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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 16 mins

L'insuffisance cardiaque du sujet âgé - Le message du gériatre au cardiologue

O. HANON, hôpital Broca, Paris

Avec le vieillissement des populations, on assiste à une augmentation importante de l’incidence et de la prévalence de l’insuffisance cardiaque. En France, le nombre d’insuffisants cardiaques est passé de 500 000 en 1991 à 1 000 000 en 2001, dont les deux tiers sont âgés de plus de 75 ans. Chez le sujet très âgé, l’insuffisance cardiaque se caractérise par certaines spécificités gériatriques liées au grand âge. Des recommandations nationales centrées sur la prise en charge de l’insuffisant cardiaque âgé, émanant des sociétés françaises de cardiologie et de gériatrie, viennent d’être récemment publiées. L’objectif de cet article est de faire une synthèse de ces recommandations afin de décrire les caractéristiques du diagnostic et les thérapeutiques chez l’insuffisant cardiaque de plus de 80 ans.

Écho TM : hypokinésie du septum et de la paroi inférieure. Un diagnostic difficile d’IC chez le sujet très âgé Éléments cliniques Chez l’octogénaire, le diagnostic d’insuffisance cardiaque s’avère beaucoup plus difficile à faire que chez les sujets plus jeunes. Cela s’explique par une symptomatologie et des signes cliniques souvent atypiques, trop souvent mis sur le compte de l’âge ou d’autres comorbidités. En effet, les signes cliniques d’insuffisance cardiaque habituellement observés chez l’adulte plus jeune sont souvent absents chez l’octogénaire ou intriqués à d’autres pathologies (tableau 1). La dyspnée d’effort, signe maître de l’insuffisance cardiaque, manque fréquemment chez les patients âgés peu mobiles. À l’inverse, chez l’octogénaire, d’autres pathologies parfois intriquées peuvent être responsables d’une dyspnée (pathologie respiratoire, anémie, inadaptation à l’effort, etc.). Par ailleurs, l’œdème pulmonaire peut s’accompagner d’un bronchospasme aboutissant à une véritable dyspnée asthmatiforme pouvant évoquer une origine pulmonaire. Plusieurs signes classiques d’insuffisance cardiaque n’ont plus la même valeur diagnostique chez le sujet très âgé : • les râles crépitants sont souvent retrouvés en dehors de toute pathologie cardio-vasculaire ; • les œdèmes des membres inférieurs peuvent être dus à d’autres pathologies (malnutrition, insuffisance veineuse, lymphœdème ; pathologie rénale) ; • l’oligurie est difficile à mettre en évidence chez les malades incontinents et la tachycardie manque souvent. La présence de troubles cognitifs souvent présents chez le vieillard rend l’interrogatoire difficile et peut masquer le diagnostic via les difficultés de communication et l’anosognosie. Certains signes généraux non spécifiques tels que l’asthénie, des troubles du comportement, une désorientation temporospatiale, des troubles du sommeil, des chutes, une perte d’autonomie peuvent parfois représenter la seule manifestation clinique d’insuffisance cardiaque chez l’octogénaire. Ces manifestations très variées, en rapport avec un bas débit cardiaque, sont observées en particulier chez des sujets très âgés, avec parfois au final des tableaux évolués de cachexie avec dénutrition et hypoprotidémie. Examens complémentaires Les examens paracliniques apparaissent, eux aussi, d’interprétation plus difficile chez les patients très âgés pour faire le diagnostic d’insuffisance cardiaque. L’analyse de la radiographie thoracique s’avère souvent complexe, car de réalisation difficile dans de bonnes conditions et/ou en raison d’une pathologie broncho-pulmonaire ou d’une cyphoscoliose associées. L’ECG s’avère strictement normal chez les sujets âgés en cas d’insuffisance cardiaque dans seulement 5 % des cas. Un ECG strictement normal doit faire reconsidérer le diagnostic d’insuffisance cardiaque. L’échocardiographie, qui reste l’examen de choix pour préciser le type et l’étiologie de l’insuffisance cardiaque, n’est pas toujours d’un accès facile pour le patient très âgé et peut s’avérer insuffisante pour le diagnostic en cas de mauvaise échogénicité. La fraction d’éjection du ventricule gauche s’avère normale dans près de 50 % des cas d’insuffisance cardiaque après 75 ans. La fonction diastolique s’altère avec l’âge, mais les critères Doppler restent d’interprétation difficile chez le sujet âgé. Le BNP. Si plusieurs études récentes ont montré la valeur du taux plasmatique du BNP pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque dans des populations âgées en moyenne de 60 ans, ce marqueur ne peut, pour le moment, pas être utilisé en routine dans les populations plus âgées. En effet, il apparaît que les taux plasmatiques du BNP augmentent de façon physiologique avec l’âge, la présence d’une insuffisance rénale, d’une hypertension artérielle avec hypertrophie ventriculaire gauche ou d’une insuffisance respiratoire. Dans ce cadre, un chevauchement des valeurs entre sujets normaux et insuffisants cardiaques est souvent observé. Ainsi, chez le sujet âgé de plus de 80 ans, il n’existe actuellement pas d’étude indiquant les valeurs seuil du BNP pour l’aide au diagnostic d’insuffisance cardiaque. Présence de comorbidités La présentation clinique de l’insuffisance cardiaque est d’autant moins typique et le pronostic d’autant plus sombre qu’elle survient chez des malades polypathologiques et fragiles. Les données épidémiologiques, provenant d’un registre de 86 094 insuffisants cardiaques âgés de 85 ans vivant en institution, indiquent qu’un sujet sur trois présente au moins six pathologies associées à l’insuffisance cardiaque, avec une prévalence importante des troubles cognitifs (57 % des cas). En outre, 85 % de ces patients ne peuvent pas effectuer les principales activités de base de la vie quotidienne (se lever, faire sa toilette, s’habiller, se nourrir, se déplacer, être continent). Les principales pathologies non cardio-vasculaires associées à l’insuffisance cardiaque sont la démence (36 % des cas), les chutes (30 %), l’incontinence urinaire (47 %), le diabète (23 %), l’anémie (20 %), les pathologies pulmonaires (19 %), la dépression (19 %) ou le cancer (9 % des cas). Parmi les pathologies cardio-vasculaires associées on retient : les cardiopathies ischémiques (37 %), l’hypertension artérielle (37 %), les troubles du rythme (20 %), la pathologie vasculaire cérébrale (18 %) et la pathologie vasculaire périphérique (10 %). D’autres travaux récents, menés dans des populations de sujets très âgés, hospitalisés pour décompensation cardiaque ou ambulatoire, indiquent des données similaires et retrouvent la présence d’au moins cinq pathologies non cardio-vasculaires associées chez 40 % des patients, dont les plus fréquentes sont les troubles cognitifs, les troubles de la marche et l’incontinence urinaire. La prise en compte de ces comorbidités est primordiale afin d’envisager une prise en charge spécifique et adaptée aux différentes thérapeutiques associées (risque d’interactions médicamenteuses). En outre, ces données expliquent les difficultés de l’interrogatoire et de l’examen clinique pour l’attribution des symptômes et des signes cliniques à telle ou telle pathologie. Réhospitalisations fréquentes Près de 50 % des insuffisants cardiaques âgés vont être réhospitalisés pour un nouvel épisode de décompensation au cours de l’année, principalement dans les 6 premiers mois. Les principales causes médicales de réhospitalisations sont les poussées ischémiques (14 à 33 %), la survenue de troubles du rythme (8 à 28 %) et les épisodes infectieux (16 à 23 %). Cependant, plus de 50 % des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque pourraient être évitées, en particulier dans les cas où elles sont en rapport avec une sortie mal organisée ou un mauvais suivi (35 %), une insuffisance du système d’aide social (21 %), une mauvaise observance (15 à 32 %), un traitement pharmacologique incorrect (17 %) et des facteurs iatrogènes (10 %). Dans ce cadre, plusieurs études indiquent que des interventions multidisciplinaires (cardiologue, gériatre, médecin généraliste, infirmière) à domicile auprès des insuffisants cardiaques ont des effets bénéfiques et permettent de réduire significativement les réhospitalisations ou le transfert en institution. Évaluation gérontologique indispensable La présence des comorbidités chez l’insuffisant cardiaque de plus de 80 ans implique une prise en charge globale qui nécessite, en plus de l’examen cardiologique, une évaluation gérontologique globale. Il s’agit d’une étape indispensable pour la prise en charge d’une personne âgée. Elle doit permettre, par l’utilisation de tests simples, un dépistage rapide des pathologies associées, une évaluation de la dépendance du patient et de sa situation sociale. Évaluation du fonctionnement cognitif Près de 40 % des insuffisants cardiaques très âgés présentent des troubles des fonctions supérieures. L’évaluation des fonctions cognitives se fait par l’intermédiaire du Mini Mental State Examination (MMSE). Il s’agit d’un test standardisé et rapide, coté sur 30, à partir d’items évaluant l’orientation, l’apprentissage, la mémoire, l’attention, le calcul, le langage, les praxies constructives : plus le score est bas, plus les perturbations cognitives sont importantes. Un score à 24 fait suspecter une démence et justifie un bilan complémentaire en milieu spécialisé. Ce test fait désormais partie de l’examen systématique du sujet âgé. En effet, il est impératif de dépister et d’évaluer les troubles cognitifs car ils peuvent gêner la compréhension des conseils et l’observance thérapeutique (tableau 2). Évaluation de l’autonomie Il existe plusieurs échelles gériatriques permettant d’évaluer l’autonomie : IADL ( Instrumental Activities of Daily Living) et ADL ( Activities of Daily Living), à partir de l’interrogatoire du patient et de son entourage. En pratique clinique quotidienne, on propose souvent la version abrégée des activités de la vie quotidienne (IADL) en 4 items comportant l’utilisation du téléphone, des moyens de transport, la prise des médicaments et la gestion du budget (annexe). Évaluation gériatrique globale Elle prend en compte l’examen somatique complet, en particulier neurologique, avec notamment une évaluation des troubles de la marche et des risques de chutes. L’évaluation de l’état nutritionnel peut se faire au moyen d’échelles cliniques (MNA [ Mini Nutritional Assessment]) ou de paramètres biologiques (albuminémie, préalbuminémie). La prise en compte du poids est essentielle chez l’insuffisant cardiaque âgé. Les patients doivent se peser régulièrement (au moins une fois par semaine) et le poids doit être noté. Toute variation rapide doit faire prévenir le médecin afin de prévoir une adaptation thérapeutique (majoration ou diminution des diurétiques). Il faut rechercher des éléments dépressifs qui peuvent gêner l’évaluation des possibilités fonctionnelles et qui sont corrélés à un mauvais pronostic. Les troubles urinaires fréquents à cet âge risquent d’être aggravés par

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