Mise en place et développement du Jetstream™, système d’athérectomie - La pratique de notre équipe de chirurgie vasculaire
Julien DIÉ LOUCOU et coll.*, service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU François Mitterrand, Dijon
La prise en charge des lésions artérielles occlusives des membres inférieurs a considérablement évolué ces dernières années, avec le développement de nouveaux outils endovasculaires peu invasifs qui montrent une grande efficacité mais dont les résultats doivent encore être confirmés dans leur durabilité, en comparaison de la revascularisation chirurgicale traditionnelle. Parmi eux, l’athérectomie est une solution innovante et prometteuse, notamment pour le traitement des lésions fémoropoplitées. Nous présentons ici la mise en place de cette technique dans notre centre.
Intérêt de l’athérectomie La technique d’athérectomie repose sur le principe de debulking de l’artère qui consiste à extraire le matériel endoluminal responsable de la sténose tout en préservant la paroi artérielle pour permettre ensuite si besoin, un remodelage au ballon, éventuellement actif, ou un stenting. La technique est particulièrement efficace pour les lésions très calcifiées et est adaptée aux zones exposées aux plicatures et aux fractures de stent (1,2). Il existe trois types de dispositifs d’athérectomie mécanique : directionnel, orbital et rotationnel. Présentation technique du Jetstream™ Jetstream™ est un système d›athérectomie rotative inspiré des dispositifs coronariens, secondairement adapté aux artères périphériques. Il permet de fragmenter la plaque d’athérome en l’attaquant frontalement grâce à sa tête rotative. C’est le seul dispositif doté d’une fonction d’aspiration active impliquant une console additionnelle pour l’infusion de sérum et la réaspiration des débris de la plaque. Disponible en 7 F, il est utilisable dès lors qu’un guide 0,014’’ a franchi la lésion en intraluminal. Il est important de noter qu’il est nécessaire d’utiliser des guides sans revêtement hydrophile car ils risqueraient d’être endommagés au cours de la procédure. La technologie Jetstream™ permet de s’adapter précisément à la taille de l’artère et à la lésion, soit en déployant des ailettes latérales additionnelles, soit en orientant l’embout pour permettre d’accéder à des lésions excentrées. La gamme de cathéters permet de traiter des lésions de 2,5 à 4,5 mm s’adaptant ainsi aux différents étages fémoropoplité et jambier. Le dispositif n’est pas adapté pour les artères iliaques, rénales et coronaires (figure). Figure. Chaque set d’athérectomie contient : un cathéter, un module de commande, une pompe, une tubulure d’administration de solution saline et une tubulure d’aspiration pour les déchets, une poche de récupération. Notre expérience Notre expérience avec Jetstream™ a débuté avec la prise en charge des lésions des trépieds fémoraux. Nous avons été confrontés à plusieurs échecs du traitement endovasculaire avec des fractures de stent et des resténoses précoces particulièrement lorsque la bifurcation fémorale était très calcifiée. Nous utilisons systématiquement le logiciel de reconstruction EndoSize ® (Therenva) pour analyser précisément les lésions à partir de l’angioscanner préopératoire (localisation précise, analyse des courbures de l’artère, mesure de la longueur et des diamètres des segments à traiter) et adapter notre stratégie thérapeutique. Les résultats encourageants nous ont ensuite poussé à élargir nos indications du Jetstream™ aux lésions de l’artère fémorale superficielle (AFS) et poplitées. Nous n’avons pas encore franchi le pas du traitement des artères de jambe mais le dispositif le permet avec les sondes SC®. Résultats Il existe maintenant plusieurs études relatives à l’utilisation du Jetstream™ dans les lésions fémoropoplitées. L’étude JET Registry, l’une des plus importante, comporte une cohorte prospective dont l’objectif était de rapporter la sécurité et l’efficacité des procédures Jetstream™ à 1 an en pratique courante pour le traitement des lésions fémoropoplitées. Deux-cent quarante et un patients présentant des lésions fémoropoplitées de novo ou des resténoses ont été inclus (à l’exclusion des sténoses intrastent). Les lésions traitées étaient en moyenne de 16,4 cm de long ; 35 % des patients ont nécessité un stenting complémentaire dans le même temps. Le succès technique a été obtenu dans 98,3 % des cas. Il y a eu 2 % d’événements indésirables majeurs à 30 jours avec 3 patients qui ont présenté une embolisation distale nécessitant un geste complémentaire et 2 patients qui ont nécessité un nouveau geste opératoire au niveau de la lésion initiale (TLR, target lesion revascularization) ou au niveau de l’artère impliquée (TVR, target vessel revascularization). À 12 mois, l’absence de TLR et de TVR était de 81,7 % et aucune sténose n’a été trouvée au contrôle écho-Doppler chez 77,2 % des patients. Cette étude a montré un bon résultat du dispositif avec un bon taux de succès technique associé à un faible taux de complications et de réinterventions. Le traitement par ballon actif n’a pas été évalué dans cette étude (3). Jetstream™ et ballon actif L’intérêt de l’association du ballon actif en complément du Jetstream™ a été souligné dans plusieurs études. L’étude randomisée multicentrique JETRANGER a ainsi comparé Jetstream™ associé à un ballon actif (JET + DCB) versus angioplastie au ballon nu suivie d’une angioplastie avec un ballon actif (PTA + PCB). Deux-cent cinquante-cinq patients présentant des lésions fémoropoplitées de novo ou des resténoses ont été inclus (à l’exclusion des sténoses intrastent). L’étude a été stoppée précocement à cause de la pandémie du Covid-19 et finalement seuls 47 patients ont été inclus. Malgré ce faible effectif, il a été rapporté un taux de perméabilité primaire dans le groupe JET + DCB à 1 an significativement supérieur (100 % vs 43,8 % ; p 0,0001). Par ailleurs, l’association JET + DCB permettrait de diminuer le recours à un stenting (5). L’étude rétrospective JET SCE comparant Jetstream™ + PTA versus Jetstream™ + DCB, a inclus 311 procédures et a montré une perméabilité primaire à 1 an du groupe JET + DCB significativement meilleure (94,7 % vs 68 % ; p = 0,002) (6). JETSTREAM™ et resténose intrastent Jetstream™ peut également être utile dans la prise en charge des resténoses et occlusions intrastent L’étude prospective multicentrique JETISR a inclus 60 patients présentant une resténose intrastent fémoropoplitée. Les résultats ont montré une absence de TLR de 79,3 % à 6 mois et de 60,7 % à 1 an (7). L’association Jetstream™ et ballon actif est intéressante dans les lésions intrastent. A. Cioppa et al. dans une cohorte de 30 patients, ont rapporté un bon résultat en associant Jetstream™ et ballon actif pour le traitement des resténoses intrastent avec un taux de perméabilité primaire de 93,4 % à 1 an et 83,4 % à 24 mois (8). Jetstream™ comme système de thrombectomie Il n’existe aucune donnée solide dans la littérature concernant cette pratique. Toutefois, le système d’aspiration du Jetstream ™ (mode REX) est puissant, conçu pour aspirer les débris, réduire le risque d’embolie distale, mais aussi aspirer un embole distal au cours d’une procédure d’athérectomie. Il pourrait être utilisé dans certains cas de thrombose aiguë de stent et de thrombose subaiguë avec néanmoins un risque plus élevé d’embolie distale (9). Complications du Jetstream™ Il est indispensable de franchir la lésion en intraluminal pour éviter de léser la paroi et de perforer l’artère. En cas de doute, nous conseillons de ne pas utiliser le dispositif et de préférer une alternative à l’athérectomie. En cas de dissection ou de lésions résiduelles, il est toujours possible de mettre en place un stent si l’angioplastie au ballon n’est pas suffisante. Embolisation distale L’une des principales craintes soulevées par l’utilisation des dispositifs d’athérectomie est liée au risque de micro et macroembolisation distale. Le dispositif Jetstream™ est équipé d’un système d’aspiration qui permet de récupérer la plupart des microemboles. Dans l’étude JET Registry le taux d’embolisation distale nécessitant une intervention complémentaire ou un allongement du temps d’hospitalisation a été de 1,4 % (3). Dans la littérature, le taux d’embolisation nécessitant un geste complémentaire varie de 0 à 9 %. Les facteurs de risque d’embolisation distale sont les lésions longues et complexes et les resténoses intrastent (10). Certaines astuces techniques permettraient de réduire le risque d’embolisation distale. • Premièrement, la progression lente de la sonde de l’ordre de 1 mm par seconde en réalisant des va-et-vient permet au dispositif d’optimiser l’aspiration des débris (11). • Deuxièmement, en cas d’occlusion, on peut s’aider de la « technique du bouchon » qui consiste à laisser en place un petit segment occlus de 0,5 à 1 cm de long en guise de protection distale. Ce segment est traité en fin de procédure, lorsque la plus grande partie des débris a pu être aspirée. • Enfin, certains conseillent d’utiliser d’emblée les ailettes pour enlever le maximum d’hyperplasie susceptible d’emboliser. Intérêt de la mise en place d’un filtre L’utilisation d’un filtre de protection diminuerait le risque d’embolisation distale au prix d’un temps de procédure et de fluoroscopie plus long (12). Nous n’en avons pas l’expérience. Même si l’utilisation systématique d’un filtre augmente le coût de la procédure, il pourrait être indiqué dans les procédures les plus risquées (10,12). Spasme artériel et vasodilatateurs périphériques L’association des vibrations du guide dans les artères en distalité de la zone traitée et les microemboles distaux, peut être à l’origine d’un vasospasme périphérique qu’il faut distinguer de l’embolisation distale. Bien qu’il n’existe aucune donnée solide, l’utilisation de vasodilatateurs a été proposée pour pallier ce type de complication. Certaines équipes ajoutent des vasodilatateurs directement dans la poche de perfusion, avec des protocoles associant 1 mg de nitroglycérine et 5 mg de vérapamil dilués dans 1 litre de sérum physiologique (3). D’autres équipes ont pu utiliser de la bivalirubine (13), ou une association de 2 mg d’isoptine et 3 mg de risordan en intra-artériel direct ou encore un mélange de 5 mg de risordan et 5 mg d’isoptine dilués dans la poche d’infusion du Jetstream™. Ces protocoles sont issus de différentes équipes expérimentées mais n’ont pas, à notre connaissance, été publiés. L’administration de ces traitements vasodilatateurs doit se faire en concertation avec l’équipe d’anesthésie afin d’en prévenir les effets secondaires (hypotension artérielle, bradycardie peropératoire). L’intérêt de l’utilisation systématique ou occasionnelle des vasodilatateurs, le type de molécule à
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