Quels troubles du rythme ventriculaire contre-indiquent le sport ?
F. CARRÉ, hôpital Pontchaillou, Université Rennes 1, Rennes
La pratique d’une activité physique régulière, aux effets bénéfiques bien reconnus, doit toujours être encouragée ; exceptionnellement cependant, une mort subite peut survenir. Elle a, dans l’immense majorité des cas (90-95 %), une étiologie cardiovasculaire ; un trouble du rythme ventriculaire est pratiquement toujours en cause. Ces accidents qui sont toujours dramatiques touchent presque toujours un cardiaque le plus souvent ignoré. En effet, un cœur sain est a priori à l’abri de la survenue d’une arythmie grave à l’effort en dehors d’une hyperthermie maligne, de troubles électrolytiques majeurs et/ou de la prise illicite de drogues. Si aucun sport à risque ne peut être réellement isolé, trois facteurs de risque principaux sont individualisés :
• l’intensité de l’effort,
• le niveau d’entraînement,
• les conditions environnementales (température, altitude).
Le facteur compétition qui surajoute une composante psychique importante à l’intensité de l’effort doit également avoir son importance.
L'exercice musculaire aigu, en particulier intense et/ou prolongé, constitue une contrainte importante pour l’organisme. Il induit des perturbations électrolytiques et neurohormonales, en particulier catécholergiques, qui, sur un foyer arythmogène latent, peuvent favoriser la survenue d’arythmies potentiellement graves, les pérenniser, voire les aggraver. De plus, l’acidose, l’hyperthermie et la déshydratation associées à l’exercice risquent de diminuer l’efficacité des manœuvres de réanimation imposées par la survenue d’un accident cardiovasculaire sur un terrain de sport. La découverte d’une arythmie ventriculaire chez un candidat à une pratique sportive est l’une des principales causes cardiovasculaires à une contre-indication au moins temporaire. Elle réclame toujours un avis cardiologique. En dehors des arythmies associées à des symptômes sévères et en l’absence d’études prospectives réalisées de grande ampleur il est aujourd’hui difficile d’affirmer quelle arythmie représente un risque vital lors de la pratique d’une activité sportive. En effet, outre la sensibilité éminemment variable du foyer arythmogène, les adaptations du système nerveux autonome qui présentent de grandes variations inter- et intra-individuelles sont imprévisibles. Vis-à-vis de la pratique sportive, la difficulté devant la découverte d’un trouble du rythme ventriculaire est de garder un équilibre entre une attitude systématiquement restrictive et une permissivité acceptable à l’égard du risque éventuel encouru. Les décisions s’appuient donc sur l’expérience personnelle souvent basée sur le bon sens et sur des références médico-légales, récemment réactualisées, qui concernent l’autorisation à la pratique du sport de compétition. Chez certains sportifs « professionnels », ces décisions gagneront à être collégiales. Le sport favorise-t-il la survenue des arythmies ventriculaires ? Dans plus de 50 % des cas, l’électrocardiogramme du sportif, même de haut niveau d’entraînement, ne présente pas de particularité. Une pratique sportive de moins de 6 heures par semaine ne peut être incriminée en cas de découverte d’une atypie électrocardiographique. Aujourd’hui, il n’y a pas de consensus sur une éventuelle augmentation de la prévalence des arythmies chez les sportifs comparativement aux sédentaires La variété des populations étudiées et des méthodes d’enregistrement utilisées explique la discordance des résultats publiés. Si la bradycardie sinusale parfois très marquée ( 30 bpm !) est l’arythmie la plus fréquente, surtout chez les sportifs endurants, des rythmes ectopiques peuvent aussi être observés. La prévalence des arythmies supraventriculaires est voisine de celle des sédentaires, sauf peut-être chez les vétérans au long passé sportif chez qui les fibrillations auriculaires et les tachycardies atriales pourraient être plus fréquentes. Pour la majorité des auteurs, les arythmies ventriculaires ne sont pas plus fréquentes chez les sportifs que chez les sédentaires. Cependant, quelques études rapportent une prévalence accrue des arythmies, en particulier issues du ventricule droit, chez les sportifs de haut niveau d’entraînement ; la gravité de ces troubles du rythme pouvant diminuer avec l’arrêt de l’entraînement. Arythmie ventriculaire et sport, quel bilan réaliser ? Parfois de découverte fortuite lors d’un examen systématique, l’arythmie peut aussi être révélée au sportif par l’analyse de son cardiofréquencemètre. Elle se traduira alors par des chiffres de fréquence cardiaque inhabituels et anormalement élevés. Il faut tenir compte de cette information car ces appareils, qui ne donnent pas de renseignement morphologique ni rythmique, permettent un suivi fiable de la fréquence cardiaque. L’interrogatoire précise les facteurs déclenchants de l’arythmie Son lien avec l’effort, son ancienneté et la symptomatologie éventuelle associée. La survenue de palpitations, de syncope ou d’équivalent mineur doit faire évoquer une arythmie grave. Chez le sportif, d’autres symptômes d’effort comme une dyspnée inhabituelle, un « blocage » thoracique ou musculaire et/ou une baisse inexpliquée des performances, sont aussi évocateurs. Outre une pathologie cardiovasculaire éventuelle, il faut rechercher un antécédent de mort subite et/ou de cardiopathie chez un parent jeune de même qu’un épisode infectieux de type viral récent. Chez le sportif, il faut préciser la discipline sportive, son niveau de pratique de même que les caractéristiques, quantitative et qualitative, de l’entraînement. L’analyse du carnet d’entraînement est souvent riche d’enseignement. Le profil psychologique du demandeur doit aussi être apprécié, le « compétiteur dans l’âme » réclamant souvent une attitude plus restrictive. Une prise éventuelle de produits « interdits » doit toujours être évoquée. Devant la découverte d’une arythmie ventriculaire chez un sportif, les diagnostics de surentraînement et de dopage restent toutefois des diagnostics d’élimination. La discipline sportive ainsi que l’intensité de pratique désirées interviennent dans le choix de la thérapeutique et l’autorisation à la compétition. En effet, une arythmie non perçue par un golfeur peut être invalidante pour un spécialiste d’épreuves d’endurance. De plus, outre les contraintes physique et psychique, le sportif peut être confronté à un environnement hostile. Ainsi, tel malaise habituellement bien toléré peut, lors d’une compétition automobile, d’une escalade difficile, d’un saut en parachute ou d’une plongée sous-marine, se compliquer d’une « mort subite ». L’examen physique recherche une anomalie cardiovasculaire chronique L’électrocardiogramme de repos (ECG) précise les caractéristiques de l’arythmie et peut révéler des anomalies potentiellement arythmogènes associées, comme les syndromes du QT long, du QT court, de Brugada, de Wolff-Parkinson-White (WPW) ou des signes évocateurs de cardiomyopathie hypertrophique ou dilatée, de maladie arythmogène du ventricule droit ou de coronaropathie. La réalisation d’un ECG de repos avant la délivrance d’une licence de compétition a d’ailleurs été récemment recommandée par le groupe européen de cardiologie du sport. Le bilan clinique peut rester silencieux et doit toujours être complété par des examens complémentaires L’échocardiogramme transthoracique de repos permet d’éliminer une les principales cardiopathies morphologiques et/ou valvulaires et en particulier une cardiopathie hypertrophique. Sa normalité n’élimine cependant pas formellement la présence d’un foyer arythmogène latent comme dans le cas d’une maladie arythmogène du ventricule droit. L’épreuve d’effort (EE) est toujours justifiée. Il faut s’acharner à documenter l’arythmie par une EE d’intensité réellement maximale, si besoin complétée d’un test dit « abrupt » et/ou avec récupération d’emblée passive. En cas d’échec, un enregistrement Holter sur 24-48 heures comprenant une séance d’entraînement codifiée doit être réalisé. L’utilisation d’un système d’enregistrement auto-déclenchable peut aussi être utile. Ces examens qui affirment l’arythmie, précisent aussi sa nature et documentent son début et sa fin. La place de l’ECG à haute amplification dans le bilan des arythmies ventriculaires a diminué. Chez le sportif, il devra être réalisé à distance de toute séance d’entraînement. Un bilan sanguin avec ionogramme, numération formule sanguine peut parfois être justifié. L’exploration électrophysiologique (EEP), permet de préciser le site, le mécanisme, voire de guider le traitement de l’arythmie. Malgré sa faible valeur prédictive positive en cas de cœur « sain », elle est parfois productive en cas de clinique évocatrice sans étiologie évidente. La place des autres explorations invasives (pose d’un moniteur électrocardiographique implantable, angiographie et coronarographie) doit être discutée au cas par cas. La syncope vasovagale est plutôt de bon pronostic et ne contre-indique pas a priori la compétition. Son diagnostic est donc essentiel à affirmer. Le test d’inclinaison a une place diagnostique importante tout en connaissant sa sensibilité moindre avec possibilité de faux positifs chez les spécialistes d’endurance. Attitude pratique devant une arythmie ventriculaire Au terme de ce bilan, une attitude thérapeutique et vis-à-vis de la pratique du sport pourra être proposée. Il faut, bien sûr, séparer les pratiques sportives de loisir et de compétition, laquelle sous-entend une confrontation avec soi-même (notion de record) ou avec un concurrent (sport de combat ou de contact, décompte de points, chronométrage). Attitude générale Un patient traité efficacement pourra pratiquer le sport de son choix sous forme de loisir, à l’exception de ceux présentant un risque pour lui et pour les autres en cas de survenue de syncope ou d’équivalent mineur. Il devra respecter une intensité contrôlée par ses sensations, comme ne pas dépasser le seuil d’essoufflement, ou par un cardiofréquencemètre. Il devra bénéficier d’un suivi cardiologique ciblé régulier et au moins annuel. En cas de cardiopathie, c’est celle-ci qui dicte l’attitude vis-à-vis du sport. En effet, ces arythmies peuvent révéler ou compliquer la plupart des cardiopathies génétiques ou acquises. Ainsi, un trouble du rythme en rapport avec une cardiopathie incurable et induisant une intolérance hémodynamique est une contre-indication formelle et définitive à la pratique du sport de compétition. Le choix thérapeutique et l’autorisation de la pratique du sport doivent tenir compte de la possibilité d’un échappement thérapeutique pendant l’effort, secondaire à l’hyperadrénergie associée qui peut aussi majorer un effet proarythmogène ou à un oubli du traitement. Dans ce cadre, les bêtabloquants restent l’indication thérapeutique de choix. Malgré leur effet négatif sur la performance aérobie, leur effet anti-stress a conduit certaines fédérations sportives à interdire leur emploi en compétition. En France, leur utilisation par le sportif de compétition réclame l’obtention
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