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Les clés de l'examen échocardiographique de l'insuffisance mitrale organique
B. GALLET, centre hospitalier Victor Dupouy, Argenteuil

L’examen échocardiographique d’une insuffisance mitrale (IM) doit répondre à trois questions fondamentales dont dépendra la prise en charge ultérieure et qui concernent son importance, son retentissement et les possibilités de chirurgie conservatrice. Seules seront envisagées ici les insuffisances mitrales organiques, à l’exclusion des fuites ischémiques et fonctionnelles dont l’abord est différent.
Quantification de l’IM Elle repose actuellement sur les recommandations de l’ American Society of Echocardiography (ASE), publiées en 2003, qui classent les IM en trois catégories (modérées, moyennes et importantes) en se basant sur une approche multiparamétrique. Ces recommandations distinguent des « signes spécifiques », dont la spécificité pour affirmer qu’une fuite est sévère ou modérée est d’au moins 90 %, et des « signes d’orientation », qui sont moins robustes mais peuvent être utiles dans les cas douteux. Le recours aux méthodes quantitatives est recommandé dès que l’IM apparaît plus que modérée. Ces méthodes quantitatives, basées sur l’analyse de la zone de convergence (ou PISA) ou sur le Doppler quantitatif, permettent le calcul de la surface d’orifice régurgitant (SOR), du volume régurgitant et de la fraction de régurgitation. IM importante Il existe quatre signes spécifiques d’une fuite mitrale volumineuse : - un aspect de « valve mitrale flottante » qui correspond le plus souvent à une rupture de cordages ; - une largeur de la vena contracta d’au moins 7 mm associée à un large jet central ou à un jet excentré tournant dans l’oreillette gauche ; - une zone de convergence importante définie par un rayon d’au moins 9 mm pour une vitesse d’aliasing de 40 cm/s ; - une inversion du flux systolique des veines pulmonaires, en sachant que l’ETT est à cet égard spécifique mais peu sensible car seule la veine pulmonaire supérieure droite est généralement analysable, alors que l’ETO est à la fois sensible et spécifique car elle permet d’analyser l’ensemble des veines pulmonaires (figures 1 à 4). Les signes d’orientation pouvant étayer le diagnostic sont : - une accélération de la vitesse de l’onde E mitrale dépassant 1,2 m/s ; - un aspect triangulaire du flux d’insuffisance mitrale en Doppler continu qui représente l’équivalent de l’onde V géante observée au cathétérisme sur la courbe de pression capillaire pulmonaire ; - une dilatation des cavités cardiaques gauches qui peut cependant manquer en cas d’IM aiguë. Le recours aux méthodes quantitatives est nécessaire et fait plus souvent appel à l’analyse de la zone de convergence qu’au Doppler quantitatif. La fuite est volumineuse en cas de SOR d’au moins 40 mm 2, de fraction de régurgitation d’au moins 50 %, et de volume régurgitant d’au moins 60 ml (tableau 1). Figure 1. Aspect de « valve mitrale flottante » en rapport avec une rupture de cordage du feuillet mitral postérieur. Figure 2. Vena contracta large dont le diamètre est mesuré à 8 mm. Figure 3. Zone de convergence importante dont le rayon est mesuré à 13,5 mm pour une vitesse d’aliasing de 44 cm/s. Figure 4. Inversion mésosystolique (flèche) du flux de la veine pulmonaire supérieure gauche enregistré par voie transœsophagienne. Insuffisance mitrale modérée Les signes spécifiques d’une fuite modérée sont : - une largeur de la vena contracta 3 mm ; - une zone de convergence absente ou minime définie par un rayon 4 mm pour une vitesse d’aliasing de 40 cm/s ; - une surface de jet de moins de 4 cm 2 à condition que le jet soit central. C’est la seule situation où les recommandations reconnaissent un intérêt à la surface du jet pour la quantification de lIM. Les signes d’orientation en faveur d’une fuite modérée sont : - une dominance de l’onde A du flux mitral, c’est-à-dire un rapport E/A 1 ; - une dominance de l’onde S du flux veineux pulmonaire c’est-à-dire un rapport S/D > 1 ; - une morphologie parabolique du flux d’IM en Doppler continu avec un signal de faible intensité ; - un ventricule gauche non dilaté. Le recours aux méthodes quantitatives n’est pas nécessaire en présence de signes spécifiques de fuite modérée. Si elles étaient utilisées, elles montreraient une SOR 20 mm 2, une fraction de régurgitation 30 %, et un volume régurgitant 30 ml (tableau 1). IM moyenne Le diagnostic de fuite moyenne est évoqué quand les signes spécifiques témoignent d’une fuite qui est plus que modérée mais sans atteindre les critères d’une IM sévère. La vena contracta est généralement comprise entre 3 et 6 mm, et le rayon de la zone de convergence se situe habituellement entre 4 et 9 mm pour une vitesse d’aliasing de 40 cm/s. Les signes d’orientation sont également en zone intermédiaire. Le recours aux méthodes quantitatives est indispensable dans cette situation. L’IM moyenne correspond à une SOR entre 20 et 40 mm 2, une fraction de régurgitation entre 30 et 50 % et un volume régurgitant entre 30 et 60 ml. Ces fuites moyennes peuvent être subdivisées en deux sous-groupes : modérées à moyennes et moyennes à importantes, ce qui aboutit à retrouver une classification en quatre grades (tableau 1). Importance de la zone de convergence et de la vena contracta Ces deux méthodes sont les plus utiles car elles apportent des signes spécifiques pour le diagnostic d’IM modérée (vena contracta 3 mm, rayon de la PISA 4 mm pour une vitesse d’aliasing de 40 cm/s), et pour celui de fuite importante (vena contracta d’au moins 7 mm, rayon de la PISA d’au moins 9 mm pour une vitesse de 40 cm/s). L’analyse de la zone de convergence est, de plus, une méthode quantitative. Elle permet le calcul de la SOR qui a des conséquences sur le pronostic et la prise en charge. Les patients ayant une SOR > 40 mm 2 ont une mortalité cardiaque plus de 5 fois supérieure à celle des patients ayant une SOR 20 mm 2, selon une étude de Enriquez-Sarano rapportée en 2005. Il en résulte qu’une fuite mitrale volumineuse chez un patient asymptomatique et sans dysfonction ventriculaire gauche représente une indication opératoire admise de classe IIa, selon les recommandations ACC/AHA de 2006, à condition que la probabilité de pouvoir réaliser une plastie mitrale soit > 90 % et qu’il n’existe pas de comorbidité. Cette indication est plus discutée dans les recommandations ESC de 2007, selon lesquelles elle est en classe IIb. Si la plastie apparaît incertaine, une attitude attentiste est licite, consistant à réserver l’indication opératoire à l’apparition de symptômes, d’une dysfonction ventriculaire gauche, d’une hypertension artérielle pulmonaire ou d’une fibrillation atriale. Cette attitude attentiste n’entraîne aucune surmortalité par rapport à la survie attendue, comme l’a montré Rosenhek en 2006. Considérations techniques La largeur de la vena contracta est mesurée de préférence dans une incidence où le faisceau ultrasonore est perpendiculaire au jet afin de limiter les problèmes de résolution latérale, c’est-à-dire généralement en coupe parasternale longitudinale par voie transthoracique, en positionnant la focale au niveau de la vena contracta, en utilisant le zoom et en retenant la moyenne de plusieurs mesures (figure 5). La vena contracta peut également être mesurée par voie transœsophagienne. Figure 5. Mesure de la vena contracta en incidence parasternale longitudinale (utilisation du zoom et réglage de la focale au niveau de la vena contracta). La zone de convergence est généralement analysée par voie apicale, en utilisant le zoom et en déplaçant vers le bas la ligne de zéro de l’échelle des vitesses en Doppler couleur pour diminuer la vitesse d’aliasing entre 30 et 40 cm/s. Le rayon est mesuré en mésosystole entre la zone de premier aliasing et l’orifice régurgitant. La SOR est calculée par la formule (2pr2 x Va)/ Vitesse IM dans laquelle « r » est le rayon de la zone de convergence, « Va » la vitesse d’aliasing, et « Vitesse IM » la vitesse maximale du flux d’insuffisance mitrale (figure 6). Le volume régurgitant est obtenu en multipliant la SOR par l’intégrale temps vitesse du flux d’IM. La fraction de régurgitation est calculée en divisant le volume régurgitant par le volume total éjecté par le ventricule gauche (qui correspond à la somme du volume régurgitant et du volume d’éjection aortique). Figure 6. Analyse de la zone de convergence. En haut à gauche : flux d’IM en Doppler couleur. En bas à gauche : mesure du rayon de la zone de convergence (r) après diminution de la vitesse d’aliasing (Va) à 35 cm/s et utilisation du zoom. En haut à droite : mesure de la vitesse maximale du flux d’IM en Doppler continu. La surface est calculée à 0,18 cm2 (toutes les valeurs utilisées dans le calcul doivent être exprimées en centimètres). Plusieurs difficultés peuvent survenir dans l’analyse de la zone de convergence. Le confinement ou compression de la PISA par une paroi du ventricule gauche entraîne une surestimation de la SOR. Il faut alors soit augmenter la vitesse d’aliasing pour faire disparaître le confinement mais sans dépasser 10 % de la vitesse maximale du flux d’IM, soit utiliser un facteur de correction angulaire, ce qui complique la technique, soit renoncer à la méthode. En cas de double jet, il est possible d’additionner les SOR calculées individuellement pour chacun des deux jets. En cas de variations systoliques du rayon, il est recommandé d’utiliser soit le rayon mesuré en mésosystole, soit un rayon systolique moyen en mode TM. Enfin, les fuites mitrales strictement télésystoliques peuvent être considérées comme non volumineuses (figure 7). Figure 7. Exemples de limites de l’analyse de la PISA. En haut à gauche : compression de la zone de convergence par la paroi postérieure du ventricule gauche. En haut à droite : double jet d’IM. En bas à gauche : variations systoliques du rayon de la zone de convergence en mode TM couleur par voie transœsophagienne. En bas à droite : PISA strictement télésystolique également en mode TM couleur par voie transœsophagienne. Ces limites de l’analyse de la zone de convergence peuvent conduire à recourir au Doppler quantitatif. La technique repose sur la comparaison des débits mitral (ou du débit ventriculaire gauche) et aortique. La fraction de régurgitation est égale à la différence entre le débit mitral (ou le débit ventriculaire gauche) et le débit aortique, rapportée au débit mitral (ou au débit ventriculaire gauche). La méthode permet également le calcul de la SOR et du volume régurgitant
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