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Mise au point

Publié le  Lecture 13 mins

Point de vue sur les recommandations ISHNE-HRS 2017 - L'ECG ambulatoire, le monitoring cardiaque et la télémétrie ECG

Pierre MAISON-BLANCHE, CMC Ambroise-Paré Neuilly-sur-Seine

Il est certainement inutile de présenter aux lecteurs de RythmologieS la Société savante Heart Rhythm Society (HRS, www.hrsonline.org), mais ils sont sans doute moins familiers avec la société internationale de Holter (ISHNE, www.ishne.org). Cette société (de son nom complet International Society for Holter and Noninvasive Electrocardiology) a été créée en 1988 pour promouvoir la recherche dans tous les domaines de l’électrocardiologie non invasive, et pas seulement le Holter proprement dit. Son président actuel est Niraj Varma (Cleveland, États-Unis) et le président sortant est Jonathan S. Steinberg (New York, États-Unis), les deux leaders de ces recommandations 2017. Les Annals of Noninvasive Electrocardiology sont le journal officiel de la société, un des deux journaux à comité de relecture dédiés à l’électrocardiologie avec le Journal of Electrocardiology. Son éditeur en chef est Wojciech Zareba (Rochester, États-Unis).

Ces recommandations étaient très attendues, puisque la référence scientifique toujours valide est le document « ACC/AHA Guidelines for Ambulatory Electrocardiography: Executive Summary and Recommendations, developed in Collaboration With the North American Society for Pacing and Electrophysiology », publié en 1999 dans la revue Circulation, le NASPE étant l’ancêtre de HRS (1). Entretemps, nous avons eu plusieurs recommandations ciblées sur certaines pathologies (2), par exemple récemment en 2017 pour la prise en charge des syncopes et l’ablation de la fibrillation auriculaire, les troubles du rythme ventriculaires, etc., mais c’est la première fois depuis 18 ans qu’une mise au point est faite, centrée sur l’enregistrement ECG ambulatoire. C’est d’ailleurs ce long délai entre les deux documents qui explique qu’un objectif essentiel de ces recommandations 2017 est une mise au point technique, tant les progrès ont été importants durant cette période, et alors que les cardiologues européens, et en particulier les cardiologues français, n’en ont pas toujours connaissance. Technologie Les avancées techniques sont parfaitement résumées par la figure 1, en fait déjà publiée en 2011 par Mittal et coll. dans J Am Coll Cardiol (3). On distingue donc maintenant 5 catégories d’enregistreurs ECG ambulatoire, si on accepte que la télémétrie ambulatoire en fait partie. Après une description détaillée de chaque méthode, les recommandations abordent le problème essentiel du choix de chaque catégorie d’appareil ECG, en fonction de l’indication clinique. Figure 1. Types de moniteurs ECG disponibles d’après Mittal et coll. (3) . A : Holter de 24/48 h, enregistreurs d’événements manuels ou automatiques ; B : patch Holter et télémétrie ambulatoire. Les autres chapitres techniques du document concernent la configuration des dérivations ECG (notamment pour les Holter 12 dérivations, la configuration dite « de Mason-Likar »), le traitement du signal ECG qui est maintenant toujours digital, l’analyse et l’interprétation des résultats (la variabilité sinusale, l’analyse de l’onde T sont maintenant de pratique courante), et pour finir les pièges à éviter. Il est ainsi rappelé que les erreurs d’interprétation peuvent se faire par excès et entraîner des examens complémentaires ou des traitements injustifiés, ou par omission, et passer à côté de troubles du rythme cliniquement significatifs (4). Pour des raisons de longueur, nous nous limiterons à la description des différentes méthodes ECG théoriquement disponibles, avec leurs avantages et inconvénients respectifs, et nous terminerons sur les politiques de remboursement, corollaires incontournables pour la disponibilité réelle de ces nouvelles technologies. Enregistreurs Holter proprement dits Les appareils Holter sont maintenant légers et de petite taille, mais ils nécessitent toujours que les patients portent des électrodes cutanées reliées à l’enregistreur par des câbles. Typiquement, on enregistre 2 dérivations bipolaires thoraciques, mais le nombre de dérivations peut aller jusqu’à 12. La durée d’enregistrement est le plus souvent de 24 à 48 heures, mais l’autonomie des appareils les plus récents peut permettre d’enregistrer de façon continue jusqu’à 30 jours. La participation du patient est essentielle, car il doit tenir un journal quotidien de ses activités, de ses traitements en cours et bien sûr de ses symptômes éventuels. Les enregistreurs ont un bouton marqueur d’événement que le patient doit utiliser afin d’obtenir une corrélation exacte dans le temps entre l’ECG et les symptômes. L’analyse de l’ECG se fait après l’enregistrement sur une station de travail dédiée, avec des logiciels spécifiques pour la variabilité sinusale, la dynamique de l’intervalle QT. On relèvera une erreur surprenante dans le chapitre consacré à l’analyse du signal ECG ambulatoire (AECG processing). Il y est dit que les logiciels Holter détectent les ondes P, QRS et T, alors que les ondes P ne sont pas détectées et qu’en 2017, le diagnostic de fibrillation auriculaire est donc toujours basé sur l’irrégularité des intervalles R-R ! Les patchs enregistreurs Ces patchs sont une nouvelle classe d’enregistreurs Holters, le boîtier enregistreur étant clipsé sur l’électrode patch ou même intégré à la fabrication dans l’électrode patch (et alors à usage unique). Ils sont extrêmement confortables pour le patient, car il n’y a plus de câbles encombrants et le patch est discret, généralement posé dans la région pectorale (figure 2). Figure 2. Patchs d’enregistrement continu de l’ECG. Le boîtier Holter est clipsé sur le patch cutané (A) et ensuite appliqué sur le thorax (B). Comme ils sont résistants à l’eau (mais pas réellement imperméables), le patient peut prendre une douche tout en portant le patch. La durée de l’enregistrement ECG continu peut aller jusqu’à 7, voire 14 jours. Citons deux produits à titre d’exemple, Zio-patch ® de la société iRhythm Technologies (www.irhythmtech.com) et epatch ® de la société Biotelemetry (www.gobio.com). L’analyse de l’ECG se fait après l’enregistrement sur une station de travail dédiée, comme pour le Holter standard. Toutefois, les sociétés qui fabriquent ces patchs ne sont pas les mêmes que celles qui fabriquent les boîtiers de Holter standard, et les logiciels d’analyse sont loin d’avoir toutes les fonctionnalités dont nous disposons pour un Holter de 24-48 heures. D’autre part, il est de bon sens de noter la distance inter-électrode très faible offerte dans ces patchs, ce qui donne selon le morphotype des patients une amplitude de tracé ECG plus ou moins microvoltée, parfaitement inadaptée à la détection des complexes QRS. Cette limite sera reprise plus loin (tableau 3). Les enregistreurs ECG discontinus à mémoire boucle Avec cette catégorie d’appareils, l’ECG n’est pas enregistré de façon continue mais de façon discontinue. L’enregistrement d’un ECG est soit déclenché manuellement par le patient, soit par un algorithme de détection automatique embarqué des troubles du rythme (bradycardie, pause, tachycardie, fibrillation auriculaire, etc. avec des seuils programmables à la pose de l’appareil). Ces appareils ont une mémoire dite « en boucle », c’est-à-dire que le tracé ECG avant le symptôme ou avant l’arythmie est gelé et disponible, jusqu’à plusieurs minutes avant l’événement. Le plus souvent, on enregistre deux dérivations bipolaires, jusqu’à 30 jours, avec des électrodes cutanées, reliées au boîtier enregistreur que le patient doit porter en permanence, et comme pour les Holters, la tolérance cutanée est un facteur limitant. La participation active du patient est nécessaire. Le logiciel de détection est embarqué dans l’appareil enregistreur car il doit faire en temps réel des diagnostics automatiques pour stocker des ECG. Les enregistreurs ECG externes Il s’agit d’une catégorie d’enregistreurs ECG discontinus, mais ils ne sont pas portés en permanence par le patient, seulement au moment d’un symptôme ou à la discrétion du patient (« routine ECG »). Ils sont appliqués sur le thorax par le patient. On les appelle donc des enregistreurs « post-événement ». Une version plus récente de ces appareils est embarquée dans un smartphone et l’ECG est enregistré entre les doigts des deux mains à l’aide d’une électrode métallique, elle-même clipsée sur le smartphone (figure 3). Ces smartphones ont, de plus, la capacité de transmettre quasiment en temps réel l’ECG au centre de surveillance ou au médecin. Citons, par exemple, le système développé par la société AliveCor, Kardia mobile ®. Au congrès de l’ESC 2017 à Barcelone, il a été démontré que des ECG de routine réalisés 2 fois par semaine avaient un rendement diagnostique très supérieur à une prise en charge traditionnelle (Assess ment of REmote HEArt Rhythm Sampling using the AliveCor heart monitor to scrEen for Atrial Fibrillation (The REHEARSE-AF study). La durée de surveillance potentielle est illimitée. L’analyse du tracé ECG ne se limite pas à la fréquence cardiaque, la reconnais- sance d’une fibrillation auriculaire est possible (www.alivecor.fr). Figure 3. Enregistreur ECG discontinu « post-événement » à l’aide d’une électrode métallique clipsée sur un smartphone, pouvant être transmis en temps réel à un centre de monitorage ou un médecin. La télémétrie ECG ambulatoire Avec cette catégorie d’appareil, l’ECG est à nouveau enregistré en continu sur plusieurs dérivations. Des électrodes cutanées sont donc portées de façon permanente. La caractéristique fondamentale est la transmission en temps réel de l’ECG par une liaison sans fil, d’abord à une station de transfert, puis à un centre de surveillance, d’où ce nom de « télémétrie ambulatoire ». Le flux d’ECG continu transmis est analysé en temps réel par des logiciels (les mêmes que ceux utilisés pour l’analyse d’un Holter standard) et des techniciennes formées à la technique du Holter. Des alarmes sont générées et les ECG correspondants transmis au cardiologue. On verra plus loin qu’en réalité, cette catégorie d’appareil n’est disponible qu’aux États-Unis, où elle est remboursée alors qu’elle ne l’est pas en Europe. Choix de la technique Le cardiologue a donc à sa disposition le choix entre différentes catégories d’appareils enregistreurs d’ECG. La décision sera basée sur les caractéristiques techniques du système (tableau 1), mais aussi et surtout en fonction du contexte clinique propre à chaque patient (tableau 2) et des avantages et inconvénients respectifs de chaque catégorie d’enregistreur (tableau 3). Le tableau 1 résume les principales spécifications techniques, enregistrement ECG continu ou discontinu, nombre de voies ECG, type d’électrodes, durée de la surveillance disponible, logiciels d’analyse. À ce jour, seul le Holter standard de 24 à 48 heures permet un enregistrement ECG continu de 12 dérivations indiqué pour la quantification précise d’anomalies telles que la morphologie des extrasystoles ventriculaires, ou encore l’ischémie myocardique. Le tableau 2 fournit le

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