’imagerie d’harmonique permet de renforcer le signal ultrasonore en mode biplan. L’écho 3D transthoracique est désormais temps réel avec l’obtention d’images volumiques ou biplans. A Figures 4. Principes de l’imagerie biplan permettant l’affichage de deux images 2D d’incidences différentes acquises d’une seule fenêtre acoustique. Le déplacement motorisé du réseau matriciel autorise un mouvement dans l’axe de rotation (A) et dans les axes latéral (B) et vertical (C) du faisceau ultrasonore. B C Applications Valvulopathies aortiques et mitrales L’écho 3D de la valve mitrale, acquise par voie œsophagienne, a démontré sa supériorité dans la description des prolapsus avant chirurgie mitrale réparatrice. L’application de l’échocardiographie temps réel est très récente. Les modes d’imagerie 3D, volumique ou biplan, offrent une description précise de la valve et du mécanisme de régurgitation aussi bien dans les pathologies acquises que congénitales de la valve mitrale (figures 5 et 6). L’écho 3D dans les sténoses aortiques ou mitrales est une méthode valide de mesure de la surface orificielle (figure 7). Elle permet de décrire le mécanisme de la sténose en décrivant la fusion des commissures, ainsi que la dysplasie des feuillets (figure 8). L’écho 3D contribue, chez l’enfant, dans les sténoses aortiques congénitales, au choix entre la valvuloplastie chirurgicale et percutanée. L’écho 3D décrit parfaitement les lésions valvulaires, qu’elles soient régurgitantes ou sténosantes. Figure 5. Imagerie 3D temps réel : prolapsus mitral vu de l’oreillette gauche. La portion médiane de la valve mitrale antérieure prolabe en systole. Figure 6. Imagerie biplan : canal atrioventriculaire partiel dont la fuite à travers la fente mitrale est parfaitement vue sur les deux incidences orthogonales. Figure 7. Bicuspidie aortique visualisée à partir d’un faisceau monoplan (mode TM à gauche), d’une coupe (mode 2D au milieu) ou d’une vue (mode 3D acquise par voie œsophagienne à droite, noter la fusion commissurale). Figure 8. Imagerie 3D temps réel : bicuspidie aortique sténosante vue de l’aorte. Noter l’épaississement des feuillets avec nodules sans vraie fusion des commissures. La surface orificielle aortique peut être calculée. Défauts septaux L’écho 3D transœsophagienne a permis une meilleure compréhension de l’anatomie des communications interauriculaires (figure 9). L’écho 3D temps réel est un moyen de sélection des patients avant fermeture percutanée dans la mesure où la fenêtre transthoracique est suffisante (figure 10). En cas de mauvaise échogénicité, l’ETO reste le complément indispensable pour décrire les berges et vérifier la position de l’obturateur (figure 11). Une berge déficiente est une contre-indication à la fermeture percutanée et doit conduire à une fermeture chirurgicale de la communication interauriculaire (figure 12). Les communications interventriculaires sont parfaitement décrites aussi bien par l’imagerie 3D volumique que par le biplan (figures 13 et 14). L’écho 3D est un moyen de sélection fiable des patients avant fermeture percutanée des communications interauriculaires. Figure 9. Vue 3D acquise par ETO : la communication interauriculaire est vue de l’oreillette gauche. Elle a une forme arrondie. Ao = aorte, VG = ventricule gauche. Figure 10. Vues 3D acquises par écho
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.