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Diabéto-Cardio

Publié le  Lecture 14 mins

Revascularisation chirurgicale des artères coronaires chez le patient diabétique

B. MARCHEIX, M. GAUTIER, Hôpital Rangueil, Toulouse

Le diabète est un puissant facteur de risque de la maladie coronaire. Le risque de développer une coronaropathie est multiplié par 3 à 5 chez les patients diabétiques. Si les avancées techniques de la cardiologie interventionnelle sont souvent mises en avant, la chirurgie a également su progresser et s’adapter aux coronaropathies actuelles. La revascularisation myocardique chirurgicale par pontage reste, aujourd’hui, le traitement de référence de la maladie coronaire chronique pour les patients diabétiques tritronculaires ou présentant une lésion du tronc commun gauche.

Dans les pays occidentaux, le nombre de patients diabétiques pris en charge en chirurgie cardiaque augmente d’années en années. Ces patients représentent environ 30 % des patients opérés de pontages coronaires avec une large prédominance des patients diabétiques de type 2. Particularités anatomiques des patients diabétiques Les lésions coronaires sont plus diffuses et plus sévères chez les patients diabétiques. La proportion de patients tritronculaires ou présentant une lésion du tronc commun gauche est plus importante (figure 1). Les diamètres luminaux des lits d’aval sont plus faibles. On note également plus d’occlusions chroniques des artères coronaires. Il semblerait que les capacités à développer des réseaux artériels collatéraux soient altérées chez les diabétiques. Enfin, la sévérité des lésions observées semble proportionnelle à la sévérité du diabète et à son ancienneté. Ces particularités permettent de comprendre le défi technique de la revascularisation de la coronaropathie du diabétique quelle que soit la technique choisie ainsi que le pronostic plus péjoratif observé chez les patients diabétiques. Figure 1. Angiocoronarographie : lésions tritronculaires chez un patient diabétique. A : sténose serrée de l’IVA ostiale (flèche jaune), de l’ostium de la 1 re diagonale (flèche verte), occlusion de l’IVA (flèche rouge). B : sténose de l’IVA ostiale (flèche jaune), sténose longue de la bissectrice (flèche orange). C : infiltration diffuse de la coronaire droite avec une sténose serrée du 3 e segment de la coronaire droite. Retentissement de la maladie coronaire et comorbidités Le retentissement de la coronaropathie sur le statut fonctionnel et la fonction ventriculaire gauche est significativement plus marqué dans la population diabétique. En termes de comorbidités, outre l’association possible du diabète à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, à des troubles métaboliques ou hématologiques (hyperglycémie, insulinorésistance, syndrome inflammatoire, dysfonction endothéliale et plaquettaire), le retentissement du diabète sur d’autres organes par des mécanismes macro- ou microcirculatoires doit être pris en considération car il conditionne en partie le risque opératoire. L’insuffisance rénale, les lésions athéromateuses des troncs supra-aortiques, des artères digestives ou des membres inférieurs sont des paramètres fondamentaux à dépister de façon systématique avant d’envisager une revascularisation chirurgicale par pontage. Indications opératoires (1-3) Les indications de revascularisation coronaire par pontage sont les mêmes que pour les patients non diabétiques. Le diabète étant un facteur de risque important de resténose après angioplastie, il est donc logiquement recommandé de privilégier à chaque fois que possible une prise en charge chirurgicale (recommandation de classe IIa). Schématiquement, les patients sont classés en fonction de la symptomatologie (syndrome coronaire aigu, angor stable, ischémie silencieuse) puis en fonction des lésions anatomiques : mono-, bi- ou tritronculaires en fonction du nombre de troncs artériels atteints. Les syndromes coronaires aigus (SCA) avec élévation du segment ST sont quasiment toujours du domaine de la revascularisation par angioplastie afin de traiter le plus rapidement possible la lésion coupable. En dehors du contexte de l’urgence, la revascularisation des lésions coronaires révélée par un angor stable ou une ischémie silencieuse est recommandée (classe I) afin d’améliorer le pronostic en cas de sténose du tronc commun gauche ≥ 50 %, en cas de sténose serrée de l’IVA proximale, en cas de lésion bi- ou tritronculaire avec altération de la fraction d’éjection ventriculaire gauche ou en cas d’ischémie étendue à > 10 % du ventricule gauche. Les patients mono- ou bitronculaires sont plutôt des candidats à une angioplastie, la chirurgie n’étant proposée qu’en cas d’impossibilités techniques, d’angioplastie considérée à risque, d’échec ou de resténose. Pour les patients bitronculaires présentant une lésion de l’IVA proximale, les patients tritronculaires ou les patients présentant une sténose du tronc commun gauche, la revascularisation chirurgicale par pontage est la technique de revascularisation de choix en particulier pour les patients diabétiques (tableau). Les recommandations européennes (1) et américaines (2) fixent les orientations d’une prise en charge moderne prenant en compte les progrès techniques de la cardiologie et de la chirurgie. En pratique L’orientation d’un patient vers telle ou telle technique doit, aujourd’hui, reposer sur une discussion au sein d’une « heart team » (cardiologue, chirurgien cardiaque, anesthésiste-réanimateur) qui met en balance non seulement des critères anatomiques observés sur la coronarographie mais également le risque des techniques envisagées (angioplastie et pontages) et les résultats prévisibles à moyen et à long termes des différentes possibilités thérapeutiques afin de choisir la technique la plus adaptée pour chaque patient (figure 2) (2). Figure 2. Éléments du choix du mode de revascularisation au sein de la « heart team » (adapté de (4)). Évaluation du risque opératoire Le risque de mortalité opératoire ou de survenue de complications peut être évalué avant l’intervention. Si l’impression clinique et des paramètres subjectifs entrent en ligne de compte, en particulier la « fragilité » physiologique des patients âgés, des scores d’évaluation objective du risque opératoire sont à notre disposition. Les principaux scores sont l’EuroScore, le score de Parsonnet ou le score STS (Society of Thoracic Surgery). Des calculateurs sont facilement accessibles sur Internet. Le plus simple d’utilisation est l’EuroScore. Le plus détaillé est le score STS. Il permet non seulement de prévoir le risque de décès péri-opératoire mais également la survenue de complications (séjour prolongé en réanimation, ventilation mécanique prolongée, accident neurologique, infection du site opératoire, insuffisance rénale). Bilan préopératoire La standardisation des bilans préopératoires fait partie des améliorations significatives de la prise en charge des patients en chirurgie cardiaque. Chez le patient diabétique, une attention toute particulière doit être portée sur l’évaluation de la fonction rénale, des troncs supra-aortiques et des artères des membres inférieurs. Gestion des traitements en préopératoire L’aspirine, les bêtabloquants, les inhibiteurs calciques et les dérivés nitrés ne doivent pas être interrompus avant une chirurgie coronaire. Les antivitamines K sont à interrompre environ 5 jours avant la chirurgie et relayés par une anticoagulation parentérale par héparine. Le clopidogrel ou le prasugrel sont à interrompre au moins 5 jours avant l’intervention. Une chirurgie sous double antiagrégation plaquettaire n’est envisagée qu’en cas de chirurgie urgente ou de mise en place récente d’un stent actif. Les antidiabétiques oraux, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les inhibiteurs de l’angiotensine II sont à interrompre 48 heures avant l’intervention et sont remplacés par d’autres classes thérapeutiques, puis repris 24 à 48 heures après l’intervention. Technique opératoire Greffons utilisés Les greffons mammaires internes sont les greffons de choix. Ces artères peuvent être prélevées de chaque côté du sternum. Leurs principaux avantages sont leur structure pariétale qui semble les préserver de la maladie athéromateuse et leurs excellents taux de perméabilité, supérieurs à tous les autres greffons soit 90 à 95 % à 10 ans. Le pontage mammaire interne gauche pédiculé (c’est-à-dire en préservant la naissance de l’artère mammaire interne gauche sur l’artère sous-clavière) sur IVA est clairement associé à une amélioration de la survie et à une réduction de la survenue d’événements cardiaques. Ce pontage est quasi incontournable. L’intérêt d’utiliser un second greffon mammaire interne n’a pas été démontré par des études randomisées ou multicentriques. Néanmoins, l’intérêt d’utiliser deux greffons mammaires est reconnu par la plupart des chirurgiens avec une diminution des événements cardiaques, une amélioration de la survie à 10 ans et une diminution du taux de revascularisation itérative démontrée par des études monocentriques. La principale limitation pour l’utilisation de deux greffons mammaires est une majoration du risque d’infection du site opératoire, en particulier chez les diabétiques. Les femmes âgées, obèses ou encore les insuffisants respiratoires sont également à risque. L’association de ces facteurs de risque est particulièrement délétère en termes de risque infectieux. Le greffon veineux saphène interne inversé est le greffon le plus anciennement utilisé. Il est prélevé à la face interne de la jambe. Il est important de prêter attention aux antécédents de thrombose veineuse profonde, à une insuffisance veineuse superficielle ou à une éventuelle artériopathie des membres inférieurs qui pourrait empêcher ou ralentir la cicatrisation. Ces greffons pourraient également être nécessaires à une revascularisation distale ultérieure du membre inférieur. Ils sont simples et rapides à prélever. Leur manipulation est aisée. Le principal problème est leur perméabilité à moyen et à long terme puisque 50 % des greffons veineux sont occlus à 10 ans. Les 50 % restants présentent des lésions chroniques de « maladie du greffon ». Le diabète semble accélérer et augmenter leur dégradation dans le temps. Les artères radiales sont également utilisables après avoir vérifié la perméabilité de l’artère cubitale homolatérale et des arcades palmaires (manœuvre de Allen). Ces greffons ne doivent pas être considérés comme équivalents aux greffons mammaires. Leurs taux de perméabilité varient d’une étude à une autre avec, en moyenne, une perméabilité finalement proche de celle des greffons veineux. Les artères épigastriques ou les artères gastroépiploïques ne sont plus que très rarement utilisées. Les veines des membres supérieurs ne doivent

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