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Coronaires

Publié le  Lecture 20 mins

Quelle activité physique conseiller à un coronarien ?

T. LAPORTE, Bordeaux

La lutte contre la sédentarité devient un enjeu majeur de santé publique ; l’inactivité physique, outre le fait qu’elle favorise l’émergence des autres facteurs de risque cardiovasculaires, représente à elle seule un véritable facteur indépendant qui intervient dans les mortalités globale et cardiovasculaire ; ainsi, pour l’organisation mondiale de la santé, la sédentarité est la dixième cause de mortalité. Aussi, en 2005, la problématique dépasse-t-elle celle de l’absolue nécessité d’une activité physique pour aborder celle de la prescription d’une véritable « ordonnance physique » permettant facilement la mise en place d’un programme individuel adapté, efficace et facilement contrôlable ; or, nous constatons que si plus de 90 % des cardiologues sont convaincus du bien-fondé de cette notion, beaucoup se contentent de simples conseils verbaux sans aller jusqu’à rédiger cette véritable ordonnance-programme.
Cet article se consacre au cas du sujet coronarien « avéré », dans le cadre de la prévention secondaire avec la mise en place « d’une ordonnance type » d’activité physique.

Coronaires et activité physique : l'exercise paradox Les bénéfices de l’activité physique et sportive sont largement démontrés chez les coronariens Une diminution de la mortalité globale et cardiovasculaire a été mise en évidence dans cette population, de 20 à 32 % respectivement, selon les deux grandes métaanalyses de Oldbridge en 1988 et celle de O’Connor en 1989. Ces chiffres sont corroborés par la dernière métaanalyse publiée en 2004 par Taylor et coll. concernant près de 9 000 patients ; les résultats confirment, malgré l’évolution de l’arsenal thérapeutique coronaro-protecteur et l’avènement des angioplasties et des stents, l’indiscutable efficacité de la pratique régulière d’une activité physique sur le taux de mortalité des coronariens. Toutefois, elle ne parvient pas à faire diminuer l’incidence des infarctus ou des nouvelles revascularisations. Les auteurs de cette dernière métaanalyse notent néanmoins une grande disparité dans les programmes d’activité physique proposés et l’intensité des séances imposées, qui peut varier selon les études de 50 à près de 80 % de la VO2max du patient ! Il y a donc un réel effort d’harmonisation à réaliser dans l’élaboration des programmes de réentraînement. Quels sont les mécanismes responsables du bénéfice observé ? Des effets directs sont toujours observés : avec une amélioration de la capacité de vasodilatation endothéliale (sécrétion et libération de NO) et de l’angiogenèse au niveau de l’arbre vasculaire coronaire, cette vasodilatation accrue à l’effort permet d’augmenter le débit coronaire à l’exercice, compensant ainsi l’incapacité du cœur à augmenter son niveau d’extraction en oxygène qui est déjà maximal au repos, contrairement aux muscles périphériques. Des effets indirects en diminuant, voire en corrigeant, les effets néfastes de certains facteurs de risque « modifiables » avec un meilleur équilibre tensionnel (gain de 7 à 10 mmHg sur la PA systolique, 5 mmHg sur la PA diastolique), une amélioration prouvée du profil lipidique (augmentation du HDL-cholestérol et diminution du taux des LDL « petits et denses » hautement athérogènes, diminution du taux de triglycérides), une baisse de l’insulinorésistance, et des facteurs de coagulation avec une moindre viscosité sanguine par diminution du taux de fibrinogène et de l’hématocrite, enfin une diminution de l’adhésivité plaquettaire. Les risques cardiaques liés à l’activité physique Ils sont tout aussi réels et démontrés ; il est indiscutable que l’exercice physique, surtout s’il est intense et irrégulièrement ou occasionnellement pratiqué, constitue une « condition idéale » pour la réalisation d’un accident coronarien. Ainsi, chez le sédentaire, le risque de constituer un infarctus lors d’un effort intense est 107 fois supérieur à celui en période d’inactivité ; de plus, le risque de mort subite est significativement supérieur (RR = 2,5) chez le sportif comparativement au sédentaire dans la même tranche d’âge alors que le risque d’accident cardiaque à l’effort est multiplié par près de 60 chez le sédentaire par rapport au sportif et la mortalité d’origine cardiaque multipliée par 2,5, toujours chez l’inactif par rapport au sportif. Chez le coronarien à l’effort le risque est en fait triple Le risque lié à la sténose athéromateuse et à l’inéquation entre des besoins accrus liés à l’effort et la limitation des apports par diminution « anatomique » du calibre des coronaires : c’est la classique « théorie mécanistique » des années 80. Ce phénomène est amplifié par un possible degré de vasoconstriction « paradoxale » associée à la perturbation de la fonction endothéliale qui se voit dans ces zones ischémiées à l’effort. Le risque beaucoup plus sournois et difficile à dépister est celui lié à la rupture d’une « plaque vulnérable », théorie très en vogue depuis le milieu des années 90. Il est actuellement bien démontré que, sur une plaque coronaire surtout si elle est molle et chargée de dépôts lipidiques, l’intensité de l’effort favorise le risque de rupture par élongation et plicature des coronaires épicardiques ; il se crée par ailleurs des mouvements « en accordéon » et des coudures liées aux contractions du myocarde ; ces phénomènes contraignent mécaniquement les plaques coronaires. L’augmentation de la tension pariétale intracoronaire et les altérations des conditions rhéologiques favorisent d’autant plus ce phénomène de rupture de plaques instables et « cassantes » et ce, même si elles sont minimes. Le risque rythmique : dans la plupart des cas de décès « coronariens » liés à l’activité physique, une arythmie ventriculaire maligne est en cause. Ce risque peut survenir à partir d’une cicatrice d’accident coronarien ancien ou dans un territoire en ischémie aiguë. L’excitabilité myocardique étant par ailleurs nettement accrue par l’imprégnation catécholergique, cette dernière est d’autant plus importante que l’intensité de l’effort est grande, avec notamment une nette augmentation du taux des catécholamines circulantes aux environs de 70 % de la VO2max. Cette zone est souvent dénommée « seuil des catécholamines » ; elle coïncide le plus souvent avec le premier seuil ventilatoire et le premier seuil lactique, cette notion ayant des conséquences très importantes sur la mise en place d’un programme d’activité physique. Par ailleurs, il est clairement démontré que le taux de catécholamines circulantes augmente nettement pour des exercices de longue durée, surtout supérieures à 120 minutes et ce, quelle que soit l’intensité de l’effort soutenu. Enfin, les périodes où le myocarde est le plus vulnérable sont certainement : d’abord, le début d’un effort intense abordé brutalement et sans échauffement préalable où une ESV gâchette peut « allumer le feu » ; mais aussi lors de la phase de récupération en raison de la diminution du retour veineux et de la vasodilatation périphérique, qui sont responsables d’une hypotension et d’une hypoperfusion coronaire. Conséquence pratique : l’absolue nécessité, surtout chez nos coronariens, d’un échauffement suffisant et d’une récupération active… La balance bénéfices/risques de l’activité physique chez le coronarien Elle penche heureusement nettement en faveur de la pratique régulière d’une activité physique, à condition que celle-ci soit adaptée aux possibilités du patient, individualisée par le biais d’un programme personnel, et en surveillant l’intensité des séances par des moyens simples et reconnus. Un bilan d’évaluation indispensable avant toute activité physique programmée Avant de se lancer dans une prescription d’activité physique, il faut connaître le profil à la fois physique (niveau de risque de la coronaropathie, condition physique initiale), mais aussi psychologique (niveau de motivation). Un bilan clinique complet est donc nécessaire : – l’interrogatoire permettra de retracer l’histoire évolutive de la maladie coronaire, l’existence ou non de symptômes, le traitement suivi, et le niveau de contrôle des facteurs de risque. Le profil comportemental (stressé, émotif, compétiteur ou passif, dépressif) et les désirs actuels de pratique du patient ainsi que sa disponibilité seront pris en compte ; – l’examen clinique classique avec prise en compte du poids, des chiffres de tension artérielle ; – l’électrocardiogramme de repos complète ces données. À l’issue de cette consultation initiale, le patient sera déclaré apte à l’activité physique programmée s’il est soit asymptomatique, ou stable sous traitement (et ce, quels que soient ses antécédents d’IDM, de dilatation ou de pontages) ; à contrario, toute évolutivité ou instabilité de la maladie coronaire contre-indiquera temporairement la mise en place du programme. L’épreuve d’effort est l’étape initiale fondamentale et indispensable avant la mise en place du programme, véritable passage au banc d’essai de la « machine humaine », permettant de contrôler et d’évaluer les réelles capacités « du moteur et des durites ». Ce test, dans ce contexte de prévention secondaire, est certes avant tout cardiologique ; la qualité du recueil des tracés est primordiale. Le test sur cycloergomètre est donc le plus souvent pratiqué ; s’il est dispensé sur tapis roulant, une préparation minutieuse du contact électrode-peau est indispensable afin d’obtenir des tracés interprétables (surtout si un protocole sans pente sur tapis est mis en place chez un sujet en bonne condition physique). Ce test doit être réalisé « maquillé » ; en effet, la plupart des candidats sont sous bêtabloquants, il faut donc connaître leur profil de fréquence cardiaque à l’effort sous ce traitement pour ne pas fausser les repères qui seront utilisés ensuite en ambulatoire. Le test doit être si possible maximal, à défaut limité par l’ischémie. La récupération sera analysée avec beaucoup d’attention. Ce test permet de connaître le « profil » du sujet : tensionnel, rythmique et, bien sûr, ischémique ; en cas de positivité du test le seuil ischémique sera déterminé et les repères pratiques bien répertoriés (fréquence cardiaque au seuil ischémique, puissance seuil ou vitesse seuil sur tapis). Le profil fonctionnel du sujet est une étape importante à établir. Le niveau d’activité quotidienne permise ainsi et, surtout, le programme de réentraînement vont découler de ces résultats : Si le test est couplé à une mesures des échanges gazeux, outre le pic de VO2 atteint, la fréquence cardiaque maximale (FCmax) et la puissance maximale en Watts sur bicyclette ou en vitesse (ou en nombre de paliers sur un « Bruce ») sur tapis roulant, ce sont surtout les indices intermédiaires qui seront très importants à déterminer ; le premier seuil ventilatoire (ou seuil d’adaptation ventilatoire) doit être déterminé avec beaucoup de précision (puissance, vitesse et surtout fréquence cardiaque atteinte). En cas de test d’effort standard (sans « VO2 »), les paramètres recueillis au dernier palier atteint serviront de précieux éléments pour affiner au mieux les conseils. Dans tout les cas, il faudra se

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