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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 14 mins

Optimiser le traitement de l'insuffisance cardiaque - Le rôle de l'échocardiographie

B. DIÉBOLD, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Les diurétiques furent une révolution dans le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive.
Dans le traitement des œdèmes aigus du poumon, couplés aux dérivés nitrés, ils ont permis une quasi-disparition des saignées ; dans celui des insuffisances cardiaques globales sévères, de largement soulager des patients qui, avant la Seconde Guerre mondiale, étaient quasi impotents du fait de leurs grosses jambes.
Ce rappel historique explique la place centrale que les diurétiques ont gardée dans la pratique quotidienne de la prise en charge des insuffisances cardiaques.

Le long passé des diurétiques Des générations de médecins formés à la fin des années 70 et au début des années 80 continuent de prescrire des diurétiques en traitement de fond. Cette prescription reste basée sur une physiopathologie bien établie dans laquelle intervient la rétention hydrosodée associée aux phénomènes neurohormonaux de l’insuffisance cardiaque (IC). Cette réalité n’a pas disparu et continue de justifier aussi le régime désodé. Néanmoins, ses conséquences sur les prescriptions méritent d’être réévaluées en raison des nouveaux traitements de fond. Place incontournable de l’écho-cardiographie : fraction d’éjection et enquête étiologique L’échocardiographie fut utilisée dès le milieu des années 70 pour apprécier la fonction ventriculaire gauche, notamment la fraction d’éjection (figure 1). En dépit de variabilités inter- et intraobservateurs supérieures à celles de la médecine nucléaire, elle reste la méthode de premier choix du fait de sa disponibilité et de son faible coût. Si l’on peut se satisfaire d’une appréciation visuelle de cette fraction d’éjection en s’appuyant sur la valeur du « coup d’œil » d’expert très entraîné, la méthode de référence reste cependant le calcul par la méthode de Simpson à l’aide d’acquisitions biplans faites en incidence apicale 4 et 2 cavités. Figure 1. Exemple classique d’écho TM du VG dans une cardiomyopathie dilatée hypokinétique. L’apport de l’échographie bidimensionelle lors du bilan initial est largement connu : au-delà de la fraction d’éjection, il peut contribuer au diagnostic étiologique. Il peut arriver, notamment chez les sujets âgés, que ce bilan simple ne soit pas fait ou, du moins, pas rapidement. Ce retard est regrettable car il a été prouvé que la pratique d’une échographie dans le cadre de la prise en charge d’une insuffisance cardiaque est associée à un meilleur pronostic. De plus, la fraction d’éjection a une très forte valeur pronostique et contribue à la stratégie thérapeutique. Cependant, les travaux consacrés à la quantification de l’effet des médicaments ont montré qu’en général, les variations des paramètres observées sont inférieures à la variabilité des mesures, même si elles sont significatives sur de grands effectifs. Ces données classiques ont longtemps fait que les échocardiogrammes répétés furent réputés inutiles dans l’IC. Nouveaux traitements de fond La fin des années 80 et les années 90 ont été marquées par deux révolutions successives : le blocage du système rénine-angiotensine et les bêtabloquants. Les IEC ont été les premiers bloqueurs du système rénine-angiotensine validés dans l’IC. Lors d’études initiales, ils ont été administrés à des patients très graves et très « diurétiqués » avec un risque d’hypotension, ce qui a conduit à une prescription « conditionnelle ». Il a été démontré par étapes que les IEC ont un impact très positif sur la mortalité, chez les patients symptomatiques comme chez les patients asymptomatiques, et que le mieux est de commencer le traitement le plus tôt possible dans le cours de la maladie. Le blocage des récepteurs de l’angiotensine par les ARA II est une approche de l’IC plus récente mais les données de grands essais (VAL-HEFT, CHARM) montrent qu’il peut constituer une bonne alternative au sein du même concept. Les bêtabloquants, après un mouvement de balancier impressionnant qui a retardé leur acceptation, sont maintenant recommandés comme traitement de fond essentiel. Objectifs des traitements, recommandations déjà anciennes et poids des habitudes Les diurétiques ont essentiellement une action sur les symptômes (dyspnée, hépatalgies, œdèmes des membres inférieurs) et sont donc importants pour le soulagement du patient. Les recommandations insistent sur l’ajustement des doses en fonction des symptômes et des variations du poids. Elles soulignent la pertinence d’un autoajustement par le patient lui-même, dans la mesure où il a bénéficié de l’éducation souhaitable. Les IEC et les ARA II sont recommandés : les doses sont un enjeu très important puisqu’il est établi que plus la dose finale est élevée, meilleur est le pronostic. Les bêtabloquants sont recommandés dès l’apparition de symptômes. Là aussi, plus la dose finale est élevée, meilleur est le pronostic. En cas de mauvaise tolérance, les recommandations suggèrent l’association IEC-ARA II alors que les autorisations de mise sur le marché se font encore attendre. La spironolactone chez les patients en stade NYHA III ou IV vient s’ajouter à ces recommandations. Le poids des habitudes vient du siècle passé, des premières introductions d’IEC et des craintes associées à la prescription de bêtabloquants : la crainte d’épisodes hypotensifs fait que l’on voit encore, en hospitalisation des prescriptions conditionnelles « IEC si tension artérielle supérieure à … ». Dans les faits, les diurétiques sont souvent utilisés comme traitement de fond et les prescriptions des autres traitements comme des variables à ajuster journellement. À la moindre difficulté, on a trop souvent préféré suspendre les traitements modernes tout en maintenant le diurétique inchangé. Difficultés pratiques et intérêt des mesures des pressions de remplissage En dehors de certaines réticences historiques évoquées plus haut, la mise en œuvre de ces recommandations peut s’avérer complexe chez certains patients à cause du nombre de médicaments à ajuster et de l’atypie des effets secondaires des médicaments. La toux peut être due aux IEC, mais, chez les patients graves, peut être le témoin d’un subœdème pulmonaire avec une pression capillaire toujours élevée, d’où l’intérêt d’une analyse des pressions de remplissage dans ce cas. L’hypotension est souvent mal tolérée par les patients, surtout quand ils ont gardé comme objectif idéal une pression artérielle de 130/80 mmHg. Les hypotensions relatives (100/60 mmHg) sont d’autant plus fréquentes que tous les nouveaux traitements de fond sont, au départ, des antihypertenseurs : elles devraient être plus constamment présentées comme bénéfiques lors de l’éducation thérapeutique des patients. Les hypotensions plus franches peuvent être objectivement mal supportées. L’hypotension conduit souvent à arrêter l’escalade thérapeutique recommandée alors même qu’elle peut être majorée par une hypovolémie peu utile. Certaines hypotensions correspondent à un traitement déplétif surdosé. Les variations lentes du poids ne sont pas nécessairement la conséquence d’une dérive de la volémie : la cachexie cardiaque, les changements dans l’activité physique, les régimes associés sont autant de facteurs qui peuvent influer sur le poids sec. Ce poids sec, très connu des néphrologues, n’a pas encore acquis ses lettres de noblesse en cardiologie alors même que les problèmes de rétention hydrosodée sont assez comparables à ceux des patients dialysés. Beaucoup de néphrologues prescrivent des échocardiogrammes pour « réétalonner » le poids sec de leurs patients. Les cardiologues ont toutes les raisons de faire de même, de façon à détecter précocement les déséquilibres de leurs patients insuffisants cardiaques. Analyse échographique classique de la diastole : évaluation pronostique L’analyse simple du flux transmitral ne permet pas une évaluation des pressions de remplissage mais a une forte valeur pronostique (figures 2 et 3) et doit, à ce titre, être mise en œuvre systématiquement. Le flux mitral doit être enregistré entre les extrémités des feuillets valvulaires, à l’endroit où les vitesses sont les plus élevées car c’est là que la reproductibilité est la meilleure. Cette analyse ne doit pas être réalisée en cas de sténose mitrale, de prothèse mitrale ou d’antécédent de plastie mitrale. Figure 2. Exemple de flux mitral non restrictif. Figure 3. Exemple de flux mitral restrictif. Temps de décélération de E On doit mesurer, chez tous les patients, le temps de décélération de l’onde E du flux mitral (TDE) : on trace, le long de la décélération du flux, la tangente entre le sommet de l’onde E et la ligne de base. Un temps de décélération court ( 140 ou 125 ms) est associé à un mauvais pronostic (le risque de mortalité est multiplié par 4). Cela est largement confirmé dans des analyses multivariées récentes. De plus, si chez un patient qui a un temps de décélération court, le traitement conduit à un allongement du temps de décélération, le pronostic est considérablement amélioré alors qu’il est très mauvais chez les patients dont le temps de décélération reste court. E/A Chez les patients en rythme sinusal, le rapport entre l’amplitude de l’onde E et l’amplitude de l’onde A a, aussi, une valeur pronostique (quand on exclut les jeunes et les grands sportifs) : un rapport E/A 1 est associé à un bon pronostic alors qu’un rapport E/A > 2 est associé à un mauvais pronostic. Les profils La combinaison du rapport E/A et du temps de décélération permet de définir deux types de flux mitral et de classer les nombreux patients qui ont un rapport E/A compris entre 1 et 2 : • le profil non restrictif avec E/A 1 ou E/A compris entre 1 et 2 avec un TDE long, • le profil restrictif avec E/A > 2 ou E/A compris entre 1 et 2 et TDE court. De nombreuses études ont établi la forte valeur pronostique de cette classification facile à mettre en œuvre : bon pronostic pour le profil non restrictif, mauvais pronostic pour le profil restrictif. De même, la valeur pronostique des changements de profil en cours de traitement a été rapportée par plusieurs équipes. Ces considérations fournissent des arguments supplémentaires pour répéter les analyses classiques de la diastole, tout en gardant à l’esprit que ces approches ne fournissent pas une évaluation des pressions de remplissage. Nouveaux outils échographiques : évaluation des pressions de remplissage gauches Le flux transmitral est déterminé pour une part par les pressions dans l’oreillette gauche et donc la volémie. Il est, de ce fait, influencé par la rétention hydrosodée de l’IC et par les diurétiques. Il dépend aussi de la relaxation du

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