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Occlusion percutanée de l’auricule gauche : vrai démarrage en France ?
P. AUBRY, J.-M. JULIARD, E. BROCHET, A. VAHANIAN, département de Cardiologie, Groupe Hospitalier Bichat–Claude-Bernard, Paris

Pour réduire l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) liés à une fibrillation auriculaire (FA), l’occlusion percutanée de l’auricule gauche (AG) est reconnue comme une alternative au traitement anticoagulant oral (ACO). La place de cette approche interventionnelle, encore limitée en France, est en train de bouger avec l’arrivée de textes réglementaires et d’avis scientifiques.
Ce que l’on sait La responsabilité de l’AG est reconnue dans la survenue d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique cardioembolique en cas de FA. La forme de l’AG associée à des modifications hémodynamiques et rhéologiques liées à la FA peut expliquer un processus thrombotique en l’absence de traitement ACO. Ce dernier est le socle du traitement médicamenteux préventif. Le poids économique de l’AVC lié à une FA est considérable en raison d’une incidence importante de cette association et de séquelles invalidantes fréquemment associées. Avec une espérance de vie en augmentation, l’incidence de la FA est en progression, dépassant 1 % dans la population générale. Pour des raisons plus ou moins recevables, jusqu’à récemment au moins un tiers des patients exposés ne recevaient pas la thérapeutique adéquate à savoir un traitement ACO. On estime que 25 000 AVC sont en rapport avec une FA chaque année en France. Ces chiffres ont conduit les sociétés savantes et les tutelles à revoir la problématique. Les recommandations européennes 2012 en s’adossant sur le score CHA 2DS 2-VASc ont élargi les indications du traitement ACO (aujourd’hui seul un patient 65 ans et sans facteurs de risque peut être exempté) en précisant que le rapport bénéfices/risques (prévention thromboembolique/événements hémorragiques) doit toujours être considéré avec le score HAS-BLED (1). Ces recommandations ont intégré l’arrivée des ACO directs sur des arguments logiques (efficacité non inférieure, facilité d’utilisation et réduction des hémorragies cérébrales), au contraire de l’avis des tutelles françaises comme l’HAS. Les recommandations européennes 2012 et l’arrivée des ACO directs ont modifié les pratiques avec un pourcentage de patients éligibles aux ACO en augmentation, proche de 80 % dans des enquêtes récentes. Cependant, le suivi à moyen terme montre que la poursuite d’un ACO est remise en cause dans près de 20 % des cas. Recommandations européennes et nord-américaines Les recommandations européennes 2012 ont pour la première fois inclus une alternative au traitement ACO autre que le classique traitement antiagrégant plaquettaire (AAP), d’efficacité inférieure et aux risques parfois comparables aux ACO dans une population à risques hémorragiques. Ce traitement alternatif est l’occlusion percutanée de l’AG avec une recommandation de classe II b et un niveau de preuve B chez les patients à haut risque thromboembolique cérébral et ayant une contre-indication à un traitement ACO prolongé. L’arrivée de cette nouvelle approche, alors que l’exclusion chirurgicale de l’AG n’a jamais été validée comme traitement préventif, est liée essentiellement à l’étude PROTECT-AF qui a validé, avec le système Watchman ®, le concept d’occlusion percutanée de l’AG (figure 1) avec une non-infériorité sur le risque thromboembolique en comparaison avec un traitement par antivitamine K (AVK) (2). Il faut rappeler que cette étude a été réalisée chez des patients éligibles à un traitement par AVK, et que l’occlusion percutanée de l’AG n’a pas encore été évaluée de manière contrôlée chez des patients ayant une contre-indication aux ACO. Les recommandations nordaméricaines pourtant postérieures aux recommandations européennes restent réservées sur le sujet, avec une absence de recommandation claire en prévention primaire (3) et une préférence pour un traitement par AAP en prévention secondaire (4). Paradoxalement, le système Watchman ® a été approuvé en mars 2015 par la Food and Drug Administration (FDA) avec une indication qui correspond à celle validée dans PROTECT-AF. Figure 1. Imagerie tomographique montrant une prothèse Watchman ® (flèche) excluant l’auricule gauche de la circulation systémique. OG : oreillette gauche, VG : ventricule gauche. Quelles sont les principales complications observées ? Depuis la publication en 2 009 de PROTECT-AF, certains points ont été précisés après l’implantation de plusieurs milliers de prothèses, généralement dans le cadre de registres chez des patients non éligibles à un traitement ACO. Il est possible d’estimer les risques des complications graves périprocédurales avec un taux de mortalité liée à la procédure ≤ 1 %, de tamponnade nécessitant une thoracotomie ≤ 1 %, de tamponnade nécessitant un drainage sous-xyphoïdien de 1,5 %, de migration de prothèse de 1 %, et d’AVC ischémique ou hémorragique 1 %. Les complications hémodynamiques menaçant le pronostic vital d’un patient souvent fragile sont la tamponnade non contrôlée par un drainage péricardique et la migration de prothèse gênant le fonctionnement d’une valve cardiaque. Ces complications, certes rares, peuvent justifier la disponibilité rapide d’une équipe chirurgicale. La complication la plus fréquente après une implantation est la formation d’un thrombus sur la face externe de la prothèse, avec une fréquence proche de 5 %. Cette complication souvent asymptomatique est généralement dépistée par l’imagerie réalisée quelques semaines après l’implantation au moment d’interrompre ou de réduire le traitement antithrombotique. Cette évaluation permet aussi de rechercher une fuite résiduelle significative, définie à l’ETO par un flux > 5 mm. Quelle imagerie préalable ? La cavité cardiaque la plus difficile à visualiser en échographie est probablement l’AG. Son orientation, sa forme et son nombre de lobes sont très variables. Une bonne appréciation anatomique est utile avant une procédure pour anticiper certaines difficultés techniques. Le scanner cardiaque est un outil permettant d’identifier correctement les particularités anatomiques d’un AG et de ses rapports avec les structures adjacentes (figure 2). L’échographie transoesophagienne (ETO) reste bien entendu l’outil indispensable pour guider une procédure à différents temps : aide à la ponction transseptale, choix de la taille de la prothèse, vérification de son bon positionnement, et dépistage d’une complication. Une expertise du cardiologue échographiste est recommandée. Figure 2. Imagerie tomographique (A) et échographique (B) de l’auricule gauche (étoile blanche) et de la veine pulmonaire supérieure gauche (étoile rouge). PROTECT-AF et PREVAIL : une efficacité inégale Nous disposons aussi de données pour l’étude PROTECT-AF au-delà du suivi initial programmé sur environ 2 ans. Avec un suivi de 4 ans, les courbes concernant la sûreté, initialement en défaveur de la procédure interventionnelle, se rejoignent en raison des complications hémorragiques liées aux ACO(5). Le critère primaire d’efficacité associant les AVC ischémiques ou hémorragiques, les embolies systémiques et la mortalité cardiovasculaire ou inexpliquée reste inférieur dans le groupe interventionnel (2,3 événements pour 100 patients- années) par rapport au groupe AVK (3,8 événements pour 100 patients-années). Cependant , l’étude PREVAIL, la seule étude randomisée faisant suite à PROTECT-AF et avec une méthodologie proche (6), n’a pas atteint son objectif primaire d’efficacité en raison d’un taux d’AVC ischémiques supérieur dans le groupe interventionnel par rapport au groupe AVK (1,9 % vs 0,7 %). Ce qui se prépare en France La modeste activité française, environ 400 procédures par an, est expliquée par l’absence de remboursement actuel de la prothèse. Cette dernière nécessite une inscription sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). La commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) qui dépend de l’HAS a rendu en 2014 un avis favorable pour une inscription LPPR pour les systèmes ACP ® (figure 3) (St. Jude Medical) et Watchman ® (Boston Scientific) en l’accompagnant de certaines conditions (tableau 1) : • Les experts ont restreint la population cible aux patients avec un score CHA 2DS 2-VASc≥ 4 sans justification claire. • La présence sur un même site des plateaux de cardiologie interventionnelle et de chirurgie cardiaque est requise. • La place du scanner cardiaque avant et surtout après la procédure est soulignée car la répétition d’une ETO dans une population âgée n’est pas toujours facile. Figure 3. Image échographique d’un thrombus (flèches blanches) sur le disque externe d’une prothèse ACP ® (flèches noires). * Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé ; ** Liste des produits et prestations remboursables. La HAS a estimé la population cible entre 10 000 et 30 000 patients. La HAS a estimé ce chiffre à partir d’un calcul tenant compte de l’incidence de la FA dans la population française, des 25 % de patients avec un score CHA 2DS 2-VASc ≥ 4 et des 10 % de patients présentant une contre-indication formelle et définitive aux ACO. Ce chiffre important, deux à six fois le nombre actuel d’implantations percutanées de valve aortique, est certainement surestimé, car il tient compte du nombre de patients en attente de cette technique. Avec une incidence évaluée à 110 000 à 230 000 nouveaux cas annuels de FA, une activité annuelle de 3 000 à 6 000 procédures semble plus réaliste. Afin d’obtenir un remboursement de la prothèse, la création d’un acte est nécessaire dans la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Ce travail est en cours (Union nationale des Caisses d’assurance maladie et ministère de la Santé) avec une publication attendue prochainement. Aussi, il est possible d’affirmer qu’en 2016 une occlusion percutanée de l’auricule gauche pourra être proposée avec l’assurance d’un remboursement de la prothèse. Tenant compte du caractère nouveau de l’occlusion percutanée de l’AG, la Société française de cardiologie a jugé utile de fixer les modalités de cette procédure interventionnelle en demandant un avis auprès du Groupe athérome et cardiologie interventionnelle (GACI) et du Groupe rythmologie et stimulation cardiaque. Ces derniers ont établi un texte de consensus qui vient d’être publié (7). Le tableau 1 en reprend les principales conclusions. Quelques mois auparavant, les groupes de rythmologie (EHRA) et de cardiologie
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