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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 22 mins

L'insuffisance cardiaque des syndromes coronaires aigus

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

L’existence de symptômes et/ou de signes objectifs de décompensation cardiaque représente un élément pronostique péjoratif majeur à la phase aiguë des syndromes coronaires. Une telle constatation modifie généralement profondément les modalités de prise en charge immédiate et influe sur la prescription médicamenteuse de sortie. Les formes cliniques d’insuffisances cardiaques accompagnant les syndromes coronariens aigus sont cependant multiples, répondant à des mécanismes sensiblement différents et nécessitant une prise en charge spécifique.

Insuffisance ventriculaire gauche et angor instable Une insuffisance ventriculaire gauche reste rare La majorité des angors instables ne s’accompagnent pas de dysfonction ventriculaire. Certes, pendant l’épisode ischémique proprement dit, le territoire myocardique concerné subit une altération majeure de la relaxation diastolique, puis le plus souvent, de la fonction systolique. La plupart du temps, ce trouble localisé de la contractilité, parfaitement décelable par les techniques non-invasives notamment échographiques, ne s’accompagne ni de symptômes, ni de signes cliniques de défaillance ventriculaire gauche. Occasionnellement, lorsque le territoire concerné est très étendu ou lorsqu’une structure anatomique précise est concernée, par exemple un pilier de la valve mitrale, le patient peut ressentir simultanément douleur thoracique et dyspnée, voire constituer un tableau de subœdème pulmonaire transitoire. Cette éventualité est cependant rare. Dans les formes sévères d’angor instable avec épisodes ischémiques itératifs, la tolérance hémodynamique est également souvent bonne, le phénomène de préconditionnement ischémique, précédemment évoqué, protégeant partiellement la fonction du territoire myocardique ischémique. Dans certaines formes particulièrement sévères cependant, lorsque les épisodes ischémiques sont prolongés et récidivants à intervalle bref, c’est au contraire un phénomène de sidération myocardique qui peut s’installer, le territoire myocardique à risque restant akinétique entre deux épisodes ischémiques. Dans cette situation, relativement peu fréquente, une insuffisance ventriculaire gauche peut s’installer durablement.Malgré la réalité de ces situations de plus haute gravité, la grande majorité des syndromes de menace inauguraux de la maladie coronaire survenant généralement dans des tranches d’âge « moyennes », en tout cas non-gériatriques, ne s’accompagne pas de signe de mauvaise tolérance hémodynamique. Chez le sujet âgé ou coronarien connu, la tolérance peut être très mauvaise Dans les syndromes de menace survenant chez les patients âgés, voire très âgés et/ou chez les patients ayant déjà derrière eux un long passé coronarien. C’est différent : en effet autant une ischémie transitoire, même concernant un territoire myocardique relativement étendu est généralement bien tolérée hémodynamiquement en l’absence d’altération préalable de la fonction ventriculaire gauche, autant la tolérance d’une souffrance myocardique transitoire même topographiquement plus limitée peut s’avérer mauvaise s’il existe déjà une altération de la fonction gauche. Il s’agit, au premier rang, des patients ayant déjà subi un ou plusieurs infarctus myocardiques et dont la fonction systolique de base est chroniquement altérée. Une souffrance ischémique avec diminution concomitente de la contractilité, d’un territoire même limité peut être très mal tolérée… Si la fonction ventriculaire gauche de base est à 65 %, 5, 10, voire même 15 % d’amputation transitoire à l’occasion des épisodes d’ischémie réversible passent généralement totalement inaperçus. Si la fonction de base est à 30 %, moyennant un traitement pharmacologique d’insuffisance cardiaque bien adapté, le patient peut ne présenter, à l’état de base, aucun symptôme de défaillance cardiaque. Il suffit par contre qu’à l’occasion d’un épisode d’angor instable, 20 ou 30 grammes de myocarde supplémentaires se mettent à dysfonctionner pour détruire le fragile équilibre adaptatif et décompenser une insuffisance ventriculaire gauche jusqu’à présent latente. Le même phénomène peut se produire lorsqu’il existe, préalablement à l’angor instable, une dysfonction diastolique du ventricule gauche. Cette situation est très fréquente chez le sujet âgé, souvent hypertendu. La tolérance hémodynamique d’un angor instable, ou a fortiori d’un infarctus sous-endocardique, même, topographiquement limitée, peut s’avérer très mauvaise. D’autres cas particuliers peuvent être constatés en pratique clinique. Il est fréquent, sur une oreillette gauche « vieillie » et soumise à la surcharge barométrique de la dysfonction diastolique du ventricule gauche, qu’une ischémie latérale ou postérieure soit le facteur déclenchant d’une fibrillation auriculaire qui, sur ce ventricule gauche peu compliant, sera volontiers très mal tolérée hémodynamiquement. Enfin, s’il existe un rétrécissement aortique antérieurement assymptomatique, éventualité également fréquente dans les 8 e et 9 e décennies, la survenue d’un angor instable peut entraîner une défaillance ventriculaire, surtout si la réaction hypertrophique à la sténose aortique a été importante. Quelles conséquences pratiques peut-on tirer de toutes ces considérations physiopathologiques ? Lorsque l’angor instable est inaugural Chez un patient d’âge moyen, l’existence de signes de dysfonction ventriculaire gauche, représente un marqueur de gravité immédiate indiscutable. Il témoigne presque constamment de lésions coronaires anatomiquement sévères. L’indication d’une coronarographie est formelle (de toute façon, elle aurait été indiquée dans la grande majorité des cas, même en l’absence de signe de défaillance gauche). Elle gagne a être réalisée rapidement ; la plupart du temps, cet examen débouchera sur une indication de revascularisation par angioplastie ou par pontage. Lorsque les signes de défaillance gauche surviennent chez un coronarien chronique et/ou un patient âgé, voire très âgé La signification pronostique est au moins aussi inquiétante. Le mécanisme n’est bien sûr pas le même. Bien souvent, le territoire immédiatement à risque est topographiquement beaucoup moins étendu mais néanmoins « crucial », car responsable de la décompensation d’une situation hémodynamique antérieurement équilibré. La revascularisation urgente du territoire menacé est en théorie toujours souhaitable. En pratique, les prises de décisions sont parfois plus complexes sur ce terrain : • l’existence fréquente dans ce contexte de comorbidité lourde, peut amener à une discussion critique du rapport bénéfice/risque d’une approche invasive. • lorsqu’on retient l’indication d’une coronarographie, l’interprétation des résultats de cet examen n’est pas toujours simple. Parfois un électrocardiogramme per critique a pu être recueilli permettant de localiser avec une précision raisonnable le territoire à risque ; lorsqu’il existe à la coronarographie une sténose serrée commandant le territoire myocardique correspondant, la prise de décision est simple s’il n’y a toutefois pas de difficulté technique à l’angioplastie. Souvent la situation est moins limpide. Plus on avance en âge et en ancienneté de maladie coronaire, plus il est vraisemblable de retrouver à la coronarographie des lésions tritronculaires diffuses. - L’interprétation de l’électrocardiogramme n’est pas toujours évidente. Seule une minorité de patients a pu bénéficier du recueil d’un électrocardiogramme per critique. Même dans ce cas, l’interprétation n’est pas facile sur ce terrain en raison de la présence fréquente de séquelles de nécrose transmurale ou de troubles conductifs notamment bloc de branche gauche. Parfois l’aspect angiographique d’une sténose coronaire, irrégulière anfractueuse, a fortiori siège d’une thrombose endoluminale, représente un aveu de « culpabilité », guidant à coup sûr l’indication d’une angioplastie. Bien souvent, il est difficile, face à des lésions diffuses, d’identifier la sténose coupable. Dans cette éventualité difficile, deux situations différentes doivent à nouveaux être envisagées. - Une revascularisation complète est possible et souhaitable compte-tenu de la sévérité anatomique des lésions ; si l’état général du patient le permet, cette revascularisation complète dispensera de la nécessité impérieuse de déterminer laquelle des sténoses a été coupable du syndrome coronaire aigu récent. Si une telle revascularisation complète n’est pas raisonnable, compte-tenu de l’âge et des comorbidités ou compte-tenu de la médiocrité du lit d’aval, la prise de décision peut devenir très difficile. Le simple renforcement du traitement médicamenteux est parfois la bonne réponse, surtout si le patient ne bénéficiait pas antérieurement d’une approche pharmacologique optimisée. - Dans certains cas cependant, soit du fait de la sévérité du tableau clinique, soit en raison de l’absence de marge de manœuvre pharmacologique, la décision d’une revascularisation partielle devra être retenue. L’analyse fine de l’état anatomique et fonctionnel du myocarde par les techniques échographiques, scintigraphiques, voire dans certain cas IRM, pourra représenter une aide précieuse à une prise de décision toujours difficile et comportant sa part d’aléas. L’insuffisance cardiaque de l’infarctus transmural du ventricule gauche Mécanismes L’apparition d’une dysfonction ventriculaire gauche cliniquement patente en phase aiguë d’infarctus peut correspondre à deux mécanismes bien différents. - Lorsque l’infarctus est inaugural, il existe une raisonnable proportionnalité entre l’étendue des dégâts myocardiques et la sévérité de la défaillance ventriculaire gauche. Par contre, lorsqu’il s’agit d’un infarctus récidivé et/ou lorsqu’il existe une cardiopathie associée, éventualité fréquente chez le sujet âgé, un « petit » infarctus peut être responsable d’une défaillance cardiaque (figure 1 A et B), voire d’un choc cardiogénique. Toutes les considérations physiopathologiques et diagnostiques que nous venons d’envisager pour l’angor instable s’appliquent de la même façon à l’infarctus du myocarde. Dans ce cas de figure, le « sauvetage » de 10, 20 ou 30 g de myocarde en cours de nécrose peut s’avérer aussi précieux pour la sauvegarde du pronostic vital immédiat que la reperfusion, chez un sujet indemne d’antécédent cardiologique, d’une IVA proximale. - L’existence de signes de mauvaise tolérance hémodynamique est donc hautement incitative à une prise en charge agressive et invasive, qu’il s’agisse d’un infarctus inaugural ou d’un

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