Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

Cardiologie générale

Publié le  Lecture 14 mins

Nutrition et régimes - Le malentendu de l'amaigrissement

D. LANZMANN-PETITHORY, Praticien hospitalier, hôpital Émile Roux, Limeil-Brévannes

Pouvoir perdre 4 kg en une semaine fait partie des illusions de notre époque. Vos patients sont tentés d’y croire car l’idée est extrêmement répandue dans les médias et entretenue par les magazines à longueur d’année, particulièrement avant l’été ou après les fêtes. Ce rêve de facilité, colporté par ces magazines généralement féminins, a en réalité pour résultats à long terme le contraire même de ce que souhaitent leurs lectrices avides d’en finir avec leurs kilos en trop.

Il est important que vous, médecins, soyez conscients des mécanismes physiologiques et sachiez les expliquer à vos patients car bon nombre d’échecs de l’amaigrissement sont dus à l’ignorance. Perdre du poids n’est ni spontané ni naturel à notre époque de pléthore alimentaire car le corps n’aime pas maigrir, obéissant à un instinct de survie enraciné dans la nuit des temps. Perdre du poids aujourd’hui est une démarche volontaire qui nécessite des connaissances. Voici un certain nombre de notions importantes à connaître pour aider vos patients à contrôler leur poids. On mange de moins en moins et pourtant on grossit Alors que l’épidémie d’obésité fait des ravages dans leur pays, les Anglais ne cessent de diminuer leur consommation calorique depuis 40 ans et, plus récemment, leur consommation de matières grasses (tableau 1). La tendance est comparable en la France, où l’on absorbe de moins en moins de calories depuis une trentaine d’années (tableau 2). Ces cinq dernières années, les adultes continuent à diminuer leur ration (- 0,8 %) avec un ralentissement de la tendance. Tout comme les adultes, les enfants mangeaient progressivement moins depuis 40 ans, mais cette tendance vient de s’inverser : 1 900 calories par jour en 1999, contre 1 843 calories en 1994 (+ 3 %), sur des échantillons de population représentatifs de la France. Cela est assez inquiétant compte-tenu de la diminution incessante de l’activité physique des enfants et de l’augmentation préoccupante de la fréquence de l’obésité infantile. Dans nos pays, 20 % des enfants sont actuellement en état de surcharge pondérale. Celle-ci est d’autant plus sévère et tenace qu’elle s’installe précocement, car elle s’accompagne d’une hyperplasie (gonflement) irréversible des cellules adipeuses. Étant donné que les enfants mangent plutôt moins qu’avant, on peut dire que le primum movens de cette augmentation de la surcharge pondérale est la sédentarité. Lors d’un congrès, quelqu’un a proposé de brancher les télévisions sur des groupes électrogènes dont le courant serait généré par une bicyclette d’appartement, pour résoudre le problème de l’obésité infantile ! Nous assistons donc à une véritable épidémie d’obésité, alors que, paradoxalement, les gens mangent de moins en moins. En voici l’explication : la consommation calorique a baissé, mais le besoin calorique a baissé davantage. Par exemple, les Anglais mangent 800 calories de moins qu’il y a 40 ans alors que leur besoin énergétique a baissé de 850 calories. Ces 50 calories excédentaires expliquent la prise de poids de la population. Il suffit de se tromper d’un sucre (20 calories) par jour en trop par rapport à ses besoins, soit environ 1 % de la consommation énergétique journalière, pour stocker presque 2,2 g de graisse par jour et prendre environ 0,7 kg par an, donc 7 kg au bout de 10 ans. C’est d’ailleurs ce qui se passe. Pour perdre du poids, c’est le même principe en sens inverse, c’est-à-dire pas beaucoup plus rapide, l’homéostasie ayant tendance à stabiliser tout état. La régulation de la prise alimentaire se fait très précisément, à quelques unités pour cent près dans le pire des cas. Quand on mesure ce que consomme un individu, on mesure donc approximativement sa dépense énergétique, car la régulation de la prise alimentaire est finalement très précise. Différents facteurs contribuent cependant à dérégler cette mécanique subtile : – l’arrivée sur le marché de produits de l’industrie agro-alimentaire beaucoup plus riches en calories. Le sociologue Claude Fischler parle d’« OCNI », comme « objets comestibles non identifiés », à propos de certains de ces produits. Pour les plus caloriques d’entre eux, la machine humaine a peine à réguler la quantité ingérée ; – ces mêmes produits ont une saveur qui flatte des goûts primitifs comme le sucré qui a peut-être été sélectionné pour orienter l’homme vers des aliments riches en polyphénols et vitamines tels que les fruits ; – enfin, cette baisse de la consommation calorique rend plus difficile la régulation, tout comme il est plus difficile d’équilibrer un budget à 2 000 e qu’un budget à 3 000 euros. Entre l’inactivité et l’immobilisation Pourquoi dépensons-nous 850 calories de moins qu’il y a 40 ans ? Parce que nous sommes devenus de plus en plus sédentaires : nous n’allons plus chercher le charbon à la cave par les escaliers, nous vivons au chaud, nous ne cirons plus notre parquet, nous faisons simplement rouler notre aspirateur, nous allons faire nos courses en voiture ou nous nous faisons livrer à domicile, nous prenons l’ascenseur, nous nous déplaçons en voiture ou en transports en commun, nous sommes citadins et ne cultivons plus notre jardin, même si nous allons de temps en temps en salle de gymnastique, nous travaillons sur ordinateur dans un bureau, nous passons des heures assis en consultation ou en réunion, nous avons un lave-linge et un lave-vaisselle, nous regardons la télévision plusieurs heures par jour etc. Si l’on s’amuse à calculer combien de calories on ne brûle plus de cette manière, on voit qu’il en faudrait, des heures en salle de gymnastique, pour compenser cette sédentarité permanente. Non seulement de nombreuses activités ont disparu mais de nouvelles activités « immobilisantes » sont apparues, telles que la voiture, l’ordinateur, la télé, la playstation pour les enfants. Si tout le monde ne grossit pas, c’est qu’il y a tout de même 30 % de facteurs génétiques, et que les individus sont plus ou moins inactifs et régulent plus ou moins parfaitement leur prise alimentaire en fonction de leur dépense énergétique. Un début prometteur Voici donc comment se passe le scénario classique de quelqu’un qui veut maigrir : une femme de la cinquantaine avec une dizaine de kilos en trop (pense-t-elle), installés progressivement depuis une dizaine d’années, décide de faire un régime. Séduite par une couverture de magazine « En finir avec vos kilos en trop » ou « Perdez 4 kg en 8 jours ! », cette femme, pleine d’espoir et de bonnes résolutions, décide de suivre à la lettre le régime du magazine présenté sous forme de menus pour toute la semaine. Il s’agit d’un régime hypocalorique. Généralement, ces régimes se situent entre 1 000 et 1 300 calories. Ils sont relativement équilibrés mais pas du tout personnalisés. Cette femme fait donc ses courses en conséquence le samedi pour avoir tous les ingrédients à sa disposition le lundi matin. Elle est invitée chez des amis le samedi soir et chez ses beaux-parents le dimanche midi ; ce sont les dernières agapes avant d’attaquer son régime le lundi. Premiers résultats miracles Lundi matin , poids : 72,500 kg. Petit déjeuner : un fruit et une tranche de pain complet grillé avec du fromage allégé à tartiner, le tout accompagné d’un thé sans sucre, etc. Mardi matin : moins 1,5 kg à la balance : 71 kg. Le moral est au plus haut, même si la faim commence à se faire sentir, surtout en fin d’après-midi. Avec des résultats si encourageants, on ne peut que continuer. Mercredi matin : 70,200 kg. Le fait de réduire considérablement les calories diminue proportionnellement la consommation de sel. De plus, les aliments concentrés en calories étant souvent concentrés aussi en chlorure de sodium (charcuteries, fromages, apéritifs salés), le fait de les éliminer réduit aussi la consommation de sel. Étant donné que le sel retient l’eau, la diminution de la quantité de sel consommée provoque automatiquement une élimination d’eau dans les 2 à 3 jours qui suivent. Celle-ci peut aller jusqu’à 2 litres et explique en grande partie cette chute rapide du poids. L’alcool provoque des phénomènes moins importants quantitativement, mais semblables au niveau de la rétention d’eau. Le fait d’arrêter de boire provoque aussi une élimination d’eau, surtout chez la femme. Jeudi matin : 69,800 kg. À la bonne heure, cela faisait longtemps que je n’étais pas redescendue sous la barre des 70 kg ! Il y a aussi l’effet remplissage : le fait de diminuer la quantité de nourriture ingérée diminue aussi la charge intestinale et peut faire perdre près d’1 kg. Vendredi matin : 69,300 kg ! Plus de 3 kg en 4 jours, ce magazine ne mentait pas, c’est un régime sensationnel. Samedi matin : 68,900 kg. Dimanche matin : 68,500 kg. J’ai fait mieux que le journal, j’ai perdu mes 4 kg en 7 jours au lieu de 8. Je tiens le bon bout. Dans une semaine, moins 8 kg, dans 3 se-maines, moins 12 kg, j’aurai retrouvé le poids de mes 18 ans ! Ce qui se trame derrière Lorsqu’un patient fait un régime à 1 300 calories au lieu des 2 500 habituelles, il prélève la différence, c’est-à-dire 1 200 calories, sur ses réserves de graisse. Étant donné qu’il y a 9 calories (kcal) dans 1 g de graisse, prendre 1 200 calories sur ses réserves de graisse signifie « brûler » environ 130 g de graisses. (kcal est l’abréviation de kilocalories ou grandes calories, c’est-à-dire 1 000 calories ; dans le langage courant, on parle tout simplement de calories, pour signifier kilocalories). En une semaine, on peut donc tout au plus perdre 1 kg de graisse (ce qui représente un peu plus en « cellulite »). Sur les 4 kg apparemment perdus dans cet exemple, il y a 1 kg de graisse, et 3 kg d’eau ou assimilés. On a choisi le cas assez favorable d’un régime hypocalorique équilibré. En réalité, la perte de poids peut être encore plus importante dans le cas de régimes carencés en protéines. L’organisme va alors puiser son énergie et ses acides aminés indispensables dans ses muscles. L’amaigrissement peut alors être spectaculaire car les muscles sont peu denses en calories. Des régimes déséquilibrés et dangereux circulent sous le manteau, mono-produits de toutes sortes (régime à base de bananes exclusivement, ou de soupe au chou et autres fantaisies). Le muscle contient essentiellement de l’eau. Si puiser 1 000 calories dans ses réserves de graisses signifie perdre 130 g, les prendre dans ses réserves de muscles signifie perdre 1 kg, mais de muscle. Cela signifie aussi perdre une partie de son capital musculaire, donc

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :