Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 13 mins

L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée en pratique

B. GALLET, Centre hospitalier Victor Dupouy, Argenteuil

On parle maintenant d’insuffisance cardiaque (IC) à fraction d’éjection (FE) préservée (IC-FEP) plutôt que d’IC diastolique. En effet, il existe généralement une dysfonction systolique longitudinale dans l’IC-FEP (qui n’est donc pas strictement « diastolique ») et fréquemment une dysfonction diastolique dans l’IC à FE diminuée (qui n’est donc pas strictement « systolique »). Ce terme d’IC-FEP a l’avantage d’être strictement descriptif et de ne privilégier aucune hypothèse physiopathologique.

L'IC-FEP concerne plus de la moitié des malades hospitalisés pour IC et sa prévalence augmente avec l’âge. Le patient « type » est une femme âgée, hypertendue, avec hypertrophie ventriculaire gauche (HVG). Son pronostic est équivalent à celui de l’IC à FE diminuée et la survie à 5 ans est d’environ 35 à 40 %. Sa physiopathologie reste discutée : certains considèrent qu’il s’agit de deux stades différents d’une même affection, alors que d’autres considèrent qu’il s’agit de deux pathologies différentes. Son diagnostic peut désormais s’appuyer sur un consensus d’experts de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) publié en 2007 dans l’ European Heart Journal, qui remplace un document de 1998, dont les limites avaient été soulignées (moins de la moitié des patients ayant une IC-FEP présentaient les critères proposés). Les trois conditions nécessaires au diagnostic d’IC-FEP Selon ces recommandations, trois conditions doivent être réunies pour affirmer le diagnostic d’IC-FEP (tableau 1). La présence de signes cliniques ou de symptômes d’IC Une FE normale ou subnormale définie par une valeur > 50 %. Cette valeur seuil de 50 % remplace celle de 45 % proposée dans les recommandations européennes de 1998 et correspond à celle recommandée aux États-Unis. Les experts européens ne préconisent pas de délai particulier entre la poussée d’IC et l’évaluation de la FE, alors que le groupe de la Framingham Heart Study avait conseillé un délai inférieur à 72 heures afin d’écarter une dysfonction systolique ventriculaire gauche rapidement réversible (telle qu’on peut l’observer au cours d’une myocardite ou d’un syndrome du tako-tsubo). Une dysfonction diastolique du ventricule gauche Ce troisième critère n’était pas exigé dans les recommandations américaines de 2005, car il avait été montré par Zile et coll. que plus de 90 % des patients ayant une IC avec une FE normale et une HVG avaient une dysfonction diastolique, marquée par une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche > 16 mmHg. La présence d’une dysfonction diastolique étant considérée comme implicite, sa démonstration n’était pas jugée nécessaire. Le risque de cette attitude « américaine » est d’affirmer un diagnostic d’IC-FEP de manière excessive. Ce risque a été confirmé par l’étude CHARM rapportée en 2007, portant sur un sous-groupe de 312 patients inclus dans l’étude CHARM-Preserved et ayant eu une évaluation échocardiographique. Selon cette étude, 33 % des patients inclus dans l’essai CHARM-Preserved sur la base d’une IC clinique et d’une FE jugée préservée avaient une fonction diastolique normale ; seulement 44 % avaient une dysfonction diastolique significative (définie par un remplissage pseudo normal ou restrictif). Il est donc possible qu’un certain nombre des patients inclus dans l’étude CHARM Preserved n’aient pas eu d’IC authentique, et c’est à juste titre que les experts européens exigent la démonstration d’une dysfonction diastolique du ventricule gauche pour affirmer le diagnostic d’IC-FEP. Les outils du diagnostic Les outils dont on dispose pour affirmer le diagnostic d’IC-FEP sont les données cliniques, le dosage des peptides natriurétiques et, surtout, l’écho-Doppler qui a remplacé le cathétérisme auquel on a actuellement rarement recours. Les données cliniques Le manque de spécificité des signes cliniques d’IC est bien connu. Une dyspnée d’effort ou des œdèmes périphériques peuvent relever de causes multiples. Les experts européens proposent d’évoquer le diagnostic d’IC-FEP en cas de symptômes ou de signes d’IC, contrairement aux recommandations américaines de 2005 qui conseillent d’utiliser l’association de symptômes et de signes d’IC. Cette association est habituelle chez les patients hospitalisés pour IC, mais il est fréquent qu’une dyspnée d’effort isolée soit le seul signe observé chez des patients ambulatoires. Le consensus européen privilégie ainsi la sensibilité diagnostique, comparativement aux recommandations américaines qui privilégient la spécificité. Afin de limiter le risque de diagnostic par excès, les experts européens proposent d’utiliser des critères objectifs dans les cas difficiles (mesure du pic de VO2, test de marche de 6 minutes). Les peptides natriurétiques Une valeur normale des peptides natriurétiques permet d’écarter le diagnostic d’IC-FEP avec une forte valeur prédictive négative d’environ 95 %. La valeur seuil du BNP permettant d’écarter le diagnostic est de 100 pg/ml. Pour le NT-proBNP, la valeur seuil proposée par les experts européens pour exclure une IC-FEP est de 120 pg/ml, mais cette limite paraît basse ; une valeur de 300 pg/ml semble plus appropriée, notamment en cas de dyspnée aiguë (étude PRIDE). La valeur prédictive positive des peptides natriurétiques est nettement moins bonne que leur valeur prédictive négative et n’est que d’environ 80 %. Le consensus européen insiste sur ce point, en soulignant qu’une augmentation des peptides natriurétiques ne permet pas à elle seule d’affirmer le diagnostic d’IC-FEP et qu’elle doit s’associer à des critères échocardiographiques. Les experts proposent néanmoins des valeurs seuils en faveur du diagnostic, qui sont de 200 pg/ml pour le BNP et de 220 pg/ml pour le NT-proBNP. Ces limites semblent basses, puisque celles habituellement retenues, notamment en cas de dyspnée aiguë, sont de 400 pg/ml pour le BNP, et de 450 à 1800 pg/ml selon l’âge pour le NT-proBNP : 450 pg/ml avant 50 ans, 900 pg/ml entre 50 et 75 ans, 1 800 pg/ml après 75 ans (étude PRIDE) (tableau 2). Les résultats des peptides natriurétiques doivent être interprétés en connaissant l’existence de faux positifs (insuffisance rénale, sepsis, hypertension artérielle pulmonaire d’origine respiratoire ou postembolique), et de faux négatifs (œdème pulmonaire « flash », obésité). L’écho-Doppler Elle est indispensable au diagnostic avec 4 objectifs : évaluer la fonction systolique, écarter certains diagnostics différentiels, rechercher des anomalies morphologiques confortant le diagnostic (HVG, dilatation atriale gauche) et objectiver une dysfonction diastolique. Évaluer la fonction systolique La fonction systolique globale est appréciée par le calcul de la FE en mode bidimensionnel selon la méthode de Simpson biplan (figure 1). L’utilisation du contraste cavitaire peut être utile dans les cas difficiles. Le mode 3D en temps réel est le plus fiable si l’on en dispose. La FE est par définition > 50 % en cas d’IC-FEP. Les experts européens soulignent qu’il faut écarter une dilatation cavitaire significative témoignant d’une surcharge de volume du ventricule gauche. Le volume télédiastolique (VTD) doit ainsi être 97 ml/m 2, et le volume télésystolique (VTS) 49 ml/m 2. Figure 1. Fraction d’éjection – Méthode de Simpson biplan. La fonction systolique longitudinale est diminuée en cas d’IC-FEP, mais cette diminution est compensée par une augmentation de la fonction systolique radiale, ce qui explique le maintien de la FE. La réduction de la fonction systolique longitudinale se traduit par une diminution de la cinétique de l’anneau mitral en mode TM et par une réduction de la vitesse de l’onde Sa mesurée en systole en Doppler tissulaire à l’anneau mitral. Une onde Sa > 6,5 cm/s est un argument contre le diagnostic d’IC-FEP selon les experts européens (figure 2). La fonction systolique longitudinale peut être appréciée plus précisément par le calcul du strain longitudinal global en 2D strain (ou speckle tracking), dont la valeur normale est de -20 à -25 %. Figure 2. Onde Sa normale (8 cm/s) en Doppler tissulaire. Écarter les diagnostics différentiels Il faut éliminer certaines affections pouvant entraîner une IC avec une FE normale, mais qui ne s’accompagnent pas de dysfonction diastolique et qui relèvent pour la plupart d’un traitement spécifique. Ce sont principalement les valvulopathies gauches sévères, la constriction péricardique, l’IC à débit élevé, certaines cardiopathies congénitales, le cœur pulmonaire et les sténoses des veines pulmonaires (parfois iatrogènes après ablation d’une fibrillation atriale). Toutes ces affections peuvent être diagnostiquées par écho-Doppler. Rechercher des anomalies morphologiques : HVG et dilatation atriale gauche Il existe fréquemment une HVG en cas d’IC-FEP. La masse ventriculaire gauche est calculée en mode TM en utilisant la convention ASE (figure 3). Selon les experts européens, une augmentation franche de la masse ventriculaire gauche est un argument pour le diagnostic (masse > 149 g/m 2 chez l’homme et > 122 g/m 2 chez la femme), alors qu’une masse normale plaide contre ce diagnostic (masse 116 g/m 2 chez l’homme et 96 g/m 2 chez la femme). Une « zone grise » existe entre ces deux groupes de valeurs. Figure 3. Ventricule gauche en mode TM – Masse ventriculaire gauche augmentée à 188 g/m 2. L’oreillette gauche est généralement dilatée en cas d’IC-FEP. Cette dilatation reflète le degré et surtout l’ancienneté de l’élévation des pressions de remplissage ventriculaire gauche. La taille de l’oreillette gauche est appréciée, selon les recommandations ASE, en calculant son volume télésystolique par la méthode surface longueur ou par la méthode de Simpson biplan en incidence apicales 4 et 2 cavités et en l’indexant à la surface corporelle. Une dilatation de l’oreillette gauche (volume > 40 ml/m 2) est en faveur du diagnostic d’IC-FEP, alors qu’un volume atrial gauche normal ( 29 ml/m 2) va à l’encontre de ce diagnostic (figure 4). Entre ces deux valeurs existe là encore une « zone grise ». Figure 4. Volume télésystolique de l’oreillette gauche (OG) calculé par méthode de Simpson biplan augmenté à 42 ml/m 2. Évaluation de la fonction diastolique Bien que la physiopathologie de l’IC-FEP reste discutée, il existe habituellement un déplacement vers le haut de la relation pression-volume du ventricule gauche en diastole, c'est-à-dire que le ventricule gauche ne peut se remplir normalement qu’au prix d’une élévation anormale de ses pressions diastoliques. C’est cette

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :