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Vasculaire

Publié le  Lecture 15 mins

Dissections aortiques - Les endoprothèses modifient la donne

J.-P. BECQUEMIN, Service de chirurgie vasculaire et thoracique et endocrinienne, Groupe hospitalier Henri Mondor, Créteil

Les dissections de l’aorte constituent un événement gravissime menaçant la vie. Le pronostic dépend essentiellement de la localisation de la porte d‘entrée et de l’existence ou non de complications. Le remplacement chirurgical de l’aorte ascendante reste le traitement habituel pour la majorité des dissections aiguës de type A, le traitement endovasculaire a désormais pris une place dans le traitement des dissections de type B et des complications. La localisation de la ou des déchirures intimales et l’analyse des flux dans le vrai et le faux chenal sont des éléments importants pour la stratégie thérapeutique. Les progrès considérables de l’imagerie permettent une meilleure compréhension de cette pathologie et ouvrent la voie aux traitements endovasculaires et à une amélioration du pronostic. 

Une dissection est la conséquence d’une déchirure généralement transversale de la couche intimale, créant ainsi un plan de clivage entre intima et média dans lequel le flux sanguin circule, constituant un faux chenal. La dissection peut être antérograde, rétrograde ou mixte (figure 1). Longtemps on a pensé qu’il y avait une seule porte d’entrée et porte de sortie. En réalité, les déchirures sont souvent multiples. L’analyse des angio-scanners de 72 dissections de type B a montré qu’il y a en moyenne 2,8 ± 2,11 déchirures dans l’aorte, que ces déchirures sont situées entre 6 mm avant et 459,2 mm après l’orifice de la sous-clavière gauche, et siègent dans 80,5 % des cas en amont de tronc cœliaque. La surface de chaque déchirure est en moyenne de 0,63 cm 2. Plus la surface est large, plus le faux chenal est important et plus élevé est le risque de malperfusion (1). Pour être efficace, le traitement endovasculaire impose au préalable une imagerie de qualité pour comprendre l’anatomie et l’hémodynamique des flux de la dissection et pour planifier l’intervention. Figure 1. Dissection mixte, antérograde et rétrograde à partir de la sous-clavière gauche (vue postérieure). Quelle imagerie ? Échographie L’écho transthoracique a un intérêt indiscutable pour l’évaluation en urgence de l’aorte ascendante des valves aortiques et d’un éventuel épanchement péricardique. En per-opératoire, l’écho transœsophagienne identifie les localisations du vrai et du faux chenal, les flux, la situation des guides, la progression des endoprothèses et leur efficacité. En confrontant la position de la sonde, visualisée sur l’écran de l’appareil radio (figure 2), et l’aspect de l’aorte sur la console d‘échographie, on identifie très précisément les lésions, éléments essentiels pour la réussite du traitement. Figure 2. Angiographie peropératoire. A. Dissection aortique et sonde d’échographie transœsophagienne. B. Résultat après mise en place de l’endoprothèse. IRM Elle a peu de place en urgence, du fait de sa faible disponibilité et d’une moindre résolution anatomique que le scanner, mais peut être utile à la surveillance des dissections chroniques notamment pour l’étude des flux. En postopératoire d’une endoprothèse, elle ne peut être utilisée, comme alternative au scanner, que si l’armature de celle-ci est en nitinol, et non en acier. Angiographie par tomodensitométrie (angio-TDM) L’exploration de l’aorte nécessite une précision que seuls les TDM multidétecteurs (TDMMB) > 16 barrettes sont capables de réaliser : acquisition d’un large volume – de la crosse de l’aorte jusqu’aux artères fémorales en un seul champ –, haute résolution spatiale, dans un temps suffisamment rapide pour obtenir une opacification vasculaire optimale après une seule injection de produit de contraste iodé. L’analyse des images de l’angio-TDM et des reconstructions en 2D et 3D est effectuée grâce aux consoles de traitement informatique (figures 3 à 5). L’interprétation des images doit être dynamique et interactive à partir des images natives : les reconstructions 3D en rendu de volume (VRT) ou en MIP avec suppression des structures osseuses peuvent être obtenues en quelques secondes. Des reconstructions additionnelles 2D multiplanaires obliques ou courbes selon l’axe central du vaisseau facilitent l’extraction de paramètres biométriques tels que le diamètre, la surface ou la longueur du vaisseau. Au besoin on peut réaliser une reconstruction endovasculaire qui visualise en 3D et en dynamique la porte d’entrée. L’angio-TDM identifie la ou les porte(s) d’entrée, le vrai et le faux chenal, l’extension de la dissection sur l’aorte et les collatérales importantes, le retentissement parenchymateux (zone ischémique rénale, hépatique, digestive) et la présence d’un hémothorax d’un hémopéritoine ou d’une simple suffusion péri-aortique. Enfin elle permet les mesures indispensables au choix de l’endoprothèse : diamètres, longueurs, proximité des zones sensibles (valves aortiques, troncs supraaortiques, artères viscérales). Elle permet également d’anticiper d’éventuels problèmes lors de la fermeture de la porte d’entrée, notamment l’occlusion de collatérales importantes. Figure 3. Angiographie par tomodensitométrie en rendu volumique d’une dissection aiguë sans dilatation majeure de l’aorte au niveau thoracique. Figure 4. Angiographie par tomodensitométrie avec reconstruction en 3D montrant une dissection de type B avec un volumineux faux chenal. Figure 5. Angiographie par tomodensitométrie d’une dissection aortique. A. Reconstruction endovasculaire montrant la porte d’entrée de la dissection et la situation par rapport à la naissance des troncs supra-aortiques. B. Mesure des dimensions (diamètres et longueurs) de l’endoprothèse par la technique de la ligne centrale (reconstruction multiplanaire). Quel pronostic ? Selon le siège de la porte d’entrée, le pronostic est différent. Les dissections qui siègent en amont de la sous-clavière gauche, dites de type A dans la classification de Stanford, sont rapidement mortelles en particulier en cas de désinsertion de la valve aortique, d’un hémopéricarde, ou d’une dissection des coronaires. Le traitement chirurgical d’urgence qui assure le remplacement de l’aorte ascendante représente la meilleure chance de survie. Pour les dissections en aval de la sous-clavière gauche dite de type B, le pronostic dépend essentiellement de la présence d’une complication. Pour les dissections de type B non compliquées, le traitement médical offre à court et moyen terme des résultats supérieurs au remplacement chirurgical de l’aorte descendante. La survie à 5 ans reste cependant inférieure à celle de la population indemne, en raison de récidives de la dissection ou de la formation d’un anévrisme, événements survenant dans près de 40 % des cas. Les dissections aiguës compliquées concernent environ 20 % des patients présentant une dissection de type B. Elles sont définies par la présence : - d’ischémie viscérale ou des membres inférieurs ; - de rupture ou de pré-rupture ; - d’extension de la dissection. La mortalité est majeure, de l‘ordre de 30 à 40 %. Contrairement aux dissections de type A, le traitement chirurgical traditionnel des dissections aiguës de type B est une entreprise majeure dont les résultats sont très décevants. Passé la phase aiguë, qu’il s’agisse d’une dissection de type A traitée ou d’une dissection de type B, l’évolution de l’aorte non traitée peut être péjorative. De nouvelles dissections peuvent se produire (figure 6), avec les mêmes risques immédiats de rupture ou de malperfusion, et des dilatations progressives de l’aorte et/ou des iliaques, avec transformation anévrysmale (figure 7). Ces évolutions doivent être détectées par un suivi régulier par imagerie scanner ou par IRM, afin de les traiter au besoin. Figure 6. Évolution d’une dissection de type B connue. Constitution d’une nouvelle dissection avec apparition d’un troisième chenal au scanner de suivi. Figure 7. Extension d’un processus de dissection au carrefour aortique et aux iliaques (droite alimentée par le faux chenal, gauche par le vrai chenal), exposant à une occlusion artérielle ou à une évolution anévrismale. Dans le groupe de patients non opérés, les données récentes (non publiées) de l’étude randomisée INSTEAD montrent qu’à long terme les patients qui ont été traités par endoprothèse ont moins de complications évolutives. Quel traitement endovasculaire ? Traitement des complications ischémiques Fenestration endovasculaire La fenestration peut être indiquée dans les dissections aiguës en cas de malperfusion (2). On place un guide dans le vrai chenal et un guide dans le faux chenal, avant de perforer le flap à l’aide d’une aiguille ou d’un cathéter de réentrée (Outback, Cordis). On peut aussi monter sur les deux guides un introducteur armé pour déchirer le flap intimal jusque dans l’aorte terminale. Stents nus La mise en place de stents non couverts dans les artères viscérales ou dans les iliaques permet de résoudre en urgence des syndromes de malperfusion et de limiter le temps d’ischémie des organes cibles (figure 8) au prix d’une agression minime. Cependant, le problème de la dissection aortique n’est pas réglé. En pratique, il s’agit d’un complément à la mise en place d’une endoprothèse thoracique. Figure 8. Angioscanner avant et après mise en place d’un stent nu dans l’artère rénale pour traiter un flap obstructif de l’artère rénale. Endoprothèses thoraciques Principes et contraintes Le principe consiste à introduire par voie fémorale une endoprothèse étanche qui couvre la porte d’entrée et provoque une décompression du faux chenal et sa thrombose (figure 9). La faisabilité de cette technique est établie, mais il reste de nombreuses questions non résolues. Les endoprothèses ont surtout été développées pour les anévrismes et les ruptures traumatiques isthmiques. La problématique en cas de dissection est double : - pour les dissections aiguës, le problème majeur est la fragilité de la paroi aortique qui pourrait être accrue : par les contraintes mécaniques liées au squelette métallique de l’endoprothèse ou par la présence, pour certaines endoprothèses, de crochets latéraux visant à fixer la prothèse et prévenir sa migration. Une nouvelle endoprothèse est actuellement en cours d’évaluation (figure 10). Elle comporte deux composants , une endoprothèse couverte pour fermer la porte d’entrée proximale et un stent nu, suffisamment souples pour être correctement déployées dans les segments sinueux de l’aorte, avec un ancrage suffisant pour ne pas migrer sans être traumatisant pour la paroi, et enfin assez flexible pour s’adapter aux incongruences des zones d’apposition proximale et distale. Le principe est de fermer la porte d’entrée proximale et de plaquer le flap intimal sur la paroi aortique résiduelle. À noter qu’un autre stent est en développement pour les dissections de type A considérées comme non opérables (figure 11) ; - pour les dissections chroniques, c’est au

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