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Doppler tissulaire - Les bases théoriques
G. DERUMEAUX(1) et G. HABIB(2) (1)Hôpital Louis Pradel, Bron (2)CHU La Timone, Marseille

Le mode Doppler tissulaire myocardique proposé sur la plupart des appareils d’échographie est donc accessible pour la pratique quotidienne. Cardiologie Pratique publiera cette année une mise au point largement illustrée sur cette technique. Ce premier chapitre fait état des bases théoriques de ce mode d’exploration.
Introduction L’effet Doppler identifié en 1842 par Christian Doppler, a permis le développement de l’hémodynamique non invasive par la quantification des vitesses des flux sanguins intracardiaques et vasculaires. En 1989, Karl Isaaz a été le précurseur du Doppler tissulaire myocardique en appliquant à l’analyse de la cinétique myocardique le Doppler spectral pulsé conventionnel. McDicken, puis Sutherland, ont introduit en 1992 le codage couleur des vélocités myocardiques puis le concept de gradient de vélocité myocardique en mode TM couleur. Actuellement, le mode Doppler tissulaire myocardique est implémenté sur la plupart des plates-formes échographiques, notamment grâce à la modification des filtres passe-haut et l’ajustement de l’échelle des vélocités. Des améliorations technologiques plus récentes ont permis des acquisitions rapides d’une cartographie des vélocités en mode bidimensionnel avec des logiciels permettant le calcul de paramètres de déformation myocardique à partir des profils de vélocité myocardique. Le futur de l’analyse de la fonction myocardique régionale repose sur des indices de déformation s’affranchissant des limites inhérentes au mode Doppler grâce à la quantification du déplacement des échos (speckles) intramyocardiques et permettant ainsi la quantification simultanée des composantes longitudinale et radiale de la contraction myocardique segmentaire. Bases théoriques Principe du Doppler tissulaire myocardique La détection ultrasonore des flux sanguins et la quantification de leur vitesse repose sur la vélocimétrie Doppler. Cette quantification des vitesses de déplacement des globules rouges est possible en estimant le délai temporel ou le décalage de phase entre les signaux de radiofréquence (RF) réfléchis après l’émission de deux ou plusieurs impulsions ultrasonores. Le principe du Doppler conventionnel (utilisé dans l’étude des flux sanguins) est applicable à l’exploration ultrasonore de la cinétique myocardique. Cependant, il existe une différence des propriétés physiques et acoustiques des flux sanguins et du tissu myocardique : - les vitesses de déplacement des parois myocardiques sont plus basses ( 30 cm/s) que celles des flux sanguins intracardiaques (20-150 cm/s) ; - la réflectivité acoustique des interfaces myocardiques est supérieure à celle des interfaces sanguins, d’où un signal ultrasonore réfléchi au niveau des parois cardiaques de plus grande amplitude et de plus grande puissance (+40 dB environ) que celui en provenance du sang. Cette différence des propriétés physiques et acoustiques a donc été mise à profit pour individualiser spécifiquement les signaux ultrasonores tissulaires et exclure l’information dérivée des flux sanguins : – par la suppression des filtres passe-haut des acquisitions Doppler traditionnelles, – et par une autocorrélation du signal Doppler aux amplitudes les plus élevées (figure 1). Figure 1. Vélocimétrie Doppler conventionnelle et tissulaire myocardique : les caractéristiques physiques distinctes des tissus myocardiques et du sang en terme de vitesse de déplacement et de réflectivité ultrasonore sont mises à profit pour filtrer le signal d’intérêt. Le sang circule à des vitesses relativement élevées dans les cavités cardiaques (20-100 cm/s) contrastant avec un déplacement myocardique plus lent (1-20 cm/s). De plus les variations d’impédance acoustique des interfaces myocardiques sont plus importantes avec un signal de radiofréquence réfléchi de plus haute énergie que celui obtenu à partir du sang. Ainsi en appliquant un filtre passe-haut en intensité, on diminue considérablement le signal Doppler en provenance des parois et des tissus cardiaques. Par contre, en éliminant ce filtre et en diminuant le gain, on privilégie le signal myocardique. Cinétique myocardique régionale La fonction myocardique régionale est caractérisée par un épaississement et un amincissement de la paroi myocardique au cours du cycle cardiaque. Elle résulte d’une part de l’organisation des fibres myocardiques disposées en couches d’orientations différentes de l’endocarde vers l’épicarde, d’autre part de la perfusion régionale myocardique et, enfin, du stress pariétal. Orientation des fibres myocardiques Les fibres myocardiques sont organisées de façon complexe en spirale ou en éventail autour de la cavité ventriculaire gauche. Les fibres les plus internes et externes ont une disposition longitudinale par rapport à la cavité ventriculaire gauche tandis que les fibres à mi-paroi ont une disposition circonférentielle (figure 2). Figure 2. Schématisation de l’organisation des fibres myocardiques en spirale avec modification de l’angle entre les différentes couches myocardiques. Direction des mouvements du ventricule gauche Cette disposition des fibres myocardiques en éventail est responsable d’une cinétique complexe des parois myocardiques que l’on peut décomposer en un mouvement de contraction radiale, un mouvement de contraction longitudinale, et un mouvement de contraction circonférentielle, tous trois influencés par la rotation cyclique entre les portions basale et apicale ventriculaires gauches (figure 3). Figure 3. Schématisation des mouvements myocardiques : (1) longitudinal, (2) radial et (3) circonférentiel. Il existe donc une hétérogénéité architecturale et cinétique, à laquelle s’ajoute la répartition non homogène de la charge et du «stress pariétal». En effet, le stress pariétal est plus important au niveau de l’endocarde qu’au niveau de l’épicarde. Ces facteurs influencent donc l’analyse des vélocités obtenues en mode Doppler tissulaire myocardique. Toute interprétation des vélocités myocardiques nécessite donc leur connaissance. Paramètres dérivés du Doppler tissulaire myocardique On peut classer ces paramètres en deux grandes catégories (figure 4) : - paramètres de mouvement (vélocité et déplacement myocardiques), - paramètres de déformation (vitesse de déformation ou strain rate et déformation ou strain myocardiques relatives). Figure 4. Schématisation des relations entre les paramètres de déplacement (vitesse et déplacement) et les paramètres de déformation (strain rate ou vitesse de déformation et strain ou pourcentage de déformation). Le déplacement est obtenu par l’intégrale temps – vitesse du profil des vélocités myocardiques. Le strain rate est obtenu par le gradient des courbes de vitesses dans un échantillon donné de segment myocardique. Le strain est obtenu par l’intégrale temps – vitesse du profil des vitesses de déformation ou strain rate. La vélocité myocardique peut être estimée à chaque instant t d’échantillonnage temporel et représente une distance parcourue par unité de temps (exprimée en cm/s). L’intégrale temporelle des vélocités d’un temps de départ t0 à un temps t représente le déplacement myocardique (exprimé en cm). La vitesse de déplacement d’un segment myocardique donné dépend de la contractilité et de l’élasticité de ce segment, mais également des conditions de charge, et en particulier de la contrainte régionale, de la cinétique des segments myocardiques adjacents et, enfin, de la fonction globale ainsi que de la forme géométrique du ventricule. Pour expliquer la déformation, prenons l’exemple d’un objet unidimensionnel de dimension de référence L0 à l’instant t0 lorsque aucune force ne lui est appliquée. L’application d’une force à ce matériau élastique entraîne sa déformation. À l’instant t, le matériau atteint la dimension L. La déformation absolue peut être exprimée par la valeur DL = L-L0 qui dépend de l’importance de la force et des propriétés viscoélastiques du tissu étudié. Toutefois, pour pouvoir comparer la déformation d’objets de dimensions différentes, il convient de calculer la déformation relative e (ou strain en terminologie anglo-saxonne) en normalisant par la dimension de référence L0. Deux formulations sont possibles : La formulation lagrangienne : Et la formulation naturelle : La vitesse de déformation ou strain rate (exprimée en s-1) peut ainsi être calculée par une dérivée temporelle du Strain (exprimé en %). Il existe également une relation entre déformation et vitesse de déplacement d’un objet. Cette relation suppose une distribution homogène de la vitesse de déformation entre les points A et B, et une accélération négligeable. Ainsi, la vitesse de déformation n’est autre que le gradient de vélocité myocardique normalisé par la distance. Modalités d’acquisition du Doppler tissulaire myocardique Le Doppler tissulaire myocardique peut s’acquérir selon trois modalités (figure 5) : – mode spectral pulsé mono-porte, – mode TM couleur, – mode bidimensionnel couleur . Figure 5. Modalités d’acquisition du Doppler tissulaire myocardique. Mode 2D couleur (A) ; mode TM couleur (B) ; mode spectral pulsé monoporte (C). Doppler tissulaire myocardique en mode pulsé Son principe est superposable à celui du Doppler spectral pulsé utilisé dans l’évaluation de l’hémodynamique des flux. Le profil de vélocité myocardique en mode pulsé peut être obtenu soit à partir d’une coupe parasternale, soit d’une coupe apicale pour explorer respectivement la fonction régionale myocardique radiale ou longitudinale. Quelle que soit l’incidence utilisée, on peut identifier sur ces profils les différentes phases du cycle cardiaque. Ainsi, en incidence apicale permettant l’analyse du mouvement longitudinal, on peut décrire les phases suivantes (figure 6) : (I) Contraction isovolumique (CIV) de durée brève caractérisée par une onde de vélocité positive ou biphasique. (II) Systole avec une onde positive (S). (III) Relaxation isovolumique (RIV) caractérisée par une onde de vélocité négative ou biphasique. (IV) Protodiastole ou remplissage initial avec une onde négative (E). (VI) Diastasis avec des vélocités régionales proches de zéro. Télédiastole avec une onde négative (A) correspondant à la systole atriale. Figure 6. Exemple d’un tracé enregistré en mode Doppler pulsé dans un segment myocardique. Les événements mécaniques sont indiqués sur ce profil de
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