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L'engouement pour la cardiomyoplastie cellulaire
G. JONDEAU, hôpital Ambroise Paré, Boulogne

AHA 2004
La cardiomyoplastie cellulaire a été l’objet de très nombreuses communications qui illustrent bien le chemin parcouru mais qui soulignent également la nécessité d’avancer pour améliorer le traitement et le pronostic de cette maladie grave. Les grandes études ont rapporté les bénéfices de nouvelles techniques chirurgicales mais le patient doit également apprendre à se prendre en charge lui-même.
Les grandes études Le système CorCap CSD Le système développé par Acorn Cardiovascular est basé sur un concept nouveau et intrigant : le ventricule gauche est mis dans un filet avec l’idée de limiter la dilatation ventriculaire gauche, indice pronostique fondamental dans la cardiopathie, qu’elle soit ischémique ou non. Sur les 300 patients randomisés : • parmi les 193 qui nécessitaient une chirurgie mitrale, 102 en ont bénéficié sans autre geste alors que 92 ont eu la pose du système CorCap CSD ; • 87 ne nécessitaient pas de chirurgie mitrale et chez 37 d’entre eux un filet de contention a été mis en place. Le suivi moyen a été de 23 mois et au minimum de 1 an. Les patients inclus étaient en classe II-IV de la NYHA, porteurs d’une cardiopathie ischémique ou non, avec FEVG 35 % et DDVG > 60 mm, stables pendant le mois qui précédait, excepté pour la dose de diurétiques, et capables de marcher au plus 450 mètres en 6 minutes. L’âge des patients inclus était en moyenne de 52 ans, 55 % étaient des hommes et 27 % des Noirs. Ils étaient traités par IEC ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (97 %), un bêtabloquant (85 %), un anti-aldostérone (47 %). On considérait que : • le cas du patient s’était aggravé si ce dernier décédait, ou subissait une intervention cardiaque majeure (transplantation, pontage, assistance circulatoire, pose d’un stimulateur), ou si la classe NYHA s’aggravait ; • son cas s’améliorait si la classe NYHA était diminuée en l’absence d’événement ; • les patients qui n’entraient dans aucun des deux précédents cadres étaient stables. Le pourcentage de patients améliorés a été modifié par la chirurgie : • amélioration 38 vs 27 % ; • stabilisation 25 vs 27 % ; • aggravation 37 vs 45 % (p = 0,007) ; mais il s’agit d’un critère en partie subjectif, que l’on imagine aisément modifié par une procédure lourde (effet placebo). La qualité de vie a également été modifiée (p = 0,05). Les volumes ventriculaires ont diminué à 3, 6 et 12 mois par rapport au placebo (volume diastolique – 20 ml, – 30 ml et – 35 ml respectivement ; volume systolique – 15 ml, – 20 ml, – 30 ml respectivement) alors que la fraction d’éjection n’a pas significativement augmenté (p = 0,45). La forme du ventricule gauche a été, quant à elle, modifiée avec une diminution significative de l’index de sphéricité (p = 0,026). Les réhospitalisations ont diminué avec une tendance non significative à la baisse de la durée des hospitalisations. En ne considérant que le sous-groupe des patients sans chirurgie mitrale associée, la procédure s’est accompagnée d’une diminution des interventions durant le suivi, et le bénéfice sur le critère combiné principal a également été retrouvé. Il s’agit donc là d’une idée nouvelle à suivre, dont les résultats sont, pour le moment, discutables en l’absence d’effet net sur les critères objectifs indépendants de la procédure. A-HeFT : une étude raciale Un des points forts a été la présentation de l’étude A-HeFT, qui a porté exclusivement sur les patients noirs américains et qui a été rapportée par A. Castaigne. Étude ESCAPE L’indication des sondes de Swan Ganz dans l’insuffisance cardiaque est toujours le sujet de discussions sans fin. L’étude ESCAPE a tenté de trancher le débat. Des patients en insuffisance cardiaque par dysfonction systolique (FEVG 35 %) avec une PAPs 125 mmHg, dont l’insuffisance cardiaque était connue depuis plus de 3 mois, sous IEC et diurétiques, pouvaient être inclus. Le problème est que les sujets qui, de l’avis de l’investigateur, nécessitaient l’utilisation d’une sonde de Swan Ganz étaient exclus, de même que ceux dont la créatininémie était > 3,5 mg/l, ceux justifiant d’une assistance circulatoire ou de la mise en route des inotropes. Au total, 433 patients ont été randomisés pour être pris en charge de façon classique (n = 218), ou à l’aide d’une sonde de Swan (n = 215). Ils avaient en moyenne 56 ans, 74 % étaient des hommes, 40 % présentaient une cardiopathie ischémique, la FE était en moyenne de 19 %. L’utilisation d’une sonde de Swan a permis de diminuer la pression capillaire de 27 à 17 mmHg, la pression auriculaire droite de 14 à 10 mmHg. Le nombre de décès ou hospitalisations a été identique dans les deux groupes. Le nombre d’effets secondaires était, bien sûr, supérieur dans le groupe Swan (22 vs 11 %, dus essentiellement à des infections). Il n’y a pas eu de différence sur le taux d’ANF, la VO2, la qualité de vie appréciée par le Minnesota Living With Heart Failure Questionnaire. Donc pas de bénéfice démontré, mais les patients qui nécessitaient la mise en place d’une sonde de Swan étaient exclus. Le débat peut continuer ! Un point sur la cardiomyoplastie cellulaire La cardiomyoplastie cellulaire a été largement représentée durant le congrès. Quelques résultats ont été rapportés. Techniques Schématiquement, différentes techniques sont possibles. À partir d’une cellule souche cardiaque, présente éventuellement dans le myocarde ; il serait possible de mettre cette cellule en culture pour en multiplier le nombre avant de les réinjecter pour leur permettre de se différencier en myoblastes adultes. Cette technique n’a pas encore été utilisée, mais l’équipe de Piero Anversa a retrouvé des cellules souches dans le myocarde humain et propose de mettre en culture les cellules présentes dans les auricules prélevés lors de la chirurgie. Les cellules souches hématopoïétiques peuvent être utilisées, soit à partir de prélèvements de moelle (biopsie de crête iliaque), soit à partir de prélèvements sanguins périphériques après que les cellules aient été mobilisées à partir de la moelle par une injection quotidienne de G-CSF pendant une semaine. Les cellules peuvent ensuite être réinjectées dans le myocarde au cours d’une coronarographie (injection dans les coronaires avec souvent occlusion pour faciliter le contact entre les cellules injectées et le myocarde), au moyen d’un système permettant l’injection intramusculaire à partir d’un cathéter ou d’une aiguille au cours d’une intervention chirurgicale cardiaque. Les cellules de la moelle peuvent être seulement mobilisées, en espérant qu’elles se localisent spontanément au niveau de la zone de l’infarctus du myocarde récent par phénomène de « homing ». Des cellules souches hématopoïétiques ont initialement été utilisées au décours de l’infarctus du myocarde et sont actuellement testées de plus en plus au cours de l’insuffisance cardiaque chronique, d’origine ischémique ou non. Enfin, l’utilisation des cellules musculaires squelettiques, prélevées par biopsie musculaire et réinjectées après 3 semaines de culture, a été développée, surtout par P. Menasché qui les réinjecte au cours d’une intervention chirurgicale. Résultats Le résultat de certaines études illustre le chemin parcouru et celui qui reste à franchir. L’étude de Hanovre (publiée dans le Lancet récemment) a rapporté les résultats les plus complets chez 30 témoins comparés à 30 patients recevant les cellules de moelle (BMC) injectées par voie endocoronaire, comparables au départ. Une amélioration de la FE a été constatée par RMN, elle était significative à 6 mois (p = 0,0026) mais ne l’est plus à un an (p = 0,26) (tableau 1) : - il n’y avait pas de différence dans la taille de l’infarctus appréciée par le rehaussement tardif du signal RMN au cours du suivi (% du VG) (tableau 2) ; - le volume ventriculaire gauche diastolique n’a pas significativement été modifié (tableau 3) ; - à l’inverse, les paramètres de fonction diastolique ont eu tendance à différencier les deux groupes au cours du temps. La fonction diastolique était appréciée par Doppler et DTI (tableau 4). Deux études de 200 personnes vont débuter, l’une à Frankfort l’autre à Hanovre ; une étude européenne de 512 patients est en cours de finalisation, semble-t-il, avec cette technique de prélèvement et de réinjection. D’autres communications ont fait état d’une absence de resténose après injection de G-CSF, à l’inverse de ce qui avait été retrouvé dans l’étude coréenne publiée récemment (STEMMI, réalisée à Copenhague et une étude à Rostock). Cette dernière retrouve : • un bénéfice significatif sur la fraction d’éjection (53 à 46 % dans le groupe témoin, vs 52 à 56 % dans le groupe G-CSF) à 4 mois ; le G-CSF a été débuté 3 jours après un infarctus du myocarde chez 15 patients (comparé à 15 témoins sous placebo) ; • une augmentation importante des leucocytes (55 000/mm 3) après 6 jours ; • une différence de FE significative : p = 0,037. D’autres études commencent à rapporter des résultats à distance de l’infarctus : • une étude de Dusseldorf qui a inclus 18 patients ayant un infarctus ancien (27 mois en moyenne), en classe I–III de la NYHA. L’artère coupable avait été dilatée ; les cellules de moelle ont été recueillies par ponction de moelle (80 ml). Après une mise en culture d’une nuit, les cellules mononuclées CD34+ et AC133+ ont été injectées dans le territoire infarci par un cathéter avec ballon d’occlusion. La fraction d’éjection était stable avant injection (52 %), mais s’est élevée à 60 %, 3 mois après transplantation cellulaire. De même, le nombre de segments akinétiques stables avant transplantation (26 et 28) a diminué (21) après 3 mois, et le métabolisme glucidique s’est amélioré dans la zone bordante de l’infarctus ; • une étude réalisée à Frankfort a inclus 102 patients avec un IDM de plus de 3 mois. Les patients ont été randomisés en 3 groupes : - un groupe témoin (n = 16), - un groupe qui a reçu l’injection intracoronaire de CPC (cellules progénitrices circulantes) prélevées en périphérie et mises en culture (n = 35), - un groupe recevant les BMC, c’est-à-dire les cellules prélevées de la moelle (50 ml) (n = 51).L’injection a été faite par un cathéter avec ballon d’occlusion et n’a pas entraîné d’élévation significative de troponine ou de la CRP. La FE a eu tendance à diminuer dans le groupe témoin (43,5 à 42,7 %) et à augmenter dans les groupes recevant les cellules (40,8 à 43,6 et 42 à 43,3 %
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