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Vasculaire

Publié le  Lecture 17 mins

Imagerie des dissections artérielles cervicales

G. DEKLUNDER, C. GAUTIER, F.-X. HIMPENS, Explorations fonctionnelles cardiovasculaires, Hôpital Cardiologique, CHU de Lille

La dissection spontanée des artères cervicales est une cause fréquente d’accident vasculaire ischémique chez l’adulte jeune. Un diagnostic adéquat et précoce est indispensable à une prise en charge thérapeutique appropriée susceptible de réduire significativement le risque ischémique et les séquelles neurologiques. Les techniques d’imagerie non invasive, imagerie par ultrasons, imagerie par résonance magnétique, angiographie par résonance magnétique et angioscanner permettent actuellement le diagnostic de cette pathologie dans la majorité des cas. Ils assurent aussi la surveillance de l’évolution temporelle des lésions. 

Généralités La dissection spontanée des artères cervicales représente la première cause d’accident vasculaire ischémique (20 %) chez l’adulte de moins de 45 ans dans les pays occidentaux. L’incidence annuelle est estimée à près de 3 pour 100 000 habitants mais elle est en réalité probablement plus élevée car il existe de nombreuses formes pauci symptomatiques ou très rapidement régressives qui échappent au diagnostic. La dissection résulte d’un clivage de la paroi artérielle par un hématome intra mural spontané ou secondaire à une brèche intimale. Dans ce dernier cas, le sang pénètre la paroi au niveau de la brèche et la dissection s’étend alors selon la même direction que le flux sanguin, sur une distance variable. L’hématome intra mural, quel que soit son mode de constitution, comprime la lumière artérielle et entraîne une augmentation du diamètre externe du vaisseau. La dissection peut être soit sous intimale et responsable d’une sténose ou d’une occlusion artérielle selon l’importance de l’hématome, soit sous-adventicielle, entrainant alors la formation d’un anévrysme. Localisation La localisation carotidienne est environ trois fois plus fréquente que la localisation vertébrale. Les dissections multiples sont loin d’être rares puisqu’on les observe dans près de 30 % des cas. Le point de départ des dissections est en général localisé dans une région mobile, plus vulnérable, comme le segment post bulbaire de l’artère carotide interne (ACI), les boucles, les jonctions entre portions fixes et portions mobiles des artères vertébrales (AV) (près de 75 % des dissections vertébrales se produisent au niveau de la zone d’entrée dans le canal rachidien ou de la zone de sortie du canal en V3). La dissection de l’artère carotide interne extra crânienne débute toujours en aval du bulbe carotidien et s’étend en hauteur jusqu’à la pénétration intracrânienne du vaisseau où l’artère reprend un calibre nor- mal. Plus rarement, elle peut aussi se limiter à un court segment artériel en regard de C1-C2 ou s’étendre au segment intra pétreux et intra caverneux de l’artère carotide interne (1-3). Pathogénie L’étiopathogénie de la dissection des artères cervicales fait toujours débat et le plus souvent aucune cause n’est retrouvée d’où le terme de dissection spontanée. Un traumatisme est parfois observé (15 % des cas au maximum) dans les antécédents récents, soit dans jours ou heures précédant les premiers symptômes. S’il est sévère, on parle alors de dissection traumatique et non plus spontanée mais, en pratique, il s’agit beaucoup plus souvent d’un traumatisme mineur (efforts de vomissement, activité physique sollicitant le cou, manipulation vertébrale, toux ou éternuement liés à une infection récente des voies aériennes supérieures). Ces microtraumatismes sont en règle générale parfaitement tolérés et il est donc suggéré qu’ils n’entraînent de dissection dite « spontanée » que chez des individus porteurs d’une prédisposition génétique, prédisposition qui semble multifactorielle. L’hypothèse est séduisante et repose sur un faisceau d’arguments mais elle n’est cependant toujours pas démontrée (4-6). Symptomatologie L’importance de l’hématome intra mural et son extension dictent en bonne partie la symptomatologie : Les dissections spontanées de l’ACI qui entrainent une sténose sévère ou une occlusion sont à risque élevé d’ischémie, embolique ou hémodynamique, dans le territoire cérébral correspondant (50 % à 80 % des patients selon les auteurs). Un tableau d’ischémie cérébrale transitoire ou constitué peut ainsi exister d’emblée ou apparaître dans un second temps, après un épisode de céphalées et cervicalgies. Les dissections sans retentissement sur la lumière vasculaire s’expriment plus volontiers par des signes locaux (douleurs, signes de compression des dernières paires crâniennes observés dans environ 5 % des cas). Le diagnostic de dissection de l’ACI doit donc être évoqué devant l’apparition de signes cliniques à type de céphalées, de cervicalgies, de syndrome de Claude Bernard Horner (ptosis, myosis, rétrécissement de la fente palpébrale). La présence d’acouphènes pulsatiles est également possible. Le tableau de dissection de l’artère vertébrale est souvent moins typique avec une douleur cervicale parfois isolée, qui précède ou s’associe à un déficit neurologique comme un syndrome de Wallenberg. La symptomatologie clinique peut donc être trompeuse voire même absente puisque, quel que soit le territoire, la dissection peut aussi être silencieuse. Il est dès lors facile de comprendre pourquoi les progrès de l’imagerie, à laquelle on a maintenant recours fréquemment en présence de signes fonctionnels mineurs, permettent d’établir beaucoup plus souvent qu’au préalable le diagnostic de dissection. Évoqué cliniquement, ce diagnostic sera donc toujours confirmé par la réalisation d’une imagerie non invasive associant de préférence deux techniques, écho-Doppler et IRM ou écho-Doppler et angioscanner selon les possibilités du plateau technique. Dans certains cas, seule l’évolution dans le temps des images permettra de rattacher avec certitude à une dissection les anomalies artérielles observées en imagerie. L’évolutivité relativement rapide de ces anomalies constitue un argument diagnostique important et justifie un suivi rapproché en cas de doute (7,8). Pronostic L’évolution de la dissection cervicale est souvent rapidement favorable sans traitement invasif. La résolution complète et précoce de la dissection est observée dans plus de 50 % des cas avant 6 mois (80 à 90 % des formes sténosantes, 50 % seulement des formes occlusives) (9). Dans de très rares cas, il est possible d’observer des recanalisations tardives, après 1 an (10). La régression des anévrysmes semble rare, même à long terme (11). Le risque de récidive de la dissection dans le territoire initialement atteint est faible, sauf dans les cas où elle est associée à une dystrophie du tissu élastique. Il n’existe pas de recommandation pour la prise en charge thérapeutique des dissections. Cependant, pour prévenir les accidents ischémiques, la plupart des équipes prescrivent un traitement anticoagulant dès le diagnostic établi. Au bout de trois mois, le relais est pris par un traitement antiagrégant plaquettaire. Au bout de six mois le traitement médical est arrêté sauf quand l’imagerie met en évidence une sténose ou un anévrysme résiduels, même si le risque de complications cliniques est faible (11,12). Échographie Doppler Diagnostic positif (7,13-16) Il est indispensable de réaliser le premier examen écho-Doppler le plus rapidement possible après l’installation des signes cliniques en raison de l’évolutivité souvent rapide des lésions. Le contexte clinique, la localisation lésionnelle et les particularités sémiologiques en échographie vont le plus souvent permettre le diagnostic positif de dissection. L’examen débute de façon classique avec une sonde linéaire de haute fréquence. Si l’examen est normal ou s’il montre des signes hémodynamiques en faveur d’un obstacle non visualisé, en particulier lorsque la bifurcation est haut située, le recours à une sonde microconvexe et de plus basse fréquence s’impose puisqu’on peut alors accéder au segment sous pétreux de l’artère carotide interne ou au segment V3 de l’artère vertébrale, zones difficilement visualisées habituellement. Une sonde phased-array de basse fréquence est bien sûr aussi utilisée, lorsque le diagnostic de dissection est posé, pour évaluer le retentissement d’aval en écho-Doppler transcrânien (EDTC). Comme toujours, l’exploration doit être exhaustive et concerner, en mode 2D comme en modes Doppler, les quatre axes à destinée encéphalique. Les caractéristiques morphologiques et hémodynamiques doivent être étudiées et décrites dans le compte-rendu. L’optimisation des réglages est fondamentale, en mode 2D pour permettre la visualisation de l’hématome de paroi et en mode Doppler pour permettre la détection du chenal circulant en particulier lorsque le débit n’est plus maintenu dans les sténoses très sévères. Les signes morphologiques sont spécifiques En cas de dissection carotidienne, l’hématome de paroi (figures 1 et 2) est situé sur la portion haute, sus bulbaire de l’artère carotide interne. Le bulbe est toujours indemne. L’hématome s’étend en général depuis la région rétro-stylienne jusqu’en sous pétreux. L’examen est d’autant plus aisé que la bifurcation carotide du patient est bas située et dans ce cas l’hématome de paroi peut être suivi sur plusieurs centimètres. L’image 2D caractéristique de la dissection est celle d’une paroi épaissie hypoéchogène, ou plus rarement isoéchogène, l’épaississement étant d’aspect homogène. Il existe un élargissement du calibre artériel en regard et une réduction souvent importante du chenal circulant. La présence d’un thrombus flottant situé en amont est possible, de même que celle d’un lambeau intimal visible dans la lumière ou d’un double chenal circulant mais ces aspects sont rares en pratique. Figure 1. Dissection de l’ACI. Structure pariétale hypoéchogène, homogène et sus- bulbaire, caractéristique d’un hématome de paroi. L’anomalie est bien visible parce qu’elle est moulée par l’imagerie de flux. DR Figure 2. Aspect proche de celui décrit figure 1, mais l’anomalie pariétale est ici anéchogène et détectable uniquement parce qu’elle est moulée par l’imagerie de flux. DR En cas de dissection vertébrale, l’hématome de paroi (figure 3) est souvent présent à la jonction V1 distal-V2 et en V2, ou à la sortie du canal rachidien en V3. Sur des plans de coupe étagés au long de la zone disséquée, la position de l’hématome sur la circonférence du vaisseau est souvent variable en raison du trajet fréquemment hélicoïdal de la dissection. La présence d’un double chenal est également rare dans la dissection vertébrale (figure 4). Figure 3. Deux exemples de dissection vertébrale dans le segment V2 proximal. Calibre artériel augmenté et chenal circulant excentré dans les 2 cas. A : hématome

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