Aller au contenu principal
TwitterFacebookLinkedinPartager

C Demain

Publié le  Lecture 16 mins

Point sur les dispositifs actifs pour les fistules artérioveineuses

Nirvana SADAGHIANLOO, Chirurgienne vasculaire et endovasculaire, Centre hospitalier universitaire de Nice, Vice-présidente de la Société francophone de l’abord vasculaire

Les fistules artérioveineuses (FAV) restent le talon d’Achille des malades hémodialysés. Malgré de nombreuses études évaluant diverses configurations d’anastomoses et d’autres attirant l’attention sur la nécessaire expérience des chirurgiens, les données brutes et internationales restent mauvaises, avec près d’une FAV sur deux qui présentera un événement de type sténose au cours de la première année après sa création(1). Puisque la géométrie est un paramètre complexe à maîtriser dans ce montage non physiologique, la mise au point de solutions pharmaceutiques semble une nécessité pour tenter de limiter l’hyperplasie myo-intimale.

Les médicaments (antiagrégants plaquettaires, trinitrine, anticoagulants) ou supplémentation (huile de poisson) par voie systémique n’ont pas montré de bénéfice significatif sur la durée de vie des FAV, mise à part la ticlopidine dont le rapport bénéfice/risque reste à démontrer sur la prévention des thromboses (2). Depuis une quinzaine d’années, nous observons donc le développement de plusieurs dispositifs actifs visant à limiter l’hyperplasie myo-intimale. L’hyperplasie myo-intimale des FAV Pour comprendre l’action des substances contre l’hyperplasie myo-intimale, il faut se rappeler de la physiopathologie responsable de l’échec des FAV. Une FAV réussie est la combinaison d’une dilatation du diamètre de la veine et d’un épaississement modéré de sa paroi par hyperplasie myo-intimale : c’est ce que l'on appelle un remodelage positif (3). C’est le déséquilibre entre l’un des deux composants qui conduit à l’échec. L’hyperplasie myo-intimale est la réponse à l’agression de la paroi vasculaire par le stress physique (manipulation instrumentale), hémodynamique (augmentation de la pression artérielle et variations du shear stress) et chimique (hypoxie, modification des signaux moléculaires) (4). Des cellules endothéliales et musculaires lisses sont détruites, avec une mise à nu du sous-endothélium. La mécanotransduction transporte le signal d’agression de la paroi au cœur des cellules. S’en suivent une adhésion puis une activation plaquettaire avec libération de facteurs de croissance cellulaire, de métalloprotéinases et d’activateurs leucocytaires. Les leucocytes ainsi recrutés libèrent des cytokines, des enzymes protéolytiques et d’autres facteurs de croissance cellulaire. L’ensemble entraîne la migration, la différenciation et la prolifération des cellules musculaires lisses au sein de la paroi. Ces cellules se dédifférencient en un phénotype sécrétoire, produisant de la matrice extracellulaire en excès et parfois anormale (fibrose) (3). En fonction de l’équilibre des facteurs en action, le résultat est donc une diminution plus ou moins importante de la lumière du vaisseau. Les dispositifs actifs vont donc cibler différentes étapes de cette cascade dans le but de prévenir l’hyperplasie myo-intimale de novo, ou sa récidive après traitement mécanique. Prévention de la sténose juxta-anastomotique : les dispositifs périanastomotiques Des études montrent que jusqu’à 63 % des sténoses concernent le segment juxta-anastomotique de la FAV (5). On peut retenir comme définition de cette zone les 4 ou 5 centimètres de veine (et d’artère) en contiguïté avec l’anastomose. Il s’agit le plus souvent du segment veineux disséqué et mobilisé, et notamment du « swing segment » proximal, zone intermédiaire entre le segment de veine fixe et le segment mobilisé, où traumatismes chirurgicaux et modifications hémodynamiques s’associent pour créer une zone très exposée à l’hyperplasie myo-intimale. Le segment juxta-anastomotique artériel peut également être siège de lésions d’hyperplasie, souvent sur une base athérosclérotique et/ou liée aux clamps (5). Afin d’inhiber la survenue d’une hyperplasie myo-intimale sur ce segment accessible au chirurgien, les chercheurs ont eu l’idée d’appliquer une substance pharmaceutique directement sur les vaisseaux lors de la création de la FAV. Ainsi, le Vascugel ® (Pervasis Therapeutics, Inc., Cambridge, États-Unis) était un implant gélatineux comprenant des cellules endothéliales humaines, différenciées, allogéniques, ayant montré en laboratoire une action anti-inflammatoire, et permettant un remodelage positif lorsqu’il est déposé autour d’une anastomose. Cependant, en 2009, Conte et coll. ont publié les résultats d’un essai de phase II/II chez 57 patients (FAV et prothèses de dialyse) à 24 semaines, sans démontrer d’effet positif sur la maturation ou la perméabilité (6). Le vonapanitase (élastase pancréatique de type 1) est un enzyme qui cible la matrice extracellulaire en clivant les liaisons peptidiques des fibres élastiques. Il a été testé contre placebo dans une étude comptant 349 FAV radiocéphaliques (PATENCY 1) (7). Après une application de 10 min d’une solution liquide comprenant cet enzyme, l’étude n’a pas montré de bénéfice sur la maturation ou la perméabilité primaire, mais semblait avoir un effet sur la perméabilité secondaire. L’étude PATENCY 2 portant sur 603 patients n’a pas permis de montrer une quelconque amélioration du devenir des FAV (8). Il n’y a pas d’autres résultats attendus à l’heure actuelle pour ce dispositif. Le paclitaxel est une substance d’origine fongique qui agit sur les microtubules, composants cellulaires essentiels lors des phases de division, et donc traditionnellement utilisé en chimiothérapie anticancéreuse comme antiprolifératif. Formulé par Angiotech pharmaceuticals, un maillage ( mesh) imprégné de cette substance, appliqué autour de l’anastomose lors de la création, a été testé lors d’une étude randomisée sur des prothèses de dialyse (2009-2010). Elle a dû être stoppée prématurément à cause d’un taux d’infection de l’abord supérieur dans le bras paclitaxel (9). Le sirolimus (rapamycine) est une substance d’origine bactérienne inhibant l’activité de l’enzyme mTOR ( mammalian Target of rapamycin) indispensable à la progression du cycle cellulaire, et classé comme immunosuppresseur sélectif par son action d’inhibition de l’activation lymphocytaire. Le Sirolimus eluting collagen implant (SecI) (Vascular therapies Inc.) utilise cette substance au sein d’une membrane collagène entourant l’anastomose juste après la création. L’étude ACCESS, dont les résultats n’ont pas encore été publiés, semblerait montrer une diminution de la durée sous cathéter (communication orale) (10). Une autre étude de phase III (ACCESS 2) est actuellement en cours de recrutement depuis 2022 (11). Enfin, un outsider dans la liste des dispositifs actifs, est la lampe à émission infrarouge (figure 1). Testée depuis de nombreuses années pour inhiber l’hyperplasie intimale, notamment en Asie, la luminothérapie infrarouge aurait des effets à la fois thermiques (vasodilatation) et non thermiques (libération de monoxyde d’azote et d’antioxydants, inhibition des molécules pro-inflammatoires, etc.) sur la paroi des vaisseaux exposés (12). Une métaanalyse parue en 2017 a montré sur un pool de 1 899 patients (luminothérapie contre placebo) une augmentation significative du débit, du diamètre de la veine et de la perméabilité primaire, ainsi qu’une diminution significative du risque de thrombose (13). L’utilisation semble néanmoins contraignante et l’usage ne s’est pas développé dans les pays occidentaux. Figure 1. Exemple de patient porteur d’une FAV sous luminothérapie infrarouge (Illustration tirée de Lin et al. Am J Kidney Dis 2013). Prévention des resténoses : les ballons actifs Les sténoses survenant sur la ligne veineuse touchent plus de la moitié des FAV créées (1,5). Qu’elles soient juxta-anastomotiques, sur les zones de ponction ou au niveau de la crosse céphalique, les recommandations préconisent généralement un traitement par angioplastie au ballonnet par voie percutanée en première intention, même si les reprises chirurgicales avec réanastomose peuvent être considérées dans certaines configurations (14). Le problème posé par ce traitement mécanique, c’est-à-dire la dilatation forcée de la veine par un ballonnet placé du côté endothélial, est la reproduction, voire l’aggravation du stress mécanique initial de la FAV, avec les mêmes conséquences : l’induction d’hyperplasie myo-intimale. Ainsi, si cette technique est souvent immédiatement efficace, la perméabilité primaire postangioplastie de ces lésions n’est que de 20-40 % à 6 mois (15), avec certains patients qui doivent retourner au bloc opératoire ou interventionnel plusieurs fois par an à cause de la même lésion. C’est pour prévenir cette récidive liée au geste d’angioplastie que les chercheurs ont testé l’application de substances actives contre l’hyperplasie myo-intimale, cette fois par le versant endoluminal. Contrairement aux applications locales sur le versant adventitiel, qui utilisaient des supports gélatineux pour entourer l’anastomose, le principal support endoluminal permettant les traitements à distance est le ballon, qui est donc appelé ballon actif. Les deux substances actives actuellement utilisées dans cette indication sont le paclitaxel et, plus récemment, le sirolimus. Préambule : aspects techniques L’objectif du ballon actif est d’apposer une substance pharmacologiquement active contre l’endothélium du vaisseau cible. Le ballonnet doit donc être de taille appropriée et capable de se gonfler complètement, afin de garantir une interface continue avec une surface maximale. Il est important de noter que les ballons actuels ne sont pas des ballons à haute pression, et donc pas idéaux pour réaliser une angioplastie de bonne qualité sur des lésions sténosantes. Les ballons actifs doivent donc être considérés comme un complément à une angioplastie réussie réalisée avec un matériel adéquat (ballon haute pression et non compliant) : c’est ce que l'on appelle la phase de préparation du vaisseau. Une préparation réussie est souvent définie comme une sténose résiduelle de ≤ 30 % après dilatation. Il n’est pas exclu que des évolutions technologiques futures permettent l’angioplastie efficace et l’administration du médicament dans le même temps. Outre le type de support, actuellement globalement similaire entre les fabricants, le choix de la forme de la molécule et de son transporteur (excipient) sont des aspects techniques essentiels. En effet, c’est la combinaison ballon/excipient/dosage qui fera le succès ou non d’un dispositif actif, car ces facteurs de conception contrôlent le degré de perte et de transfert du médicament, l’adhérence du médicament à la paroi et l’absorption dans les couches sous-jacentes du vaisseau et, enfin, la capacité du ballon actif à inhiber l’hyperplasie myo-intimale (16). Pour illustrer ce point, prenons

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Articles sur le même thème