Utilisation des stents actifs durant l'angioplastie primaire de l'infarctus du myocarde avec sus-décalage de ST
O. VARENNE, S. SILBERMAN, A. CHAIB et C. SPAULDING, Hôpital Cochin, Paris
L’utilisation des stents actifs en phase aiguë d’infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) fait encore couler beaucoup d’encre. Certains praticiens refusent catégoriquement d’utiliser les stents actifs dans ce contexte en raison de craintes d’un risque accru de thromboses, ignorant de façon manifeste les résultats d’études cliniques randomisées réalisant le socle de notre sacro-sainte « evidence based medicine ». Les mêmes praticiens n’hésitent, par ailleurs, pas à recourir à l’utilisation des mêmes stents actifs en cas de NSTEMI pourtant très voisins sur le plan physiopathologique (rupture de plaque et thrombose coronaire). Pourquoi ces réactions passionnelles ?
Les preuves scientifiques accumulées au cours des dernières années ont amené à l’inscription sur la liste de la LPPR des stents au sirolimus (CYPHER ®) et au paclitaxel (TAXUS ®) dans le contexte de l’angioplastie primaire. En effet, les stents actifs en général, et les stents CYPHER ® et TAXUS ® en particulier, ont été étudiés chez plus de 5 000 patients dans des essais randomisés, représentant une population bien plus fréquente que celle atteinte de lésions spécifiques (tronc commun, resténose, petits vaisseaux, pluritronculaires, etc.) ou que la population diabétique chez laquelle leur utilisation n’est pas controversée. La raison en est une connaissance incomplète des études randomisées, une mise en cause du bénéfice réel de ces endoprothèses dans le STEMI, mais aussi la crainte, souvent injustifiée, de complications potentielles, non retrouvées dans les études. L’étude MISSION a randomisé 310 patients entre stents CYPHER ® et stents nus durant un STEMI. Après 9 mois, l’efficacité des stents actifs sur la resténose est voisine de l’efficacité habituelle (hors STEMI), avec un late loss de 0,12 mm vs 0,68 mm dans les stents nus. L’étude TYPHOON a permis de valider le recours aux stents CYPHER ® chez 712 patients avec STEMI. Les stents CYPHER ® réduisent de près de 50 % des événements cardiovasculaires (décès, infarctus et revascularisation du vaisseau cible) à un an, principalement par une réduction des réinterventions coronaires liées à des épisodes de resténose (figure 1). Ce bénéfice est également observé chez les patients n’ayant pas été soumis à un contrôle angiographique systématique (6,8 % vs 12,7 % ; p = 0,034) démontrant ainsi le bénéfice clinique réel lié à l’utilisation des stents actifs lors d’une angioplastie primaire. Il n’est pas retrouvé d’augmentation de la mortalité entre stents actifs et nus (2,3 % vs 2,2 % ; p = ns) ou des taux de réinfarctus (1,1 % vs 1,4 % ; p = ns) (figure 2). Les taux de thromboses de stents sont similaires dans les deux groupes de patients (3,4 % vs 3,6 % ; p = ns). Ces résultats sont maintenus après 4 ans avec des taux de revascularisation très favorables aux stents actifs (7,2 % vs 15,2 % ; p = 0,005) (figure 3) et des taux similaires de décès, de réinfarctus et de thrombose de stent. Figure 1. Étude TYPHOON. Critère principal à un an associant décès cardiaque, infarctus et revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice du stent actif au sirolimus (CYPHER ®) vs stents nus (BMS). Figure 2. Étude TYPHOON. Événements cliniques à un an chez les patients traités par stents actifs au sirolimus (CYPHER ®) ou par stents nus (BMS). TVF : target vessel failure (décès, infarctus, et revascularisation du vaisseau cible) TVR : target vessel revascularization (revascularisation du vaisseau cible). Figure 3. Étude TYPHOON 4 ans. Taux de patients en vie et indemnes de revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice du stent actif au sirolimus (CYPHER ®) vs stents nus (BMS) maintenu à 4 ans. Dans l’étude MULTISTRATEGY incluant des patients moins sélectionnés que dans TYPHOON et devant prendre la double association aspirine et clopidogrel pendant au moins 3 mois, les mêmes résultats favorables sont observés à 1 an avec des taux d’événements réduits de près de 50 % en faveur des stents CYPHER ® (7,8 % vs 14,5 % ; p = 0,006) (figure 4). Dans l’étude STRATEGY, les bons résultats observés à un an se maintiennent à 5 ans avec un taux d’événements de 30 % chez les patients traités par stent actif et tirofiban et 51 % en cas de stenting nu sous abciximab (p = 0,006) sans différence de mortalité ou de thrombose. Des résultats favorables ont été également rapportés avec les stents TAXUS ® au paclitaxel. Dans l’étude HORIZONS-AMI, 3 606 patients traités par angioplastie primaire étaient randomisés entre stent actif TAXUS ® (n = 2 257) et stent nu EXPRESS ® (n = 749). Les deux stents possédant une plateforme métallique absolument identique. A un an, les deux stents ont le même profil de sécurité avec un taux de MACE (décès, ré-infarctus, accident vasculaire cérébral ou thrombose de stent) identique (8,1 % vs 8,0 % ; OR : 1,02 ; IC 95 % : 0,76 à 1,36 ; p = 0,01 pour la non infériorité). Par contre, en termes d’efficacité, le critère principal TLR (taux de revascularisation de la lésion cible) est favorablement réduit pas les stents actifs TAXUS ® (5,8 % vs 8,7 % ; OR : 0,65 ; IC 95 % : 0,48 à 0,89 ; p = 0,006). Les taux de thromboses de stents à un an sont identiques dans les deux groupes de stents (3,2 et 3,4 % respectivement ; p = 0,98). L’efficacité des stents au paclitaxel dans le contexte du STEMI est confirmée par la réduction du taux de resténose chez les patients traités par stents TAXUS ® (10,0 % vs 22,9 % ; OR : 0,44 ; IC 95 % : 0,33 à 0,57 ; p 0,001). On ne dispose que de deux études comparatives entre les deux plateformes CYPHER ® et TAXUS ® dans cette indication précise. L’étude PROSIT retrouve un bénéfice en termes de resténose angiographique en faveur du stent sirolimus à 6 mois (0,09 mm vs 0,33 ; p = 0,002) et l’étude ZEST-AMI, non publiée, comparant les taux de resténoses angiographiques des stents CYPHER ®, TAXUS ® et ENDEAVOR ® avec des résultats favorables du premier (2 % vs 9 % vs 15,9 % ; p = 0,027) sans que l’on puisse conclure à un bénéfice clinique d’un des stents actifs par rapport aux autres. Plusieurs méta-analyses retrouvent et amplifient ce bénéfice. La méta-analyse de Schömig et al. retrouve le bénéfice des stents actifs chez 2 786 patients traités en termes revascularisations et de critères combinés à un an (RR = 0,38 [IC 95 % : 0,29-0,50] ; p 0,001) (figure 4), mais également des taux identiques de thromboses (RR 0,80 [IC 95 % : 0,46-1,39] ; p = 0,43). Figure 4. Méta-analyse de Schömig. Critère principal à un an associant décès cardiaque, infarctus et revascularisation du vaisseau cible. Bénéfice des stents actifs vs stents nus. Dans le registre GRACE regroupant les syndromes coronaires aigus traités dans les centres participants, il a été suggéré que la mortalité était majorée dans le groupe des patients traités par stents actifs entre 6 mois et 2 ans. Cependant, en raison du nombre important de patients perdus de vue à 2 ans, et du fait que la mortalité sur la même période est favorable aux stents actifs, cette conclusion doit être prise avec précaution (figure 5). De plus, les profils de risque des patients entre les deux groupes étaient très différents et peuvent impacter les événements cliniques à 2 ans. Dans le registre MASS-DAC, après appariement pour les profils de risque, les patients recevant un stent actif ont non seulement un bénéfice en termes de revascularisation, mais également un bénéfice en termes de mortalité (-3,1 % [IC 95 % : -5,4 % à -0,8 %] ; p = 0,009). Figure 5. Registre GRACE. Mortalité à 2 ans dans les groupes de patients avec STEMI traités par stents nus (BMS) ou stents actifs (DES). Bénéfice en termes de mortalité sur la période d’étude à 2 ans. Il est utile de préciser quelques éléments à considérer avant de recourir aux stents actifs en cas de STEMI. La préparation du vaisseau est particulièrement importante. La thromboaspiration permet de réduire le volume de thrombus présent au moment de l’impaction du stent (un important thrombus au moment du stenting est associé à une péjoration du pronostic) et est associée à une amélioration de la reperfusion myocardique et du pronostic (étude TAPAS). Elle doit être associée à une vasodilatation correcte du vaisseau cible par utilisation de vasodilatateurs intracoronaires afin d’éviter d’impacter un stent trop petit, facteur associé au risque de mal-apposition et de thrombose. La longueur du stent est aussi importante et doit couvrir toute la lésion (de zone saine à zone saine) en préférant utiliser une seule endoprothèse afin d’éviter les zones de chevauchement. Le traitement des lésions de bifurcation est associé à un sur-risque de thromboses. Le résultat angiographique doit être parfait, en particulier en cas de sous-déploiement du stent, une post-dilatation au moyen d’un ballon non compliant un quart de taille supérieure est recommandée. La prise d’une double antiagrégation plaquettaire est capitale. Dans le registre PREMIER, jusqu’à 13,6 % des patients avaient arrêté le clopidogrel après 30 jours et avaient une augmentation significative de la mortalité par rapport à ceux poursuivant l’association. L’utilisation de nouveaux antiplaquettaires plus puissants que le clopidogrel comme le prasugrel testé dans l’étude TRITON-TIMI 38, permet de limiter les complications ischémiques après angioplastie, dont une réduction significative des thromboses de stents actifs et nus (figure 6). Le prasugrel (EFIENT ®) peut être prescrit dans le cadre de l’angioplastie primaire et chez les patients diabétiques, en association à l’aspirine en excluant les patients âgés (75, 60 kg et ceux avec un antécédent d’accident vasculaire cérébral). Il est clair que le débat sur l’utilisation des stents actifs en phase aiguë d’infarctus doit être clos. Les stents actifs, en particulier les stents CYPHER ® et TAXUS ®, seuls stents à bénéficier d’une prise en charge dans cette indication, doivent être utilisés dans les cas ou le risque de resténose est important (patient diabétique, lésion de petit vaisseau, lésions longues et sténose de l’IVA) et en dehors de certaines situations cliniques spécifiques et si le patient semble pouvoir adhérer à la double antiagrégation plaquettaire pendant au moins un an. Le bénéfice de leur utilisation tient essentiellement à une diminution des taux de revascularisation du vaisseau cible. Ce bénéfice est lié à une utilisation précautionneuse des endoprothèses et une préparation parfaite du vaisseau (thromboaspiration, vasodilatateurs) et du patient (antiagrégants plaquettaires, antithrombotiques). Figure 6. Étude TRITON-TIMI 38. Étude comparative du clopidogrel et prasugrel. Le prasugrel permet une réduction marquée et significative des événements ischémiques après angioplastie et
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