Les indications de l'ablation de la fibrillation auriculaire en 2009
N. SAOUDI, G. LATCU, P. RICARD, J. P. RINALDI, D. ERCYIES, N. ZARQANE, T. HUGHES, S. BUN, K. YAICI, Centre Hospitalier Princesse Grace, Monaco
Il y a peu encore « expérimentale », la maturation progressive de la technique d’ablation des fibrillations auriculaires a permis l’établissement d’un certain nombre d’indications reconnues par les sociétés savantes européennes et nord-américaines. En 2006, celles-ci étaient présentées de la manière suivante : « l’ablation par cathéter est une alternative raisonnable au traitement pharmacologique pour prévenir la récidive de fibrillation auriculaire chez les patients symptomatiques, avec peu ou pas de dilatation auriculaire gauche ».
Les recommandations Le poids de ces recommandations selon la présentation habituelle est réparti en trois classes. Il s’agissait alors d’une classe II (situation pour laquelle il n’y a pas d’accord voire une divergence d’opinion quant à l’utilité ou l’efficacité de ce traitement). La lettre A pondérait ce jugement un peu pessimiste en précisant que le poids des preuves ou de l’opinion est en faveur de son utilité/efficacité. Le niveau d’évidence C est un autre facteur précisant le poids de cette indication, qui traduit le fait qu’il s’agissait seulement d’un consensus d’opinions d’experts, de petites études non randomisées ou d’une habitude thérapeutique acceptée. Cette phrase présentait donc l’ablation comme une technique qui à l’évidence a une efficacité mais pour laquelle un protocole universel ou une étude détaillée des divers types de fibrillation auriculaire et de leur réponse à ce traitement ne sont pas encore disponibles. Cette sagesse était d’ailleurs reconnue 2 ans plus tard puisqu’en juin de l’année dernière il a pu être écrit que la stratégie optimale d’ablation de la fibrillation auriculaire dans les formes paroxystiques ou persistantes de longue durée (permanente) est inconnue. Les divers types de fibrillations auriculaires La difficulté de cerner l’ablation tient d’une part dans la multiplicité des présentations cliniques de la fibrillation auriculaire, et d’autre part dans la multiplicité des techniques actuellement disponibles. Schématiquement, la fibrillation auriculaire se présente de trois manières différentes. Elle est dite paroxystique lorsqu’existe une fibrillation récidivante (ce qui implique au moins deux épisodes) et dont la terminaison va être spontanée dans les sept jours suivant son début. Elle sera dite persistante si elle dure plus de 7 jours ou nécessite un traitement pharmacologique ou un choc électrique externe pour sa terminaison. Elle sera enfin dite persistante de longue durée si la fibrillation est continuelle pendant plus d’un an. Le terme permanent n’est pas utilisé dans le contexte de l’ablation car il sous entend qu’il s’agit d’un état définitif pour lequel la décision a été de ne pas tenter de restaurer le rythme sinusal. Les techniques actuellement disponibles sont multiples La déconnexion veino-atriale ostiale reste une des plus proposées. Des tirs de radiofréquence guidés par la cartographie veineuse pulmonaire offerte par un cathéter circulaire positionné sur le versant veineux de l’ostium permet à un cathéter délivrant des tirs plus proximaux (vers l’oreillette mais mais toujours ostiaux) de progressivement supprimer (ou de dissocier) toute activité électrique intraveineuse. L’encerclement linéaire circonférentiel guidé ou non par un cathéter intra-veineux est une variante de la technique précédente ou l’ablation est plus atriale, plus large et réalise des lignes de radiofréquence encerclant les ostia deux à deux avec parfois un trait de refend entre les veines supérieures et inférieures. Peuvent s’y ajouter des lignes intra-atriales (du toit, de l’isthme mitral, de l’isthme cavo-tricuspidien...), l’ablation des complexes fragmentés (électrogrammes très localisés de longue durée de bas voltage et très fractionnés) l’ablation des ganglions épicardiques (guidés ou non par la stimulation infra- liminaire à haute fréquence), l’ablation de l’oreillette droite (crête terminale, veine cave supérieure), l’ablation dans le sinus coronaire, l’ablation des « nids » de fibrillation auriculaire identifiée par l’analyse spectrale en rythme sinusal, ou une combinaison variée de toutes ces techniques. Pour réaliser cette ablation proprement dite le cathéter de radiofréquence peut-être guidé par un cathéter intraveineux de type Lasso, de type Basket, par l’échographie intracardiaque, par un système informatisé, ou plus récemment par les techniques robotiques. Enfin l’énergie d’ablation elle-même reste de façon très prédominante la radiofréquence, mais apparaissent maintenant de façon sérieuse la cryothérapie à ballonnet, et à un moindre degré les ultrasons. Indications de l’ablation Dans les fibrillations auriculaires paroxystiques symptomatiques la circonférence de 2006 réserve l’ablation aux patients présentant des symptômes invalidants, après traitement antithrombotique (en pratique après au minimum trois semaines d’antivitamine K avec un INR entre 2 et 3 avant l’ablation) ayant échoué à au moins un traitement antiarythmique de classe I ou III. L’ablation sera réalisée dans un but d’amélioration de la qualité de vie car à l’heure actuelle la prolongation de celle-ci n’est pas prouvée. Il restera à prouver dans l’avenir (probablement rapidement) si l’échec du traitement médical doit persister à être une condition préalable à la discussion d’une ablation. En effet toutes les études rétrospectives, avec comparaison historique et récemment prospectives randomisées montrent que l’ablation est nettement supérieure au traitement anti-arythmique pour la prévention des récidives. L’étude A4 publiée en décembre 2008 par l’équipe de Bordeaux concerne 112 patients qui ont bénéficié pour 53 de l’ablation par radiofréquence (2 à 3 procédures chez 43 % des patients) ou nouvel antiarythmique. Tous les patients étaient au préalable résistants à un antiarythmique mais étaient jeunes (âge moyen 51 ans) et sans dilatation auriculaire gauche (39,8 mm en antéro-postérieur à l’échographie). A un an les traitements anti-arythmiques n’étaient efficaces que dans 23 % des cas alors que l’ablation l’était dans 89 %. De façon intéressante en analyse multivariée seule, une fraction d’éjection plus haute prédisait le succès de l’ablation. Complication de l’ablation par radiofréquence En 2005 sur 8 745 patients entrés dans un registre international, le taux de complication était de 5,9 %. Le risque de décès péri-procédural de 0,05 % et de tamponnade de 1,22 %. Toutes les autres complications sont exceptionnelles, inférieures ou égales à 0,5 %. Il n’est pas rapporté dans ce registre de fistule atrio-oesophagienne qui a été rapportée plus récemment comme une complication exceptionnelle ( 0,25 %) mais volontiers létale ou laissant de très lourdes séquelles. Les paralysies phréniques droites plus que gauches surviennent dans 0,5 % des cas. La véritable complication n’en est pas réellement une c’est la survenue fréquente elle de tachycardie atriale ou flutter post-ablation et liée à celle-ci. Le taux en est très variable de 3 à 25 % voire plus en fonction du nombre de lignes effectuées. Il s’agit d’une des principales causes de seconde procédure d’ablation et dont le patient doit être informé lors de la consultation pré-opératoire. C’est principalement la relative agressivité de la radiofréquence qui a permis le développement de la cryoablation. Celle-ci utilise un ballon qui sera porté à des températures situées entre moins 40 et moins 70 degrés après avoir été positionné à l’ostium de chaque veine pulmonaire. Les résultats en aigu de l’isolation sont comparables à celle de la radiofréquence (97 % dans une récente grande série allemande). A un an le maintien du rythme sinusal est assuré dans 74 % des cas de défibrillation paroxystique et 42 % des persistantes. Les fibrillations auriculaires persistantes Les recommandations de 2006 recommandent de considérer l’ablation chez les patients qui restent sévèrement symptomatiques malgré un contrôle correct de la fréquence cardiaque, et si au moins un anti-arythmique est inefficace ou mal toléré. L’ablation n’est pas considérée lorsque la fibrillation est permanente. Ce point va très probablement évoluer prochainement du fait de l’accessibilité actuelle de cette présentation de l’arythmie dans les centres à très forte expérience utilisant une combinaison judicieuse des techniques suscitées. Les cas particuliers Peut-on considérer l’ablation en première intention chez un patient symptomatique de fibrillation auriculaire ? Il semble raisonnable après explication balancée et honnête du rapport risque bénéfice de présenter l’ablation en première intention chez les patients jeunes porteurs d’une arythmie hautement symptomatique sur coeur sain volontiers non soutenue (FA focale), telle que rapportée dans la seconde conférence de consensus de 2007. Hormis cette présentation relativement rare, le tout venant des patients présentant une FA récidivante symptomatique a fait l’objet de plusieurs études randomisées. La première datant de 2005 compare 37 patients (95 % FA paroxystiques) randomisés au traitement médicamenteux (Flécaïnide, Propafénone ou Sotalol) comparée à 33 patients ayant bénéficié d’une isolation des veines pulmonaires. Le suivi a été d’un an sous contrôle des holters et d’enregistreurs d’évènements. 13 % des patients ayant bénéficié d’une ablation ont eu une récidive symptomatique contre 63 % des patients dans le groupe anti-arythmique. Les hospitalisations n’ont été que de 9 % après ablation pour 54 % après traitement anti-arythmique. Si ces données médicales n’étaient pas suffisantes une récente évaluation coût efficacité de cette même étude montre que la réalisation d’une ablation en première intention a un coût identique à celui du traitement anti-arythmique deux ans après la procédure initiale. Il est présupposé qu’au delà des deux ans le coût du traitement anti-arythmique seul augmentera validant ainsi l’ablation comme moins onéreuse à long terme. Les patients symptomatiques avec insuffisance cardiaque ou fraction d’éjection basse Plusieurs études ont clairement montrées que là encore l’ablation était efficace qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de maladie structurale cardiaque et avec amélioration de la symptomatologie fonctionnelle et de la fraction d’éjection? qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas eu de contrôle efficace de la fréquence cardiaque avant l’ablation. Une autre étude a récemment comparé l’ablation de fibrillation auriculaire chez 41 patients à l’ablation du noeud auriculo-ventriculaire avec stimulation biventriculaire chez 40 autres. Les deux
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