Traitements endovasculaires des lésions oblitérantes des artères digestives
Patrick FEUGIER, service de Chirurgie vasculaire et endovasculaire, Lyon Sud, Groupement Hospitalouniversitaire Lyon Sud
Bien que dans certains cas, la chirurgie ouverte de revascularisation des artères digestives reste la thérapeutique de choix, le traitement endovasculaire des lésions oblitérantes s'est peu a peu imposé comme traitement de première intention. Ceci est particulièrement vrai pour ce qui est du traitement de l'ischémie mésentérique chronique (IMC). En effet, depuis le premier cas d'angioplastie de l'artère mésentérique supérieure (AMS) publié par Furrer et Gruntzig en 1980, puis le premier stenting mésentérique, les techniques endovasculaires se sont standardisées, les biomatériaux se sont améliorés, les résultats à moyen et long termes se sont affinés(1, 2).
Nous n’aborderons pas volontairement dans cet article les traitements endovasculaires des anévrismes des artères digestives et de leurs branches, les traitements des malformations artérioveineuses, des lésions veineuses, ainsi que du ligament arqué, pour nous focaliser sur ceux des atteintes sténosantes (athérome, dysplasie, dissection, etc.) et de leurs spécificités. Particularités de la vascularisation mésentérique La vascularisation du tube digestif repose comme nous le savons, sur quatre axes vasculaires : le tronc coeliaque (TC), l’AMS, l’artère mésentérique inférieure (AMI) et les artères hypogastriques. Les quatre étages vasculaires sont le plus souvent richement anastomosés entre eux, ce qui explique la discordance fréquente entre la sévérité de l’atteinte artérielle et la clinique. Les variations anatomiques sont fréquentes notamment en ce qui concerne l’origine des artères viscérales et la division du TC (3). L’AMS représente l’artère cible principale d’une revascularisation, lorsque cela est possible (grade I, B). Tout d’abord fixée à son ostium aortique, puis dans son court trajet rétropancréatique, l’AMS est mobile lorsqu’elle s’engage dans le mésentère et suit les mouvements respiratoires, à l’origine de possibles contraintes. Son obliquité en bas et en avant est également variable. Elle doit être prise en considération pour le repérage et l’abord radiologique de profil. Enfin, l’atteinte athéromateuse s’étend le plus souvent de la paroi aortique aux premiers cm de l’AMS, sans dépasser la première anse jéjunale (4). Ceci permet d’envisager un stenting protégé précis, court, combinant à la fois un biomatériau à force radiaire importante, puis plus en distalité, un stenting plus souple de type autoexpansible. Les caractéristiques anatomiques qui affectent la sélection du traitement endovasculaire comprennent le diamètre des vaisseaux, l’étendue de la sténose ou de l’occlusion, la présence d’une lésion en tandem ou associée, le degré de calcification et l’étendue de la collatéralisation. Techniques endovasculaires Le traitement endovasculaire des artères digestives peut être isolé ou associé au traitement endoluminal d’une lésion aorto-iliaque ou rénale. Il est le plus souvent conditionné aux résultats d’un examen écho-Doppler, d’une angio-TDM dédiée et/ou d’une angio-IRM. La stratégie opératoire va être fonction des artères cibles à traiter, de leur anatomie, du type de la lésion oblitérante, de l’étendue des calcifications. Procédure parfois difficile, elle suit cependant un raisonnement maintenant parfaitement bien codifié. 1 er temps : choix de la voie d’abord Dès l’accès vasculaire sécurisé, une héparinothérapie (50 UI/kg) ainsi que la mise en place d'un traitement antiagrégant plaquettaire sont faites par voie veineuse. • Voie fémorale ou rétrograde De part sa simplicité sous anesthésie locale, sa faible morbidité, elle est proposée en première intention. Le capteur plan est positionné d’un côté ou de l’autre du patient, de manière à obtenir le meilleur profil sans être gêné par les bras du patient ou la table. La stabilité du système est assurée par un introducteur long, armé de 6-7 F. L’utilisation de cathéters angulés en 4 ou 5 F (Simmons, Cobra, RDC, etc.) offre un bon appui sur la paroi aortique opposée, facilitant le geste de franchissement de la lésion sténosante. L’utilisation de cathéter guide est également une option. • Voie antérograde : axillaire, humérale, radiale Si certaines équipes la préfèrent de principe, elle reste d’indication lors de l’impossibilité ou de l’échec de la voie rétrograde (angulation de l’origine de l’artère trop prononcée : angle aortomésentérique 30°). La voie radiale est utilisée de manière exceptionnelle. Elle nécessite du matériel adapté (plateforme en 0,014’’). Ces voies exposent aux complications thromboemboliques vertébro-basilaires voire carotidiennes, si une voie droite est retenue. Elle demande une vérification de la crosse de l’aorte et de l’aorte thoracique. Le positionnement d’un introducteur long armé, de 6-7 F aide à la stabilité du geste. Les accès au TC et à l’AMS sont dans l’axe. Le manque d’appui sur le mur aortique opposé peut être limité par l’utilisation d’un cathéter de type MP multipurpose. Le capteur plan est ici positionné à droite du patient (si abord huméral gauche), pour à la fois ne pas être gêné par le générateur et pouvoir visualiser les écrans. • Voie rétrograde directe des artères digestives Cette technique peut être réalisée pour le TC et/ou l’AMS (ROMS pour retrograde open mesenteric stenting) (5). Elle oblige une ouverture abdominale et la dissection de l’artère cible ou de l’une de ses branches. Cependant, cette technique fréquemment utilisée dans le cadre des ischémies mésentériques aiguës, obligeant un regard sur le tube digestif, facilite la recanalisation du fait du support important (6). Elle peut également être proposée en cas d’échec des autres voies d’accès (7). La technique est parfaitement codifiée (8). Elle utilise des plateformes 0,035’’. L’introducteur doit être cependant long afin de s’éloigner le plus possible de la source d’irradiation. L’installation du patient, des écarteurs est fondamentale. La vérification du bon positionnement du guide hydrophile dans la lumière aortique est nécessaire. Le stenting ostial est protégé. La récupération du guide à partir d’une voie fémorale ou brachiale (technique du téléphérique) est un artifice en cas de difficulté de recanalisation. 2 e temps : l’angiographie de repérage ou diagnostique L’accès à une salle permettant la fusion d’images aide à la localisation des ostia. Néanmoins, une aortographie est le plus souvent nécessaire. Le sizing préopératoire a ici son bénéfice pour définir les angulations optimales du capteur plan. L’acquisition à cadence rapide avec des temps tardifs, va permettre le repérage du mur aortique (cf. calcifications), la visualisation de l’axe d’aval notamment lors de la prise en charge d’une thrombose, le repérage des branches collatérales ainsi que des voies de suppléance. La qualité de la scopie réalisée de profil, doit être optimisée tout en cherchant à réduire au maximum le débit-dose (cf. volets, cadence, projections en regard, etc.). 3 e temps : franchissement de la lésion (figure) Figure : A et B : Images scannographiques d'une lésion ostiale et tronculaire, chez un patient souffrant d'IMC (atteinte tritronculaire avec sténose serrée du TC sur plaque calcifiée ostiale). C et D : Contrôle scannographique à 18 mois. Revascularisation AMS isolée par voie humérale gauche (stent Advanta™, Getinge). L’introducteur est positionné à quelques cm de l’artère cible. À l’aide de l’extrémité du cathéter porteur adapté (le plus souvent en appui sur la paroi aortique opposée), la paroi antérieure aortique est explorée. Dans les sténoses postostiales, l’extrémité de la sonde s’engage alors dans l’ostium. Dans les lésions ostiales, notamment associées à de volumineuses calcifications ostiales aortiques, la recherche de la lumière artérielle digestive ou de l’axe de la thrombose est plus difficile. La lésion est franchie en 1 re intention par le guide hydrophile 0,035’’ en J. Ce franchissement peut être aidé en cas de recanalisation par un support hydrophile 4 F, de bas profil (sonde, ballon de 20 mm de long). Le guide est positionné en distalité dans le tronc pour offrir une stabilité optimale, en veillant à ne pas créer de perforation artérielle distale, qui pourra nécessiter une embolisation supra-sélective secondaire. On veillera à toujours avoir le guide dans le champ de vision, de le positionner plutôt dans l’artère splénique lors d’une procédure sur le TC. La procédure peut se poursuivre sur le guide 0,035’’. L’accès artériel peut être sécurisé par le positionnement d’un guide rigide. La plateforme 0,035’’ offre comme avantages l’existence d’une large gamme de stents sur ballon (BMS), habituellement disponibles avec la possibilité d'utiliser des stents couverts (SC, indisponibles actuellement en 0,014''), faciles d'utilisation et avec un coût modéré. Mais tout comme à l’étage rénal, les techniques rapid-exchange utilisant une plateforme en 0,014’’ ont montré tout leur intérêt au niveau des artères digestives, notamment pour le franchissement des lésions complexes. Un guide 0,014’’ est alors positionné dans l’artère cible soit en réalisant un changement de guide sur une sonde de franchissement 4 F, soit en avançant le guide 0,014’’ en parallèle du guide 0,035’’ déjà positionné. 4 e temps : dilatation et stenting Le stenting primaire des lésions athéromateuses digestives n’est pas recommandé (9). Il expose au risque d’embolie distale et au risque de malpositionnement du stent (protrusion aortique trop importante, couverture d’une branche digestive). Une prédilatation à l’aide d’un ballon de 3 ou 4 mm, de bas profil, permet ensuite de positionner l’introducteur au-delà de la sténose pour effectuer un stenting protégé, précis de la lésion ostiale. Ces dernières sont traitées par l’implantation d’un BMS aux dimensions adaptées, préalablement défini. Il doit dépasser dans la lumière aortique de 2 à 4 mm, afin de limiter les resténoses ostiales par manque de couverture de la lésion (figure). Ce débord aortique pourra être flairé en fin de procédure, afin de faciliter un cathétérisme itératif futur, d’améliorer l’hémodynamique. Pour les lésions tronculaires distales, le stenting auto-expansible (SAE) est à préférer. De moindre force radiaire et rigidité, il épouse au mieux les courbures anatomiques. Son utilisation pour réaligner une plicature sur la zone de transition entre le stent ostial et l’artère digestive native, doit être large. Il convient de favoriser l’extension du stenting dans l’artère hépatique commune en cas de lésion distale du TC. Certains auteurs ont proposé l’utilisation d’un filtre afin de réduire le risque de migration embolique (10, 11). Le contrôle angiographique final se fera par l’introducteur, de profil puis de face, en grand
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