Angioplastie coronaire assistée par robot : mythe ou réalité ?
Eric DURANDa, Rémi SABATIERb, Bruno FARAHc, Jean FAJADETc, a. CHU de Rouen, INSERM U1096, Rouen, b. CHU de Caen, Caen, c. Clinique Pasteur, Toulouse
La robotique occupe une place croissante en médecine. Son application a débuté en chirurgie dans les années 2000. L’urologie a rapidement fait bénéficier les patients de ce progrès technologique, notamment lors des prostatectomies chez les patients atteints de cancer(1). Aujourd’hui, presque toutes les disciplines chirurgicales utilisent la robotique en pratique courante comme la gynécologie, la chirurgie thoracique et cardiaque, la chirurgie digestive ou encore ORL. En 2011, la robotique a fait également son apparition en angioplastie coronaire dans le but de réduire, d’une part, l’exposition aux rayons X des opérateurs et, d’autre part, les lésions musculosquelettiques induites par le port d’un tablier plombé.
La société Corindus (Waltham, États-Unis) a été la première à développer et commercialiser un système permettant de réaliser une angioplastie coronaire assistée par un robot. La faisabilité et la sécurité d’une angioplastie assistée par robot a été démontré dans des lésions simples puis complexes et, plus récemment, lors de procédures réalisées à distance (2-4). En France, la société Robocath (Rouen) a développé une première génération de robots (R-One™) permettant également de réaliser des angioplasties coronaires. Le 24 septembre 2019, les deux premières procédures ont été réalisées avec succès chez l’homme au CHU de Rouen (Prs E. Durand et R. Sabatier) et à la clinique Pasteur à Toulouse (Drs J. Fajadet et B. Farah). Principe, impact et formation à la robotisation en chirurgie Le terme « robot » dérive du tchèque robota, qui veut dire « travail, corvée ». Il a été utilisé pour la première fois en 1921 dans une pièce de Karel Capek où un savant avait créé un humanoïde capable d’accomplir tous les travaux d’un homme (5). Le terme est dorénavant consacré pour le « robot » chirurgical bien qu’il ne soit pas tout à fait adapté dans la mesure où ce dernier n’a pas d’autonomie. L’interface informatique filtre les mouvements, fait disparaître le tremblement physiologique et permet une démultiplication du geste adaptée au grossissement de l’image avec une précision extrême (5). Le double système optique relié à deux caméras apporte une vision endoscopique en 3D et haute définition. La caméra est portée par un bras du robot, ce qui assure une stabilité de l’image. L’agrandissement de l’image est contrôlé par le chirurgien. Les instruments sont améliorés par rapport à ceux de la coelioscopie classique, essentiellement grâce à une articulation supplémentaire endocorporelle, ce qui rétablit les 7 degrés de liberté du membre supérieur. La position du chirurgien est nettement améliorée sur le plan ergonomique, puisqu’il travaille assis, les avant-bras sur des appuiebras ; son regard plonge dans l’image, ses mains en contrebas, rétablissant un axe yeux-mains perdu en chirurgie laparoscopique (figure 1). Le robot apporte des avantages visibles au patient que sont les petites cicatrices ; l’absence de différence extérieure postopératoire par rapport à la coeliochirurgie classique explique probablement grand nombre de critiques vis-à-vis de la chirurgie robotique dont le coût paraît alors prohibitif. Figure 1. Robot chirurgical. Les apports Le robot apporte surtout des avantages invisibles mais perçus par le chirurgien et à qui ils paraissent évidents comme la qualité de dissection ou de suture, le transfert direct de la technique ouverte une fois la machine maîtrisée, des actes complexes rendus possibles et l’absence de fatigue. Tous avantages indirects pour le patient, mais difficilement quantifiables, qui permettent de repousser très largement les limites de la cœlioscopie. Cependant, des études randomisées ont permis d’établir des avantages significatifs (cosmétique, douleurs, durée d’hospitalisation, reprise d’une activité normale) pour le patient en comparaison avec la chirurgie laparoscopique standard (1). La cible initiale visée par la société Intuitive Surgical ® (Sunnyvale, États-Unis) lors de l’introduction du robot Da Vinci sur le marché mondial était la chirurgie cardiaque et en particulier les pontages coronariens (5). Les faits ont rapidement montré que la première spécialité à en bénéficier était l’urologie, notamment les prostatectomies pour cancer. Jusque 2007, la très grande majorité des interventions réalisées au robot étaient urologiques, mais depuis, d’autres spécialités se sont appropriées la chirurgie robotique notamment la chirurgie gynécologique (hystérectomie totale pour cancer, myomectomies, etc.). D’autres spécialités comme la chirurgie digestive, thoracique, pédiatrique ont adopté la technique. Alors qu’en chirurgie ouverte puis en coelioscopie l’apprentissage se faisait par compagnonnage, avec une acquisition des différentes habiletés au contact d’un senior, la chirurgie robotique impose un éloignement entre le chirurgien et son aide et l’acquisition d’habiletés techniques très spécifiques (5). Les étapes de la formation Elles se font généralement en 3 phases : Phase 1 : formation aux habilités de base par simulateurs de chirurgie robotique. Phase 2 : apprentissage des procédures chirurgicales, spécifique de chaque spécialité et de chaque intervention. Cette formation fait appel également à la simulation, avec des exercices simulant des actes techniques particuliers de chaque procédure, et de plus en plus des interventions virtuelles. L’entraînement sur modèles inanimés est également proposé, ainsi que de la chirurgie sur animal ou sur cadavre. Phase 3 : la dernière phase est appelée formation aux compétences non techniques et consiste en l’apprentissage au travail d’équipe que sont la cognition (prise de décision et conscience de la situation), les interactions sociales (communication, coopération) et les facteurs personnels ( leadership). Concept et résultat de l'angioplastie coronaire assistée par robot Corindus Vascular Robotic (Waltham, États-Unis) est la première société à avoir développé et commercialisé un robot permettant de réaliser une angioplastie coronaire aux États-Unis. Cette société a par ailleurs été très récemment rachetée par Siemens pour un montant de 1,1 milliard de dollars. Le robot est constitué d’un bras articulé habituellement fixé sur la table d’examen relié à la sonde d’approche, d’une cassette stérile permettant de commander les mouvements des guides d’angioplastie ainsi que les cathéters à ballonnet et les stents, et d’un pupitre plombé derrière lequel le médecin est assis et protégé des rayons X. Ce pupitre est composé d’un joystick pour manipuler le guide (translation, rotation) et d’un joystick pour manipuler le ballon ou le stent (translation). Le robot de deuxième génération permet également de manipuler la sonde d’approche par un troisième joystick dédié (figure 2). Figure 2. Robot pour angioplastie coronaire développé par Corindus Vascular Robotic. L’angioplastie coronaire robotisée a été développée afin de réduire, d’une part, l’exposition aux rayons X des opérateurs et, d’autre part, les lésions musculosquelettiques induites par la station debout prolongée et le port d’un tablier plombé. Comme pour la chirurgie robotique, l’opérateur travaille plus confortablement en position assise et manipule guides et cathéters à l’aide des joysticks à distance du patient depuis un pupitre protégé des rayons X par des vitres plombées transparentes sans la nécessité de porter un tablier de radioprotection. L’opérateur visionne la procédure sur un écran localisé au niveau du pupitre permettant de visualiser la procédure et surveiller l’ECG et l’hémodynamique (figure 2). Comme pour la chirurgie robotique, l’intuitivité des mouvements reproduisant la gestuelle classique, l’absence de tremblement physiologique et la manipulation simultanée des guides et cathéter apportent une précision importante au geste. Contrairement à la chirurgie robotique, la courbe d’apprentissage est extrêmement rapide notamment chez des opérateurs expérimentés. Après un first-in-man incluant 8 patients, la première étude évaluant la faisabilité et la sécurité de l’angioplastie a été rapportée aux États-Unis en 2013 (2,6). PRECISE Cette étude ( Percutaneous Robotically-Enhanced Coronary Intervention) a inclus 164 patients aux États-Unis présentant des lésions simples, monotronculaires, dont le diamètre de référence était compris entre 2,5 et 4 mm et dont la longueur était inférieure à 24 mm et pouvant être traitées par un seul stent. Les lésions complexes (tronc commun, bifurcation, siège ostial, calcification, présence de thrombus, etc.) étaient exclues de cette étude. Les procédures étaient réalisées par le système CorPath 200 de première génération (sans joystick dédié pour la manipulation du cathéter guide) de Corindus. Les principaux critères de jugement étaient : – une sténose 30 % en fin de procédure sans MACE ; – sans conversion manuelle. Les procédures ont été toutes réalisées par voie fémorale, le plus souvent en 6 F. La procédure a été jugée comme un succès dans 98,8 % des cas sans conversion manuelle (6). Aucune complication majeure relative à l’utilisation du robot n’a été rapportée et une réduction d’environ 95 % d’exposition des opérateurs aux rayons X était évoquée. CORA-PCI Plus récemment en 2017, l’étude CORA-PCI ( Complex Robotically Assisted Percutaneous Coronary Intervention) a été publiée (3). Tous les patients consécutifs traités par angioplastie coronaire par assistance robotisée (n = 108) ou réalisées manuellement (n = 226) pour des lésions plus complexes (environ 2/3 de lésions type B2 ou C) ont été inclus. Les patients du bras robotique avaient un score Syntax moyen d’environ 19 et les procédures étaient réalisées par le système CorPath 200 de première génération. Un succès a été obtenu dans près de 99 % dans les deux types de procédures. Dans le bras robotisé, une assistance manuelle partielle était cependant nécessaire dans environ 10 % des cas et une conversion manuelle dans 7 % des cas. Le nombre de stents par procédure ainsi que la durée de scopie et le volume de contraste utilisé étaient similaires dans les deux groupes. En revanche, la durée de la procédure était un peu plus longue dans le bras robotisé (3). Compte tenu de l’impossibilité de manipuler le cathéter guide par le système robotique avec le modèle de première génération nécessitant dans près de 10 % des cas une assistance manuelle, un modèle de seconde génération a été commercialisé (CorPath GRX). Il n’y a à ce jour aucune étude randomisée publiée comparant l’angioplastie coronaire réalisée manuellement ou assistée par la robotique. Toutes ces études ont été réalisées avec le pupitre placé à proximité immédiate du patient dans la salle de cathétérisme. En revanche, des études récentes ont par ailleurs
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