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Cardiologie interventionnelle

Publié le  Lecture 12 mins

Quelle est, actuellement, la meilleure stratégie de reperfusion en phase aiguë de l'IDM ?

J.-M. JULIARD, hôpital Bichat, Paris

Au cours de l’infarctus aigu du myocarde, la meilleure stratégie de reperfusion est celle qui permet de traiter conjointement, le plus tôt possible, le plus grand nombre de patients. En effet, dans un délai de 12 heures après le début de la douleur (date présumée de l’occlusion coronaire), un traitement de reperfusion contribue à la fois à réduire la taille de l’infarctus et à sauver des vies. Au-delà de ce délai, il n’y a actuellement aucune donnée scientifique sur le bénéfice de nos traitements de reperfusion. Au cours de ce délai de 12 heures, il est maintenant clairement démontré que l’efficacité de la thrombolyse comme celle de l’angioplastie primaire sont temps-dépendantes : plus le traitement est appliqué précocement et plus la mortalité est réduite. La stratégie thérapeutique ne se résume pas à un duel thrombolyse contre angioplastie, mais plus dans un schéma organisationnel de prise en charge des infarctus aigus au sein d’une région ou d’un département pour une reperfusion optimale en fonction des disponibilités locales.

Prendre en charge les patients plus tôt Traiter tôt n’est possible que si l’appel du patient au premier secours médical est effectué dans les plus brefs délais après le début de la douleur. Le seul espoir de réduire ce délai, déterminant dans la suite de la prise en charge, est de régulièrement informer les patients, mais aussi les familles et le corps médical. En cas de suspicion d’infarctus, le premier appel doit être directement fait au centre 15, seul capable d’effectuer un screening médical sur la probabilité d’un syndrome coronarien aigu. Dans l’affirmative, une équipe médicale sera envoyée sur place pour assurer les premiers soins puis un transport médicalisé vers une unité de soins intensifs cardiologiques. Ces campagnes d’information doivent être répétées pour maintenir un degré de vigilance permanente et éviter des erreurs d’aiguillage, parfois extrêmement préjudiciables. Ces recommandations doivent également être faites dans les centres d’urgence de nos hôpitaux, car bon nombre de ces patients se présentent encore spontanément et il faut être à même de les prendre en charge rapidement, au sein de services d’urgences déjà très surchargés, et de les traiter sur place avant de les diriger lorsque l’hôpital ne dispose pas d’une structure cardiologique adaptée. C’est dans ce dernier cas de figure que les délais de prise en charge sont encore trop longs et que l’amélioration de la filière de soins est la plus difficile. Quels sont les moyens de reperfusion ? La thrombolyse intraveineuse La thrombolyse intraveineuse est un exemple de thérapeutique fondée sur les preuves. Depuis la fin des années 1980, et à la suite des résultats sans équivoque des grandes études randomisées effectuées versus placebo, avec notamment les résultats des études GISSI 1 ( Gruppo Italiano per lo Studio della Streptochinasi nell’Infarto miocardico) et ISIS 2 ( International Study of Infarct Survival), la thrombolyse ouvre des artères et sauve des vies. Toutefois, pris isolément, ces essais ne permettaient pas de conclure à la supériorité de l’un ou l’autre des produits disponibles. C’est finalement l’étude GUSTO-I ( Global Utilization of Streptokinase and Tissue plasminOgen activator for occluded coronary arteries) qui a apporté deux données primordiales : - la supériorité du rt-PA en perfusion accélérée sur la streptokinase ; - un concept fondamental : le lien étroit entre la reperfusion précoce, la restauration d’un flux TIMI 3 et la réduction de mortalité. Le gain de survie est d’autant plus important que le délai d’administration est précoce par rapport au début de la douleur : 60 à 80 vies sauvées pour 1 000 patients traités durant les 3 premières heures contre 30 au-delà de ce délai. Avantages de la thrombolyse : • il s’agit d’un traitement facilement applicable par tous les acteurs de l’urgence médicale, sans moyens diagnostiques ni thérapeutiques sophistiqués, et il est recommandé que la thrombolyse soit faite en préhospitalier : • la mise à disposition d’agents thrombolytiques véritablement fibrinospécifiques et utilisables en bolus unique intraveineux (TNK-tPA), facilite un usage préhospitalier ; • lorsqu’on a la chance de traiter durant la première heure après le début de la douleur (golden hour), l’infarctus sera évité dans 15 % des cas (infarctus « avorté »). Inconvénients de la thrombolyse : • le risque d’hémorragie grave, notamment intracérébrale, est incontournable, même en respectant scrupuleusement les contre-indications, entre 0,5 et 1 % ; • en termes d’efficacité, le taux de reperfusions estimé par un flux TIMI 3 en phase aiguë est stable, de l’ordre de 60 % ; • même en cas de thrombolyse réussie et confirmée angiographiquement, le risque de réocclusion reste élevé dans la première semaine (de l’ordre de 15 à 20 %). L’angioplastie coronaire L’angioplastie coronaire percutanée est une méthode sûre et efficace de recanalisation, mais au prix d’une logistique beaucoup plus lourde que la thrombolyse intraveineuse. Si la première angioplastie coronaire a été effectuée en 1977, les tentatives de recanalisation en phase aiguë ont été réalisées au début des années 1980. Néanmoins, la pratique de l’angioplastie coronaire, en lieu et place de la thrombolyse, encore appelée angioplastie primaire, nécessite un environnement dédié, en accord avec les recommandations de la Société Française de Cardiologie, publiées en début d’année 2000 : « L’angioplastie primaire effectuée lors d’un infarctus du myocarde est un acte thérapeutique difficile : la complexité de la lésion traitée, la possible gravité de l’état hémodynamique et la nécessité d’agir dans l’urgence doivent mobiliser le savoir-faire d’une équipe entraînée. L’angioplastie primaire ne peut être recommandée que dans des centres ayant une importante activité de cardiologie interventionnelle à la condition qu’elle soit réalisée par un angioplasticien expérimenté et que sa mise en œuvre ne prolonge pas le délai d’ischémie (le délai entre la prise en charge du patient et la recanalisation effective par angioplastie ne doit pas excéder 90 min). Lorsque cela n’est pas le cas, ses résultats sont décevants et ne justifient pas qu’on la substitue à la thrombolyse ». Avantages de l’angioplastie primaire : • il existe trois situations privilégiées où l’angioplastie coronaire se substitue à la thrombolyse : — en cas de contre-indication d’ordre hémorragique, il n’y a pas d’alternative ; — en cas de choc cardiogénique, la thrombolyse seule est peu efficace pour restaurer un flux coronaire efficace ; — en cas de doute diagnostique, afin de ne pas exposer le patient aux risques d’une thrombolyse illégitime ; • le risque d’hémorragie intracérébrale est significativement plus faible que sous thrombolyse ; • le taux de recanalisations coronaires, en termes de flux TIMI 3, est de l’ordre de 90 %. Inconvénients de l’angioplastie primaire : • sa réalisation nécessite un environnement dédié faisant appel à une structure lourde, tant en personnel qu’en matériel, ne la rendant pas accessible dans des délais raisonnables pour tous les infarctus traités sur le territoire ; • le taux de succès de l’angioplastie est variable selon le volume d’activité du centre et nécessite un environnement qualifié à haut volume d’activité ; • le risque hémorragique est significativement augmenté par saignement au point d’abord vasculaire. L’usage de la voie radiale et les techniques de fermeture percutanée en cas d’abord fémoral ont cependant réduit considérablement la fréquence de ces accidents. Comparaison des moyens de reperfusion Dans le souci de comparer scientifiquement ces deux techniques de reperfusion, de nombreux essais randomisés ont été réalisés au cours des 10 dernières années, ayant donné lieu récemment à une métaanalyse. Une métaanalyse de 23 essais randomisés L’analyse a porté sur 7 739 patients présentant un syndrome coronaire aigu avec sus-décalage persistant du segment ST, qui ont été randomisés entre thrombolyse (n = 3 867) ou angioplastie primaire (n = 3 872) : • la mortalité à court terme a été significativement plus basse dans le groupe angioplastie que dans le groupe thrombolyse (7 vs 9 %, p = 0,0002) ; • si l’on exclut les patients de l’étude SHOCK (étudiant les stratégies thérapeutiques au cours du choc cardiogénique), la mortalité a été réduite de 7 à 5 % (p = 0,0003) ; • le bénéfice clinique a été également en faveur de l’angioplastie, en ce qui concerne notamment les risques de récidive d’infarctus (3 vs 7 %, p = 0,0001) et d’accident vasculaire cérébral (1 vs 2 %, p = 0,0004) ; • en revanche, le risque d’hémorragies sévères a été plus élevé dans le groupe angioplastie (7 vs 5 %, p = 0,032), en rapport avec des saignements au point d’abord vasculaire. Des résultats controversés De nombreuses critiques méthodologiques ont été opposées à ces essais : • les échantillons de chacun des essais sont petits et aucun, sauf un comparant la streptokinase à l’angioplastie, n’a eu la puissance pour démontrer à lui seul une réduction significative de la mortalité à court terme avec l’angioplastie ; • les populations sont hétérogènes selon les essais, soit dans le délai (6 heures après le début de la douleur pour certains, 12 heures pour d’autres et jusqu’à 36 heures pour les patients inclus dans l’étude SHOCK), soit dans leurs caractéristiques (patients âgés souvent exclus) ; • la thrombolyse a toujours été hospitalière, sauf pour l’essai français CAPTIM (seul essai ayant comparé la thrombolyse préhospitalière à l’angioplastie), a utilisé différents agents et selon des protocoles variés : streptokinase, rt-PA sur 3 heures ou selon le protocole accéléré, TNK-tPA en bolus unique. La réalité du terrain est tout autre Les résultats d’un grand registre nord-américain ont nuancé les conclusions scientifiques de ces essais randomisés. Publié en 1996, ce registre rapportait l’expérience de l’état de Washington et concernait 2 095 patients traités par thrombolyse et 1 050 traités par angioplastie primaire avec une mortalité hospitalière respectivement de 5,6 % et de 5,5 %, ainsi qu’une mortalité de 15 % à 3 ans pour les deux groupes. La mortalité était comparable entre les deux stratégies thérapeutiques. Ce registre illustre une notion bien connue, celle que toutes les équipes interventionnelles n’offrent pas une sécurité et une efficacité optimales. En effet, la mortalité hospitalière dans le groupe angioplastie était de 4,5 % pour les centres à fort recrutement, contre 8,1 % pour ceux à faible recrutement ! Peut-on associer ces techniques de reperfusion ? Angioplastie de sauvetage après échec de la thrombolyse Compte tenu d’un taux d’échecs de la thrombolyse de l’ordre de 40 %, et de la faible valeur prédictive de nos critères non invasifs de reperfusion, les indications de la coronarographie après thrombolyse doivent être larges afin de dépister ces échecs qui sont traitables par une angioplastie complémentaire, appelée angioplastie de sauvetage. - Nous avions rapporté une série de 170 patients

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