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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 21 mins

Qu'est-ce que le stress oxydatif et quand intervient-il ?

C.VERGELY et L. ROCHETTE, Faculté de médecine, Dijon

Le concept du stress oxydatif s’est développé au cours de ces dernières années à partir des connaissances sur le métabolisme de l’oxygène. Selon les données de la littérature, il serait impliqué de manière directe dans l’installation et le maintien de nombreuses pathologies. Il est important alors de préciser si ce concept, qui a envahi le domaine de la physiopathologie, est un épiphénomène ou s’il revêt une réalité clinique. Notre objectif dans cette revue a été d’une part de définir les composantes qui permettent d’appréhender ce stress oxydatif et d’autre part de donner des exemples de situations en pathologie cardio-vasculaire où ce stress peut être évoqué.

Le stress oxydatif : un concept né de l’évolution de nos connaissances sur le métabolisme de l’oxygène La définition du stress a été donnée par Selve en 1950 : « Il s'agit de réponses de l'organisme aux facteurs d'agressions physiologiques et psychologiques qui nécessitent une adaptation ». Nous verrons que le mot adaptation apparaît très important dans la mise en jeu des réactions de l'organisme aux stress localisés au niveau intracellulaire ou dans l’environnement d’une cellule. Quant au mot oxydatif, il vient d'oxygène (oxus : acide et gène : naissance). L'étude du stress oxydatif repose initialement sur une connaissance du métabolisme de l'oxygène. L'oxygène, biradical, est susceptible de rentrer dans des réactions multiples : les réactions d'oxydoréduction. Au cours de ces réactions, l'oxygène est transformé en des intermédiaires qui sont des formes radicalaires, les plus importantes étant l'anion superoxyde et l'hydroxyle. Les radicaux libres peuvent être définis comme des espèces chimiques, paramagnétiques, éventuellement peu stables, caractérisées par un électron non apparié ou célibataire sur leur orbitale externe : cet électron est représenté de manière conventionnelle par un point. Si au cours de ces dernières années, les radicaux libres ont été considérés comme des composés aux fonctions biologiques délétères, il est apparu bien vite qu'une modulation devait exister dans ce concept, et que, dans bien des cas, les espèces radicalaires se comportaient comme des « régulateurs » de l'expression génique. Nous reviendrons dans cette revue sur les composantes délétères et les composantes d'adaptation qui caractérisent les espèces radicalaires. Le stress oxydatif est souvent symbolisé par une balance (figure 1) ; sur un des plateaux de la balance, sont «déposés» tous les éléments réducteurs et sur l'autre plateau de la balance, sont placés les éléments aux fonctions oxydatives. Nous reviendrons ultérieurement sur les processus qui concourent à déstabiliser cette balance. Le « potentiel rédox » intracellulaire joue un rôle majeur de relais intégratifs entre les informations provenant du milieu extracellulaire et la mise en jeu des facteurs de transcriptions qui traverseront l’enveloppe nucléaire pour moduler l’expression génique. (figure 2). Figure 1. Le stress oxydatif radicalaire : l’équilibre Redox. Figure 2. Modulation de l’expression génique. Dans les conditions normales, existe un équilibre au niveau de certains tissus, entre les processus de prolifération cellulaire et les processus de destruction cellulaire. Les processus de destruction cellulaire obéissent à deux grands principes : à l'apoptose et à la nécrose. Au cours de cette présentation, nous évoquerons dans la première partie, les événements qui participent à l'initiation au développement et au maintien du stress oxydatif, au niveau intracellulaire et au niveau extracellulaire, et dans un deuxième temps, nous rappellerons les modalités d'action du stress oxydatif dans des événements physiopathologiques touchant le cœur et les vaisseaux. Quelques rappels sur la biochimie radicalaire et le stress oxydatif Des connaissances nouvelles et passionnantes sur l’implication, directe ou indirecte, de la production de radicaux libres oxygénés (RLO) dans le développement de nombreuses pathologies sont apparues au cours des dernières années, cette évolution de nos connaissances résulte d’une synergie des approches pour appréhender la biochimie radicalaire. Ces RLO appréhendés dans leur globalité conduisent à évoquer la mise en jeu d'un stress oxydatif. L’administration de composés comme les agents cytostatiques (doxorubicine, bléomycine) ou l’alcool, ou certains produits présents dans la fumée de tabac sont à l’origine d’une production radicalaire pouvant participer à la toxicité de ces agents. Le rôle des phénomènes inflammatoires apparaît, comme nous le rappellerons ultérieurement, d’une importance majeure dans la genèse d’un stress oxydatif radicalaire. Dans le cadre de cet exposé, nous nous intéresserons, comme nous l’avons signalé, plus particulièrement au cas des pathologies cardio-vasculaires. Ainsi, le stress oxydatif résultant de la surproduction de RLO a été évoqué dans l'initiation et le maintien de l'hypertension artérielle et de l'insuffisance cardiaque, dans le développement de l’athérosclérose, dans l’apparition des troubles associés à la reperfusion post-ischémique. Avant d'aborder les différentes techniques d'évaluation du stress oxydatif, nous rappellerons les bases concernant les propriétés physicochimiques des espèces radicalaires rencontrées en biologie (figure 3). Figure 3. Le stress oxydatif radicalaire : les radicaux libres. Radicaux libres rencontrés en biologie L’électron célibataire est conventionnellement représenté, comme nous l’avons dit en introduction par un «•».Les radicaux libres sont le plus souvent des espèces chimiques très réactives ayant une durée de vie extrêmement courte, car elles cherchent à « réapparier » leur électron célibataire avec les molécules de leur environnement. Dans le domaine de la biologie, les espèces radicalaires les plus importantes sont les dérivés activés de l’oxygène (plus fréquemment dénommés radicaux libres oxygénés) et les dérivés activés de l’azote dont le représentant le plus célèbre est le monoxyde d’azote, NO. Dérivés activés de l’oxygène Si l’oxygène tient un rôle fondamental dans la biologie des organismes vivants, c’est notamment en raison des propriétés physicochimiques exceptionnelles de cette molécule, et à sa potentialité à entrer dans de nombreuses voies métaboliques. Parmi ces voies, certaines d’entre elles sont impliquées dans la genèse d’espèces radicalaires. L’anion superoxyde (O2•) est un radical libre chargé négativement issu de la réduction monovalente de l’oxygène moléculaire. L’anion superoxyde est produit par presque toutes les cellules en aérobie, moyennant un apport d’énergie, ou en présence d’enzymes (oxydases). Le peroxyde d’hydrogène (H2O2), ou « eau oxygénée », est produit par la dismutation spontanée ou induite de l’anion superoxyde, ou par la réduction bivalente de l’oxygène. Le peroxyde d’hydrogène n’est pas un radical libre à proprement parler puisqu’il ne possède pas d’électron célibataire. Cependant, il est considéré à juste titre comme un dérivé activé de l’oxygène, de part sa position essentielle au sein des réactions radicalaires Le radical hydroxyle (•OH) est produit principalement à partir de l’anion superoxyde et du peroxyde d’hydrogène en présence d’ion ferriques, au cours des réactions de Fenton et d’Haber-Weiss. Le radical hydroxyle possède une grande réactivité dans les milieux biologiques. D’autres formes radicalaires dites « secondaires » peuvent être retrouvées dans les milieux biologiques. Il s’agit en particulier des radicaux alkyle (R•), alkoxyle (RO•) et alkyl peroxyle (ROO•), générés à la suite de l’action oxydante de radicaux libres oxygénés « primaires » (superoxyde, hydroxyle) sur les chaînes d’acides gras polyinsaturés, les glucides, les protéines ou les acides nucléiques. Ces radicaux « secondaires » sont moins réactifs mais plus sélectifs que les radicaux primaires. Les dérivés activés de l’azote Le monoxyde d’azote ou •NO est produit à partir de la L-arginine sous l’action des NO synthases (NOS), enzymes constitutives ou induites, en présence d’oxygène et de cofacteurs. Il s’agit d’une molécule radicalaire non chargée, dont l’électron libre est porté par l’azote. Le NO peut réagir avec l’oxygène (O2) pour donner des nitrates, ou avec l’anion superoxyde (O2•) pour former l’anion peroxynitrite (ONOO-). Sources biologiques de radicaux libres L’essentiel de cette production physiologique (pouvant devenir pathologique) est associé au métabolisme cellulaire de l’oxygène et aux réactions d’oxydoréduction. La chaîne respiratoire mitochondriale : on estime qu’environ 2 à 5 % de l’oxygène utilisé par la chaîne respiratoire mitochondriale fait l’objet d’une réduction monovalente, qui s’accompagne d’une production d’anion superoxyde. Les enzymes leucocytaires : les polynucléaires représentent une source importante de RLO car ils sont très riches en oxydases. À l’état basal, cette activité enzymatique est latente et ces cellules ne consomment que très peu d’oxygène. Par contre, elle peut être rapidement activée par divers stimuli inflammatoires, ce qui implique une accélération de la consommation d’oxygène, désignée sous le terme de oxygen burst, concomitante à la production de RLO. L’enzyme majoritairement impliquée dans ce phénomène est la NAD(P)H oxydase. Les NAD(P)H oxydases non leucocytaires : une isoforme de cette enzyme NAD(P)H oxydase est présente au sein des cellules endothéliales et musculaires lisses vasculaires, où elle constitue une source importante d’anions superoxydes. Les Xanthine oxydases/Xanthine deshydrogenases : la xanthine deshydrogénase (XD) est une enzyme dont la fonction principale est l’oxydation des bases puriques, hypoxanthine et xanthine, issues de la dégradation des acides nucléiques, adénosine triphosphate (ATP) et guanosine triphosphate (GTP). Les NO synthases : Comme nous l’avons précédemment évoqué, le •NO est synthétisé à partir de l’un des atomes d’azote terminaux du groupement guanidine de la L-arginine par une voie enzymatique faisant intervenir les NO Synthases (NOS), en présence d’oxygène et de cofacteurs. À ce jour, 4 isoformes de NOS ont été identifiées. Autres voies enzymatiques et non enzymatiques : le métabolisme de l’acide arachidonique, issu de la conversion des phospholipides membranaires par la phopholipase A2, par la voie des cyclooxygenases et des lipooxygénases est associé à une production d’anion superoxyde. D’autres oxydases, comme le cytochrome P450 (CYP), peuvent aussi être responsables de la production de RLO. Certains agents extérieurs, comme l’irradiation UV ou gamma, certains xénobiotiques, des agents toxiques comme l’amiante ou le tétrachlorure de carbone, peuvent également induire un

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